Chapitre 8 (Kaycee)

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    J'avais beau avoir allumé toutes les lumières possibles de l'étage, la nuit noire ne cessait d'envahir les lieux. Je n'osais même pas regarder l'heure, rentrer tard pour éviter la foule étant devenu une habitude ces dernières semaines. Je n'avais qu'une peur, que toute l'entreprise découvre la vérité.

M'humilier comme il l'avait fait devant tout le monde était odieux, mais j'avais trop à perdre pour le confronter comme je l'avais malheureusement fait. J'aurais pu oublier, me contenter de l'ignorer, mais son arrogance avait eu raison de moi. Je ne pouvais tolérer qu'un homme, peu importe son statut, ait une telle ascendance.

À la suite de notre altercation, je n'avais eu qu'une peur, qu'il me rende la vie impossible, mais finalement non. Il se contentait seulement de m'ignorer comme il le faisait si bien. Cet homme était une énigme, à la fois intransigeant et étrangement flexible. Il aurait pu me virer sur le champ en vue de ce que j'avais déjà fait, alors pourquoi ne faisait-il rien de tout ça ?

Mes yeux me brûlaient tant que je ne pouvais continuer de regarder mon écran d'ordinateur. Depuis combien de temps étais-je assise sur cette chaise sans bouger ? Mon téléphone en main, je regardais les nombreux messages non lus de Lexie et Lian. Ils avaient deviné que je n'allais pas bien, mais impossible pour moi de leur dire quoi que ce soit.

Demain soir, on va au bar. Pas d'excuses cette fois-ci, si tu ne viens pas, on te kidnappe.

Je m'en voulais de leur mentir, mais j'étais heureuse qu'ils continuent de me remonter le moral malgré tout. Il était temps que j'arrête de me cacher. Si Adrian ne comptait pas me renvoyer, alors j'allais continuer à vivre ma vie le plus paisiblement possible, qu'il le veuille ou non.


Alors que Lexie et Lian se chamaillent comme à leurs habitudes, Susan me racontait les derniers ragots concernant Adrian, sa nouvelle obsession. Mon verre à la main, je m'efforçais de garder un sourire crédible. Si j'avais su qu'Adrian serait le sujet numéro un de cette soirée, je ne serais pas venue.

— Regarde Kaycee, sur cette photo, il est avec Mark Zuckerberg. Tu penses qu'ils sont amis ? Si ça se trouve, il l'a aidé à créer Facebook

— Pourquoi il t'intéresse autant ? la questionna Lian, visiblement curieux de cette obsession mal placée.

Susan rougit immédiatement à l'écoute de sa question. Les mains sur ses joues, elle gémit tout en se trémoussant.

— ll est incroyablement beau. Je me suis dit qu'en le connaissant, j'aurais plus de chance de lui plaire.

Lexie explosa de rire sans retenue, ses mèches rousses se balançant en rythme. Lian, lui, écarquilla les yeux, la bouche grande ouverte.

— Mais il est déjà marié. S'insurgea Lian. Tu irais draguer un mec déjà en couple ?

— Justement, tu fais bien d'aborder le sujet. J'ai vu sur un blog que sa femme avait été surprise avec un photographe connu. Adrian est cocu, c'est sûr.

À mon tour, j'ouvris la bouche en écoutant Susan. Adrian et sa femme ne valaient pas mieux l'un que l'autre. Comment ce couple pouvait-il encore fonctionner après tout ça ?

— Tu es sûr ? Demande Lexie à voix basse, comme si Adrian pouvait nous surprendre à tout moment.

Susan hocha la tête, le regard malicieux. Si son plan d'aller draguer Adrian était concret, c'est que cette info l'était surement aussi. Si elle voulait sortir avec ce psychopathe, qu'elle ne se gêne pas, je lui laisserais volontiers.

Lian me donna un coup de coude et rapprocha sa bouche de mon oreille pour y chuchoter quelques mots

— Quand on parle du loup.

