Chapitre 38

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Tout est changement, non pour ne plus être, mais pour devenir ce qui n'est pas encore.
- Epictète -

Eliott

Ma séance chez Monsieur Legoux touchait presque à sa fin.

J'étais de plus en plus enthousiaste à l'idée de le voir parce que depuis un an, j'avais enfin de bonnes nouvelles à lui raconter. Ma réconciliation avec Loïs, mes confidences à Julian, mes retrouvailles avec Arnaud, le projet contre père Vincent, ma confrontation avec ma mère et à présent mon emménagement avec Loïs. J'étais même fier de lui dire que j'avais eu mon Master !

J'avais l'impression d'avoir fait un bond immense en avant.

Alors je ne comprenais pas bien l'attitude de mon psy qui se lissait la moustache, comme il le faisait toujours quand il s'apprêtait à me dire quelque chose de grave. Ou du moins qui allait me secouer fortement.

—    Qu'est-ce qui se passe ? demandai-je finalement.

—    Comme vous le savez, les thérapies se construisent petit à petit et avec des patients tel que vous dont le traumatisme tourne autour de plusieurs ramifications, il est important de procéder par étapes.

—    Oui, comme un oignon, répliquai-je.

—    Pas tout à fait. Ce serait plutôt un arbre pour vous. Le tronc est l'élément le plus solide, le traumatisme né de ce que père Vincent vous a fait subir. Ensuite, il y a les racines, celles sans quoi le tronc ne tiendrait pas, elles représentent vos parents et le rapport à leur religion hostile. Et en dernier, nous avons les branches, tout ce qui s'est construit grâce ou à cause du tronc et des racines.

Je hochai la tête lentement, imaginant cet arbre qui serait moi. Je pressentais que nous étions lancés dans un grand concept psychologique et je rassemblai tous mes neurones pour suivre Monsieur Legoux. 

—    Cela fait trois ans que nous travaillons ensemble et nous avons d'abord pris le temps d'affirmer et définir qui vous étiez en établissant tout ce qui fait qu'une personne est unique. Vos goûts, vos préférences en terme musical, cinématographique, nourriture et passion en tout genre. Vous vous êtes découvert.

—    C'était le plus facile, fis-je remarquer.

Un mince sourire s'établit sur les lèvres de mon psy avant qu'il reprenne son sérieux.

—    Exact. Ensuite, nous avons travaillé votre rapport à l'homosexualité pour que vous puissiez vivre en paix avec vous-même. Ce qui nous a amené à parler religion et redéfinir votre propre rapport à Dieu. Cela nous a pris du temps pour déconstruire, désensibilisé et reconstruire.

—    C'est peu de le dire, trois ans, c'est long.

—    Et ce n'était que les branches, Eliott, rétorqua-t-il d'une voix grave.

Son dos sembla se raidir et il croisa les jambes.

Ce n'étaient que les branches... Ces paroles revêtaient un sens que je ne comprenais pas tout à fait.

—    Que voulez-vous dire ?

—    Eh bien, j'ai le sentiment que vous essayez d'aller trop vite dernièrement et ça m'inquiète.

—    Comment peut-on aller trop vite ? m'enquis-je, perdu.

—    Cela fait quelque temps que nous avons commencé à traiter les racines de votre arbre, Eliott. Il nous a été difficile de déterminer comment procéder et ce qui serait le mieux pour vous. Nous avons testé des choses, échoué puis nous avons conclu que vous deviez libérer la colère et la rancœur que vous portiez à vos parents et notamment votre mère.

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