Chapitre 21 (Adrian)

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Faisant rouler entre mes doigts un stylo déjà vidé de son encre, j'essayais de calmer mon esprit qui empruntait tous les chemins existants. Comme un algorithme des plus performants, il tentait de prédire tous les scénarios possibles et inimaginables. Dans moins de deux jours, ma vie allait radicalement changer et je ne voulais toujours pas l'accepter. Je voulais buter Harold qui continuait un peu plus chaque jour de me traiter comme son larbin attitré, volant tous les mérites de mon travail. J'en voulais à Éros de ne pas m'avoir laissé plus de temps pour mettre en place le plan que j'avais en tête. J'en voulais à Kaycee, de m'ignorer depuis des jours, se réjouissant, j'en étais certain, de mon départ imminent. Je m'en voulais à moi, de ne penser qu'à elle malgré la situation actuelle.

Elle était comme un poison qu'on avait injecté dans mes veines, se répandant dans mon corps à une vitesse folle. Elle avait corrompu mon cerveau et maintenant, elle s'attaquait à mon cœur.

Durant ma carrière, j'avais affronté les pires manipulateurs, convaincu les plus rusé, démantelé les objections les plus solides, mais jamais, je n'avais eu une ennemie comme elle. En moins d'un an, elle avait bousillé tous mes repères, se rendant presque indispensable au bon fonctionnement de mon être. J'avais déjà désiré des femmes à en devenir fou, voulant dévorer leurs chairs à tout prix, mais jamais aussi longtemps. Pour autant, je savais qu'il n'existait qu'un seul remède à mes maux, le sexe. Si je goûtais enfin à ce que mon être me réclamait depuis des semaines, alors je savais que je pourrais reprendre une vie normale. Il fallait que ce soit ça. Il fallait que je l'oublie.

— Il faut que les mails soient partis ce soir, que tout le monde sache que je quitte bientôt l'entreprise.

— Vous êtes sûr que c'est moi qui dois écrire votre mot de départ ? Vous voulez peut-être écrire quelque chose de plus personnel ?

— Non, faites-le à ma place. Merci.

Je souris en inspectant le visage de mon assistant. Lui qui savait normalement se montrer impassible n'avait pas réussi cette fois-ci à dissimuler son jugement dans le creux de ses lèvres. Partir d'ici était suffisamment douloureux pour que je doive en plus souhaiter du bonheur à une entreprise que je méprisais. L'organisation de ma soirée de départ était la seule chose qui laisserait une trace de mon départ. La dernière chance que Kaycee accepte de me sauver de ce mal qui me rongeait.


Adossé à ce bar que je commençais à connaître par cœur, je tapotais le bout de mes doigts contre le verre de mon cocktail. Malgré tous les regards braqués dans ma direction, personne n'avait le courage de venir me parler. Encore CEO, beaucoup auraient tenté de s'attirer mes faveurs, me proposant volontiers leurs compagnies, rigolant à s'en étouffer au moindre de mes sarcasmes. Mais aujourd'hui, la casquette de dirigeant rendue, je voyais enfin leurs vrais visages. Me méprisant comme ils savaient le faire, je percevais sans difficulté leurs chuchotements me concernant, soulignant avec mépris ma solitude à cette soirée qui était censée m'être accordée.

— Je voulais vous souhaiter une très belle continuation.

Ma tête se tourna avec délicatesse vers cette mélodie qui semblait venir du ciel. J'avais supplié l'univers qu'elle vienne à moi, et je n'avais pas été déçu. Les cheveux ébouriffés, ses doigts agrippaient avec force une pinte de bière presque vide.

— Merci beaucoup, ça me touche que vous soyez venu me dire au revoir. Vous êtes la seule pour le moment.

— Vous avez fait peur à tout le monde, il ne fallait pas vous attendre à autre chose. me dit-elle en pouffant si fort qu'elle en atténuait la musique.

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