En tournant ma tête, je retins ma respiration quand je le vis. En costume marron glacé, il avait les traits tirés et une barbe de quelques jours, comme sortant d'une journée de travail des plus intensive. En voyant Susan se recoiffer à l'aide de son téléphone, je compris qu'il était en direction de notre table.

— Bonjour à vous.

Mon pouls s'accéléra immédiatement à l'écoute de cette voix suave. Mes yeux fixés sur le comptoir, j'étais comme paralysé face au danger. Émanant de son costume, je sentis une légère odeur de cigarette qui me donna la nausée. Pourquoi était-il venu ?

— Bonjour Adrian, vous allez bien ? Geint Susan avec une voix des plus nasillarde.

Il posa son sac sur le bar et s'assit à la place juste à côté de la mienne. Nos épaules et nos cuisses se touchèrent alors qu'il s'accoudait au marbre.

— Je sors d'une grosse journée, j'ai besoin d'un verre et je paie ma tournée. Est-ce qu'il y aurait une âme charitable pour aller commander tout ça au barman ?

— J'y vais. m'exclamais-je en me levant de ma chaise.

Adrian m'attrapa le bras, me forçant à me rassoir le plus discrètement possible. Je sentis ses doigts glisser sur ma peau alors qu'il tentait de me maintenir assise.

— Vous êtes plus près du barman, ce serait plus pratique si vous y alliez tous les trois. demanda-t-il à Lian, Lexie et Susan.

Je pouvais lire l'incompréhension sur leurs visages, mais après quelques secondes d'étonnement, ils s'exécutèrent tous sans broncher, me laissant seule avec Adrian, sa main puissante toujours enroulée autour de mon bras.

Enfin seul, il me libéra de son emprise et se racla la gorge avant de me regarder. Lui qui était toujours bien coiffé, des cheveux châtains lui tombaient sur les yeux, renforçant la fatigue de son regard. Depuis quand n'avait-il pas dormi ?

— Je suis désolé.

Sa voix était calme, comme prise de remords. Je ne pus le quitter des yeux tant la situation n'avait rien de normal.

— Je voulais vous le dire ces derniers jours, mais je n'en ai pas eu l'occasion, alors je le fais maintenant. J'ai dépassé les bornes la dernière fois en réunion, je n'avais pas à vous parler comme ça.

Je restai immobile face à cette phrase qui semblait imprégnée d'une réelle honnêteté. C'était la première fois qu'il semblait sincère et réellement concerné émotionnellement par une situation. Avait-il finalement un cœur qui battait comme nous tous, ou méritait-il un oscar pour sa performance larmoyante ?

— Merci beaucoup. Mais je tenais aussi à m'excuser. Je n'aurais pas dû non plus vous dire ces choses. Pardon.

Du coin de l'œil, je le vis sourire tout en passant une main dans ses cheveux pour dégager son front.

— Je me permets de vous poser la question maintenant que cette affaire est close. Pourquoi avoir choisi mon bureau pour faire ça ? Vous avez bien un appartement ou un endroit plus privé ?

Un léger soupçon de malice traversa sa voix. Était-ce de la simple curiosité ou bien voulait-il saisir à nouveau une opportunité pour se moquer de moi ? Mais peu importe la raison, je n'aimais pas sa question.

— Je n'aime pas amener des inconnus chez moi.

— Vous avez peur qu'un serial killer vous kidnappe chez vous en plein ébat ? pouffa t-il, visiblement doté d'un sens de l'humour.

— J'ai eu de mauvaises expériences.

À l'écoute de mon ton sec, il ne surenchérit pas. Je me refusais de faire de l'humour avec lui, et encore plus de parler de ma vie privée. Et il était raisonnable qu'il en fasse de même.

— Je suis content que ce chapitre soit enfin clos alors. Bonne soirée. m'adressa t-il de son ton froid habituel.

En me frôlant une seconde fois le genou et l'épaule dans son mouvement, il se leva de sa chaise, prit son sac disposé sur la table et quitta les lieux sans prendre la peine de me regarder.

Lian et Lexie revinrent quelques instants plus tard, des verres à la main.

— Où est passé Adrian ?

— Il est parti 

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