Our Neverland

15- Lettres

3h du matin, dans les confins de ce désert qui abritait le B06-32, toutes les pièces étaient plongées dans l'obscurité à l'exception d'une seule. En effet l'éternel insomniaque du groupe d'enfants s'était réfugié dans la salle vidéo pour se perdre dans ses pensées en regardant les alentours ; cette fois la cause de son insomnie n'était pas le manque de fatigue mais plutôt l'impression d'entendre les voix de sa famille lui reprocher de les avoir abandonnés dans son infernale cavalcade avec Ren, il ne cherchait pas à faire fuir ces voix pour autant, ni les faire fuir, ni les fuir lui-même parce que ces voix avaient raison : le garçon avait bien abandonné ses camarades dans une panique la plus totale, il savait que ces voix n'étaient que le fruit de ses propres remords et que sa famille l'aimait toujours autant, mais ses frères et sœurs n'étaient plus que dans son esprit le laissant seul avec leur voix résonnant dans sa tête et leurs paroles assassines indignes de la gentillesse véritable de ceux qu'il aime, alors pour s'apaiser l'esprit le garçon voulait leur écrire, en particulier à un de ses frères... La lettre ne lui parviendra probablement jamais mais c'était un moyen pour lui de compenser son mal-être qu'il avait caché aux yeux du monde.

« Umbreon.

Ca fait déjà un petit moment que j'ai cette idée en tête mais jusqu'à présent j'ai toujours refoulé mes craintes au plus profond de mon esprit car j'ai retrouvé très vite ce que j'ai perdu, mais je n'en peut plus et vos voix sont de plus en plus envahissantes dans mon esprit, ce n'est pas une mauvaise chose je te rassure car vos voix me permettent de ne jamais oublier mon objectif qui est de revenir vous chercher mais ce ne sont pas vos paroles, les belles mélodies de vos voix sont ternies par les partitions amères de mes remords. Si tu savais comme je regrette énormément de choses, mais tout est allé si vite ce soir-là... En l'espace d'un instant j'ai découvert l'horreur de notre foyer, cette affreuse vérité cachée... Et ton grand frère Kayden... il n'est plus de ce monde, il est probablement parti rejoindre de nombreuses autres âmes fauchées bien trop tôt pour satisfaire ce système ignoble dans lequel toi comme moi sommes nés.

J'ai dû emmener Ren avec moi, je sais que pour le gentil petit frère que tu es, ça fait beaucoup de personnes à perdre d'un coup et encore une fois je m'en excuse, j'ai été obligé de ne prendre qu'elle avec moi car elle était la seule capable de comprendre aussi vite, je ne dis pas que tu es bête petit frère mais sur l'instant, elle seule avec moi-même était en danger de mort.

Ma vie et la sienne sont tellement différentes désormais, nous avons découvert une toute nouvelle famille qui savait tout à propos de Grace Field (oui il n'y a pas qu'un seul Grace Field, je sais ça paraît fou mais dans un monde où ce sont des monstres mangeurs d'enfants sont les prédateurs, ça semble moins dingue non ?), nous avons découvert l'existence de gentils démons qui nous ont appris à survivre et finalement depuis peu nous avons un nouveau foyer, sous terre, à l'abri de nos ennemis qui nous traquent, je me sens en permanence en danger mais mes émotions restent enfouies en moi, je dois guider mes cadets dans ce monde cruel.

C'est dur, chaque jour est dur et semble semé d'embûches mais pourtant actuellement notre situation n'est pas si terrible, tu sais Umbreon je crois que j'ai énormément de mal à accepter beaucoup de choses... Je n'arrive pas à accepter la mort de Kayden, ni le fait d'avoir abandonné mon quotidien paradisiaque, les après-midi sont longues et monotones sans les jeux du loup, jeux de balles, jeu de cartes et tant d'autres... Et je n'arrive pas à accepter de t'avoir abandonné toi et le reste de nos frères et sœurs, j'espère qu'ils vont bien et je prie chaque putain de journée pour qu'aucun ne reçoive la nouvelle d'une "adoption"... Je n'ai qu'un seul objectif et c'est de vous sortir tous autant que vous êtes d'ici, si je dois retourner en enfer chaque fois pour délivrer chacun de vous mes frères et sœurs chéris alors je le ferais, c'est promis...