Le souffle en moi s'épuise, mon cœur au fond de moi s'épouvante.
- Psaume 142 :4 -Lors de ce mois d'isolement total, mon esprit se blinda. Il devint distant, froid, déterminé. Quelque chose avait changé en moi, une forme de résolution. J'étais prêt à tout pour fuir. Prêt à tout sacrifier pour vivre.
Et j'avais compris que vivre, ce n'était pas simplement être capable d'aimer. C'était aussi avoir la possibilité de s'affirmer en tant que personne, être capable de penser par soi-même, oser découvrir des passions et prendre ses propres décisions.
Vivre, ce n'était pas survivre.
Et malgré mon cœur brisé, j'avais réalisé que cette quête de liberté personnelle impliquait de sacrifier Loïs. Je l'acceptais. Non pas parce que je ne l'aimais pas, mais parce que je savais être incapable de l'aimer à la hauteur de ce qu'il méritait. Je n'étais pas capable de m'aimer moi-même, de faire mes propres choix, alors comment choisir Loïs, comment l'aimer, lui ?
Chaque jour un peu plus, je me fondais dans un nouveau moule, celui que je décidais enfin pour moi. Je restais impassible face à mes parents, le fils exemplaire qu'il voulait, l'enfant sage et obéissant. J'avais toujours cru que c'était moi, mais aujourd'hui, j'apprenais à en faire un masque. Et lorsque je partirais, je retirerai ce masque pour découvrir enfin qui j'étais vraiment.
Un mois, ce n'était rien face à dix-sept années passées avec eux.
Ainsi, la semaine du bac arriva et passa à une vitesse folle.J'avais révisé comme un dingue pour être certain de l'avoir. Et lorsque les résultats tombèrent et que je vis ma réussite écrite noir sur blanc, le soulagement m'avait fait pleurer.
Parce que c'était mon billet de sortie, mon échappatoire, le glas de ma vie ici.
Mes parents furent fiers de moi, du moins c'était ce qu'ils laissaient entrevoir en sortant le champagne le soir pour fêter ça. Mon père me parla de ce que j'allais faire pour l'année prochaine, de mes projets et de mes ambitions. Il me voyait médecin ou avocat.
Leur déni et toute cette mascarade me donnait la nausée.
Je fis mine d'être d'accord avec lui, exactement comme je le faisais depuis des années à ce propos alors que je savais ne pas être destiné à une si grande carrière.
Les jours qui suivirent semblaient être un souvenir du temps où tout allait bien. Il régnait dans la maison une bonne ambiance, sans que je sache d'où elle venait. Certainement pas de moi puisque mon cœur se flétrissait un peu plus chaque jour et que mon esprit s'imperméabilisait.
J'attendis ce qui me parut une éternité de recevoir mon diplôme à la maison, de pouvoir le tenir en main. Ensuite, il me fallut être prudent.
Pénétrer dans le bureau de mon père, récupérer le document officiel pour l'ajouter à mes autres papiers, reprendre mon ordinateur ainsi que mon portable, faire mes bagages – c'est-à-dire remplir mon plus grand sac de sport – et enfin m'échapper.
J'écris également une lettre pour mes parents, afin qu'ils comprennent mon initiative.
« Papa, Maman,
J'ai des souvenirs plein la tête de mon enfance insouciante, auprès de parents aimants. Je me souviens des sorties le week-end, des balades avec papa, des gâteaux de maman, des petites attentions chaque jour qui remplissaient ma vie de joie. Je ne manquais de rien. Mais ces souvenirs ne sont plus que ça, ils sont passés. J'ai grandi, évolué, je suis devenu quelqu'un qui vous dérange. Quelqu'un que vous ne comprenez pas et pire, que vous n'acceptez pas.
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Entre Nous
RomanceEliott est un adolescent timide, élevé dans la parole Divine et dans la rigidité, sa vie ne ressemble pas à celle des autres. L'intolérance de ses parents face à son orientation sexuelle l'emprisonne dans une chrysalide. Loïs, plus extraverti, est t...