Chapitre 40 (Adrian)

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Je ne pouvais dire l'heure qu'il était, les volets étant fermés depuis plusieurs jours maintenant. J'avais perdu la notion du temps, enfermé dans cette chambre qui m'avait vu grandir. Avec mélancolie, je regardais toutes les traces de mon enfance disposées ici et là. Encadrée et plaqué sur le mur, une photo de moi adolescent détonnait avec le reste. Un grand sourire aux lèvres, je transpirais la confiance et l'espoir. Quelques jours avant cette photo, cette gueule d'ours avait été tatoué sur mon torse. Je pouvais encore me souvenir de la sensation des aiguilles qui s'enfonçaient dans ma peau, une boussole gravée en moi qui ne ferait jamais oublier mon envie de me battre. Caché sous des vêtements luxueux, cet ours avait cessé de hurler, trop épuisé pour se défaire des chaînes que je lui avais moi-même imposées. Je le sentais au fond de moi, il lui restait suffisamment de force pour se battre, mais à quoi bon ? Je ne rêvais désormais que d'amour et d'émotion, un désir qui n'avait plus de sens sans elle.

Une succession de petits coups résonna dans la chambre, me coupant de cette éternelle introspection. D'une voix mielleuse, Paula appela mon nom, un bout de tête dépassant du cadre de la porte. Le simple fait de revoir son visage raviva l'aigreur qui me rongeait.

— Adrian, j'aimerais te parler de quelque chose.

Plaquant mes mains contre mon visage, je tentai de contenir mon énervement à l'écoute de sa voix.

— Va-t'en. Je n'ai rien à te dire.

— S'il te plait, c'est très important.

— Dégage putain.

— Adrian, c'est moi, il faut qu'on parle.

Sa voix, reconnaissable entre mille, fit presque apparaitre une lumière dans cette chambre plongée dans le noir. Comment pouvait-elle être là ?

D'un bond, je courus dans sa direction. D'un geste égoïste, je l'étreins avec force, humant son odeur le long de son cou. La douceur de sa peau électrisa la mienne, presque endolorie par tant de sensation. Sa main dans mes cheveux, elle m'embrassa la joue avec tendresse avant de m'offrir un sourire radieux.

— Je suis là pour t'aider à te battre, si tu le veux toujours.

— Me battre ?

— Je sais que ton père t'a menacé de te déshériter si tu continues de me fréquenter, alors je suis là pour le convaincre avec toi.

D'un mouvement de recul, je jetai un œil à Paula, seule responsable de cette situation. Elle pensait que faire venir Kaycee pourrait convaincre Harold, mais c'était tout l'inverse qui se produirait s'il l'apercevait.

— Ta venue ne changera rien. Je le connais, il ne remettra jamais en cause son avis. Jamais il n'acceptera mon divorce et ma relation avec toi.

— Tu abandonnes avant même d'avoir essayé ?

— Je ne veux pas que tu le confrontes si tout cela est perdu d'avance. Je veux te protéger.

— Alors j'irai seule si tu ne veux pas venir avec moi.

Sa main sans la mienne, je pouvais sentir sa chaleur m'apporter courage et espoir. Le confronter me faisait risquer mon futur, mais sans elle, il n'avait de toute façon plus d'importance.


Le menton relevé et le dos bien droit, je pouvais pourtant remarquer son stress malgré sa posture plus que convaincante. Les mains tremblantes, elle ne laissait pour autant pas impressionné par Harold qui la dévisageait sans retenue.

— Je n'ai rien à vous dire mademoiselle, rentrez chez vous. Vous n'êtes pas la bienvenue ici.

— Harold, écoute je...

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