Chapitre 18

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Le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito.
- De Albert Einstein -

D'un regard las, j'avisai furtivement l'horloge avant de revenir à mon salon.

Mon petit appartement se situait dans un quartier très sympa, au sein d'une résidence étudiante privée propre et calme. Les bâtiments étaient neufs, la façade blanche donnait un aspect moderne et les petits espaces verdoyants au pied des immeubles apaisaient la sensation d'étroitesse et d'enfermement des habitants.
J'aimais bien y vivre.

J'avais pu le meubler selon mes goûts, ce qui n'était pas évident considérant le vide intersidéral de mon porte-monnaie. Toutefois, en faisant le tour des magasins d'occasions, j'avais trouvé mon bonheur. Mes seuls objets neufs étaient mon lit et mon canapé, je me refusais de dormir ou m'asseoir sur quelque chose d'usagé. En imaginant les acariens et autres bactéries, j'en avais des sueurs froides.

Au final, mon salon avait son propre charme, très vintage. Les meubles étaient certes dépareillés, cependant, ils s'accordaient à être en bois clair, s'harmonisant avec le canapé et mon armée de plantes vertes. C'était une décoration qui hurlait la nature et l'apaisement.

Mon regard glissa sur le foutoir de mon petit salon. Ouais, c'était la nature, dans un style sauvage. J'aimais bien mon bordel comme en témoignait mes baskets éparpillées, mes vestes entassées sur le canapé et mes affaires de cours partout. Ce désordre apaisait mon enfant intérieur, lui qui était dirigé par les règles strictes de ma mère qui m'imposait le ménage sans relâche.

Ce chez-moi me convenait et j'en étais fier.

Mon psy disait que je devais apprendre à me réapproprier ma propre vie, déterminer ce que j'aimais, contrer les idées préétablies par mes parents. Sur ce point, j'avais avancé, je me connaissais enfin. Je savais ce qui me plaisait et ce que je détestais, j'avais appris à manger à l'heure que je le voulais, faire le ménage quand je le voulais pour mon bien à moi et à personne d'autre et surtout j'avais gagné mon autonomie, mon indépendance et une liberté au sens littérale.

Pour le reste... c'était toujours en cours d'amélioration. Quand bien même j'assumais mon homosexualité. La thérapie était longue et fastidieuse.

Assis sur une chaise en velours vert forêt, trouvée à Emmaüs, je sirotai mon café, le regard revenant encore sur l'horloge accrochée au mur dans la cuisine. J'attendais avec impatience que la grande aiguille atteigne le trois en chiffre romain. Plus que cinq petites minutes et je pourrais y aller.

Mon ventre était complètement noué, le stress ne me quittait plus depuis que j'avais appelé pour cet emploi dans l'association et qu'on m'avait donné un rendez-vous d'embauche. Selon l'annonce, les qualifications n'étaient pas exigeantes. Il fallait être motivé, disponible, empathique et ne pas avoir de casier judiciaire. Par chance, je cochais tous ces critères.

L'association faisait un boulot remarquable. Elle avait plusieurs facettes. Elle aidait en premier lieu les jeunes gens en difficulté, mis à la rue par leurs parents à cause de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Et puis il y avait un programme d'entraide pour les personnes qui souhaitaient entamer des démarches, qu'elles soient médicales, juridiques ou judiciaires.

Lorsque j'avais fui mon foyer, chacun de ces aspects m'avait sauvé. Je trouvais leurs réunions et groupes de parole très enrichissants et bienveillants, bien que je n'y aille plus beaucoup depuis plusieurs mois. Ils y parlaient de sujets divers comme les droits civiques, la sexualité, la prévention, la confiance en soi, la tolérance ou le dialogue.

L'alarme de mon téléphone sonna enfin, me faisant brusquement frôler la crise cardiaque ! La prudence était une de mes qualités. Bien que mon regard n'ait pas décroché des aiguilles, j'avais opté pour une assurance plus implacable.

Entre NousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant