Chapitre 13

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Chemin de Traverse — dimanche 4 octobre 1981

Lily avait passé un long moment avec Sirius, en silence. Son fils s'amusait avec son parrain, joyeusement, sans se rendre compte de ce qui le menaçait, et elle le laissait en profiter.
Sirius lui jetait de temps à autre des regards pensifs, comme s'il brûlait de l'interroger sur ses projets, mais qu'il n'osait pas. Le jeune homme était juste pris entre sa fidélité envers son meilleur ami et l'amour qu'il portait à son filleul. Les deux n'auraient jamais dû entrer en conflit normalement... Il n'aurait jamais pu imaginer que James n'œuvrerait pas uniquement pour le bien-être de Harry.


Finalement, Lily avait récupéré son fils avec un sourire triste. Sirius avait hésité, déchiré. Une part de lui voulait lui proposer de l'héberger, pour la mettre en sécurité. Ou plus exactement pour mettre en sécurité son fils. Mais il y avait James. James était comme son frère. Leur amitié lui avait permis de sortir de l'influence de sa famille, de pouvoir être lui-même sans devoir plier face à sa mère. James l'avait hébergé quand il avait fui ses parents, il lui avait offert une nouvelle famille et l'espoir d'un avenir.

Lily avait tranché pour lui. Avec un bref sourire, elle l'avait tranquillement salué et avait quitté le magasin du glacier, Harry dans les bras, sans lui laisser le temps de lui proposer son aide.

Depuis qu'elle avait laissé le meilleur ami de son époux, Lily errait sur le chemin de Traverse, sans savoir quoi faire. Elle ne voulait pas rentrer chez elle et faire face à James. Elle savait qu'ils se disputeraient invariablement ou qu'il essaierait une fois de plus de la convaincre de confier l'éducation et la protection de Harry à Dumbledore.

Avec un grognement agacé, Lily rabattit la capuche de sa robe sorcière sur ses cheveux trop reconnaissables, ce roux ardent qui avait séduit James était parfois une véritable malédiction à ses yeux, puisqu'elle ne passait jamais inaperçue. Lily redoutait par-dessus tout de croiser quelqu'un qui irait moucharder au sujet de sa présence sur le chemin de Traverse à James ou au tout puissant Dumbledore... Son mari lui répétait en boucle que le monde magique n'était pas sûr pour elle, à cause des Mangemorts, mais en cet instant, elle était plus inquiète au sujet des gens de son propre camp.

Harry était agrippé à elle et regardait tout autour de lui avec de grands yeux fascinés. Il n'avait pas l'habitude de beaucoup sortir, puisque Dumbledore avait convaincu James qu'il était trop dangereux de quitter l'abri de leur maison et le petit garçon était terriblement curieux de ce qu'il voyait autour de lui.

Elle cligna furieusement des yeux pour ne pas se mettre à pleurer. Quelque part en chemin, tous ses rêves s'étaient brisés. Ses illusions sur le monde magique avaient éclaté et elle pensa brièvement que Severus avait eu raison. Elle l'avait si souvent accusé d'être trop pessimiste, elle comprenait soudain les craintes de son ancien meilleur ami.

Contrairement à ce qu'elle avait imaginé, le monde magique n'était pas si merveilleux que ça. Il y avait une facette sombre, bien moins attirante, qu'elle aurait préféré ne jamais connaître.

Elle pencha la tête pour cacher un instant son visage dans les cheveux en désordre de Harry, prenant conscience que Severus lui manquait, plus qu'elle aurait pu l'imaginer. Un bref instant, elle pensa que si son plan complètement fou et probablement suicidaire fonctionnait — elle, une née-de-moldue, demander la protection de Voldemort en personne — elle pourrait peut-être renouer avec lui, en espérant qu'il veuille toujours être ami avec elle malgré leur terrible dispute.
Severus était terriblement fier et buté, mais ils avaient été si proches qu'il pourrait peut-être accepter de reprendre leur amitié là où elle en était restée... un jour.


Elle bouscula accidentellement un passant, et en relevant la tête, elle écarquilla les yeux en reconnaissant une de ses amies de Poudlard.
— Alice !
La jeune femme, dont le fils avait exactement le même âge que Harry lui sourit joyeusement.
— Lily ! Tu es toute seule ?

Aussitôt, croyant devoir faire face à un sermon, elle se rembrunit. Alice sembla comprendre, puisqu'elle eut un sourire crispé.
— Désolée.
Elle ébouriffa tendrement les cheveux de Harry et murmura.
— Si tu as un moment... tu pourrais passer à la maison ? Les garçons pourraient jouer un peu ensemble. Franck ne me laisse plus sortir seule avec Neville, depuis que...

Elles échangèrent un regard nerveux, puis Lily se redressa et hocha la tête d'un air décidé.
— Oui. Oui, je crois que j'aimerai. Je... ne suis pas pressée de rentrer à la maison et je préfèrerais autant que James ne sache pas où je suis. Pas pour l'instant en tout cas.

Alice la dévisagea longuement, puis elle se mordilla les lèvres.
— Je ne dirais rien. Au début de cette histoire, on s'est pas mal disputés avec Franck, et puis... ensuite... Enfin, je veux dire, Franck voulait qu'on aille vivre chez sa mère, tu imagines ?
Alice ricana et Lily compléta doucement.
— Ensuite, Dumbledore a choisi Harry et...
Mal à l'aise, son amie hocha la tête en évitant son regard.
— Ouais. Et on a réussi à surmonter tout ça.


Lily bascula le poids de Harry sur un bras pour agripper de l'autre main le poignet de Alice.
— Je comprends. T'en fais pas, je suis plutôt soulagée que... Que vous puissiez souffler.

Alice lui passa le bras autour des épaules et l'attira dans un renfoncement de mur entre deux boutiques. Elle lui adressa un clin d'œil complice et Lily gloussa, retrouvant un peu de sa malice d'autrefois... Parfois, elle se sentait si vieille alors qu'elle n'avait que vingt-et-un ans...

Solidement agrippée à Alice et plaquant Harry contre son torse avec fermeté, lui murmurant d'être sage, elles transplanèrent ensemble pour arriver directement dans la maison des Longdubat.


Elle suivit Alice jusqu'à un salon confortable, où brûlait un bon feu de cheminée. Franck, le mari d'Alice, était assis à la table en bois, plongé dans l'étude d'un dossier tandis que le petit Neville jouait avec ses cubes sur le tapis, silencieux et concentré.
Lily salua Franck et elle eut un rire attendri en voyant l'enfant du couple aussi silencieux et calme.
— Je crois que nos deux garçons seront amis plus tard, Harry est aussi calme que ton Neville.


Le choix de LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant