Le choix de Lily

Chapitre 18

Elle croisa le regard sombre de Severus et s'obligea à ne pas montrer la moindre émotion, cachant sa tristesse de voir son ami — ancien meilleur ami — vivre dans le passé de cette façon. Après son enfance difficile et les années de Poudlard compliquées, Severus aurait mérité de vivre dans une maison lumineuse, bien loin de cet endroit empli de souvenirs amers.
Lily soupira, soudain épuisée.
— Pourquoi m'as-tu amenée ici, Severus ?

Il croisa les bras sur sa poitrine, les sourcils froncés, visiblement agacé.
— Tu te promènes seule avec ton gosse alors que tu es une cible ! Qu'il est une cible ! Il me semblait que tu étais plus... maligne que ça autrefois...

Lily ricana, nullement affectée par les paroles dures. Elle haussa les épaules, tranquillement.
— Nous sommes dans le monde moldu, Severus. Je suis juste venue... voir une dernière fois la maison de mes parents. J'ignorais que tu vivais encore ici.

Severus soupira et ferma un instant les yeux en se massant les tempes. Puis il reprit avec plus de douceur, visiblement incapable de savoir comment se comporter avec elle.
— Je travaille à Poudlard, mais je viens ici quand j'ai besoin de... d'échapper à tout ça. De souffler un peu.

Il y eut un lourd et inconfortable silence, puis Severus baissa la tête, cachant son visage derrière le rideau de ses cheveux noirs. Il murmura, d'une voix à peine audible et si la vieille maison n'avait pas été si silencieuse, Lily n'aurait pas entendu.
— Je suis désolé.

Quelques mois plus tôt, Lily aurait peut-être eu une remarque acide. Elle aurait peut-être ignoré ses excuses, encore furieuse de son comportement passé.
L'insulte l'avait blessée, mais plus encore la raison pour laquelle il l'avait prononcé avait été dure à digérer : Severus avait juste cherché à l'éloigner de lui.

Sauf qu'en cet instant, Lily avait quitté son mari et s'apprêtait à rejoindre le camp de Voldemort pour sauver la vie de son fils. Elle était seule et perdue, malgré sa volonté farouche de ne pas laisser la lumière manipuler Harry pour en faire une arme docile.

Elle approcha de Severus lentement, comme s'il était un animal blessé qu'il ne fallait pas effrayer. Puis, elle posa sa main sur son bras, les yeux brillants de larmes alors qu'elle se souvenait de tous les moments qu'ils avaient passés ensemble autrefois.
— Je sais, Severus. J'étais vraiment furieuse, mais... tout va bien maintenant, d'accord ?

Il leva brusquement la tête, les yeux écarquillés, et elle lui offrit un sourire triste en haussant les épaules.
— Ne sois pas si surpris, idiot. Tu me manques. Depuis cette stupide dispute, tu me manques vraiment.

Les pommettes de Severus rosirent et il cligna des yeux visiblement déstabilisé. Lily ricana, amusée de se rendre compte qu'elle réussissait toujours à le faire réagir et à briser son impassibilité légendaire. Pensant à un jeu, Harry gloussa à son tour et tendit la main vers Severus, attrapant un des boutons argentés de sa robe sorcière pour la tripoter entre ses petits doigts malhabiles.

Severus se figea, détaillant le petit garçon qui semblait fasciné par un simple bouton et qui gazouillait gaiement, sans sembler avoir peur de lui comme les enfants à qui il enseignait à Poudlard. Il lui souriait, le touchait, sans la moindre lueur de crainte, sous le regard rieur de Lily. Elle lui adressa un clin d'œil complice.
— Harry est plutôt sociable comme tu peux le voir...

Comme s'il se souvenait de l'identité du père de l'enfant, Severus recula d'un pas, le visage de nouveau fermé.
— Potter ne pouvait pas t'accompagner pour veiller à ta sécurité ?

Lily ne montra aucune émotion en répondant tranquillement.
— Ça fait près de quinze jours que j'ai quitté James. Plus ou moins. Je suis certaine que ton cher ami Lucius t'a informé de mes projets, non ?

Severus hoqueta, choqué. Il murmura, lentement.
— J'étais avec Lucius quand il a plaidé ta cause, mais je pensais que Potter faisait partie du lot.

Lily laissa échapper un rire désabusé et elle grimaça.
— James était prêt à... offrir notre fils sur un plateau à Dumbledore. Ils veulent en faire un guerrier, à l'instant même où il sera capable de tenir une baguette. Voire même avant puisqu'ils surveillent de près l'arrivée d'accidents de magie.

Severus fronça les sourcils, mais Lily continua, amère.
— Oh bien sûr, il aime Harry de tout son cœur. Mais je refuse d'en faire ce héros qu'ils veulent. Ce n'est pas une vie pour un enfant. Je sais aussi qu'il aurait refusé ma démarche. S'il le découvre... je suppose qu'il sera fou de rage.

Une larme coula sur la joue de la jeune femme et Severus hésita avant de lever la main pour lui presser l'épaule. Il hésita.
— Je croyais que tu l'aimais ?

Lily renifla et se frotta les yeux de sa main libre. Puis elle haussa les épaules.
— Peu importe mes sentiments. Harry passe en premier.
D'un coup, elle cligna des yeux.
— Attends, tu dis que Lucius Malefoy a plaidé ma cause ? Il a finalement accepté ?

Severus hocha la tête.
— Je ne peux rien te dire de plus, le seigneur des Ténèbres réfléchit. Je suppose que le fait que nous ayons pu nous expliquer sans recevoir de Doloris et le fait qu'il n'ait pas ordonné ta mise à mort immédiate est un signe encourageant.

Lily se jeta spontanément dans les bras de Severus et il l'enlaça maladroitement, incluant presque malgré lui le petit garçon dans cet étrange câlin. Il était tendu et mal à l'aise, mais il ne chercha pas à s'éloigner, ne croyant pas en sa chance d'avoir Lily si près de lui.

Après un long moment, il murmura.
— Tu comptes aller où, si tu ne vis plus chez toi ?
Lily grogna vaguement avant de soupirer.
— Je ne sais pas encore. Peut-être dans un hôtel moldu. Jusqu'à ce matin, j'étais chez les Longdubat, mais je ne veux pas abuser de leur hospitalité.
— Reste ici.

Severus sembla le premier surpris de sa proposition. Lily cligna des yeux, perplexe.
— Tu es sûr ? Je veux dire... Je ne veux pas que tu aies d'ennuis, si...
Severus grogna pour l'interrompre.
— Je suis sûr. Et je n'aurais pas d'ennuis. Tu auras la maison pour toi seule la plupart du temps, puisque je serais à Poudlard.

Lily le dévisagea longuement, puis elle lui adressa un de ses sourires, un sourire lumineux qui lui retournait toujours l'estomac.
— Merci Severus. Merci de tout cœur.