Le choix de Lily

Chapitre 16

D'un côté, il y avait tous ses principes depuis toujours. La morale. Son époux. Lily n'avait rien d'une criminelle, par Merlin ! Elle avait été préfète et avait tenu à faire respecter le règlement à la lettre à Poudlard. L'idée de causer la mort d'innocents la rendait malade.
Dans une moindre mesure, il y avait sa réputation. Sa vie dans le monde magique. Elle n'avait pas vraiment envie d'être marquée ou de jurer allégeance à un fou sanguinaire, dont elle ne partageait aucun des idéaux.
De l'autre côté... il y avait Harry. L'assurance que son fils serait libre, qu'il n'aurait pas à se battre. Qu'il grandirait sereinement et en étant heureux.

Ce fut une remarque innocente de Franck au cours d'une conversation qui fit pencher la balance, sans qu'il ne s'en doute.
— Tiens, Lily, j'ignorais que tu avais une sœur moldue. Tu n'en parles jamais ?

La jeune femme pinça les lèvres et grogna sourdement, avec un haussement d'épaules sec. Elle cracha d'un ton colérique.
— Ma très chère sœur n'est pas... quelqu'un de recommandable. Elle est... Disons que la dernière fois que je l'ai croisée, elle m'a rappelé que j'étais un monstre anormal et que mes parents auraient dû me noyer à la naissance. Quant à son mari, il a refusé de m'approcher de peur d'être... contaminé par ma monstruosité. Comment as-tu appris son existence ?

Franck sembla mal à l'aise face à la colère froide de Lily. Il s'éclaircit la voix et murmura en évitant son regard.
— C'est juste... Dumbledore est passé au Ministère et ils ont parlé de ta famille avec James. Comme nous sommes dans le même bureau, j'ai pu entendre ce dont ils parlaient et...
Il s'arrêta, terriblement gêné.

Les yeux verts de Lily s'assombrirent, mais elle força un sourire sur son visage pour rassurer Franck et lui faire comprendre qu'elle ne lui en voulait pas. Après tout, il n'avait rien fait de mal, il était juste le messager. Elle picora plus qu'elle ne mangea, restant silencieuse pour le reste du repas sous le regard inquiet de ses hôtes, les sourcils froncés.
Lorsqu'elle eut terminé de manger, elle avait pris sa décision.

Lily remercia chaleureusement les Longdubat pour leur hospitalité et leur annonça calmement qu'elle partirait le lendemain avec Harry. Après tout, elle ne pouvait pas rester éternellement cachée chez ses eux. Franck allait poser une question — probablement lui demander si elle rentrait aux côtés de son mari — mais Alice lui donna un coup de coude sec pour le faire taire, entretenant joyeusement la conversation sans évoquer les projets d'avenir de Lily Potter née Evans.

Songeuse, Lily passa la main dans les cheveux fous de Harry qui commençait à bâiller, installé à côté de Neville. Les deux garçons étaient aussi fatigués l'un que l'autre après avoir passé la journée à jouer ensemble. Le petit garçon cligna des yeux, puis sourit joyeusement à sa mère en levant le bras pour attraper une mèche de ses cheveux comme il le faisait souvent. Comme s'il était fasciné par la couleur flamboyante de ses cheveux.

Le cœur serré, Lily répondit à son sourire, avec la pensée féroce que désormais, elle ferait tout pour son fils. Absolument tout. Elle ne reculerait devant aucun sacrifice pour son petit garçon, pour qu'il continue de sourire avec cette insouciance.

Impasse du Tisseur — mi-octobre 1981

En transplanant dans le quartier où elle avait grandi, Lily plissa le nez, un peu surprise. La rue se vidait peu à peu de ses habitants et devenait sinistre. Le coin n'avait jamais été très attirant, il n'y avait jamais rien eu de beau dans cette zone industrielle, mais lorsqu'elle était petite, il semblait plus... vivant. Peut-être qu'à l'époque ses yeux d'enfant ne voyaient pas la misère de la même façon, après tout.

Harry s'agita un peu contre elle en grognant, n'aimant visiblement pas la sensation du transplanage et elle lui passa la main dans les cheveux pour le calmer, en lui murmurant quelques mots d'apaisement. Le petit garçon bâilla largement et posa sa tête sur son épaule, confiant, avec un soupir heureux, et Lily remercia le ciel d'avoir un bébé aussi calme et aussi docile.

Lily tourna sur elle-même pour regarder autour d'elle, se laissant envahir par les souvenirs doux-amers du passé.

Elle ne savait même pas pourquoi elle était venue à cet endroit précis. Peut-être pour voir une dernière fois la maison de ses parents, la maison où elle avait grandi. Elle n'était pas revenue impasse du Tisseur depuis la mort de ses parents et elle n'avait plus vraiment l'occasion de venir depuis que leur maison était à l'abandon.
C'était peut-être sa façon de dire adieu au monde moldu, puisqu'après avoir rejoint Voldemort — s'il acceptait — elle doutait de pouvoir y revenir librement...

Avec un soupir, elle entra dans le petit parc qu'elle avait l'habitude de fréquenter étant enfant. C'était à cet endroit qu'elle avait rencontré Severus, alors qu'ils n'avaient que huit ans, et c'était ici qu'elle avait découvert qu'elle était une sorcière. C'était à cet endroit qu'elle rejoignait son meilleur ami à l'époque et qu'elle s'occupait de lui, pour lui apporter à manger ou lorsque son père l'avait frappé.

Elle s'installa sur un banc écaillé, devenu un peu bancal avec les années, et elle regarda les lieux déserts, Harry babillant en observant autour de lui, visiblement fasciné par ce nouveau paysage. S'il n'avait pas fait si froid, elle l'aurait laissé s'amuser sur la petite aire de jeux... à l'endroit où elle-même avait joué lorsqu'elle était enfant.

Lily frissonna soudain et elle profita des lieux déserts pour jeter un sort de chaleur pour Harry, avant de se lever, et de regarder autour d'elle, nostalgique.
Elle avait eu besoin d'un peu de temps pour se perdre dans ses pensées avant d'aller voir la maison de ses parents. Elle ne pourrait pas y entrer, Pétunia l'ayant avertie qu'elle ne serait pas la bienvenue parmi les gens « normaux », lors de leurs obsèques.
Ça avait été leur dernier échange et puisque plus rien ne la retenait dans le monde moldu, Lily s'était entièrement immergée dans sa vie de sorcière.

L'idée même que Dumbledore puisse vouloir faire revenir sa peste de sœur dans sa vie la rendait malade, alors qu'elle imaginait parfaitement qu'il tentait de convaincre James de cacher leur fils chez cette mégère, dans le monde moldu. L'idée même que sa sœur s'approche de son fils adoré la rendait folle de rage, devinant parfaitement la façon dont il serait accueilli chez Pétunia.