Chapitre 17 (Adrian)

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 Les deux mains agrippées au volant, je fixais avec attention la route plongée dans la pénombre. Je détestais ce genre de petites routes perdues dans New York, sans lumières ni vie. Habituellement, je n'aimais pas conduire de nuit, mais cette fois-ci faisait exception. Le calme qui régnait sur la route apaisait la migraine qui m'avait suivi durant toute cette journée éreintante de travail. Ce flux incessant d'informations quittait enfin mes pensées pour laisser place à un vide des plus salvateurs.

Harold était infernal, la moindre de mes actions étant à ses yeux insuffisante. Je n'étais pas du genre à courir après les compliments, pour autant, il y a si longtemps que je n'avais pas eu droit à un "merci". J'avais tout coupé pour mon travail, je n'avais plus d'amis, plus de famille, plus de liaison. Je m'étais même surpris à laisser de gros pourboires au restaurant pour profiter d'un simple brin de reconnaissance qui me manquait cruellement. Je n'aimais pas qui j'étais devenu. J'aurais voulu tenir ce rôle d'homme froid et stoïque encore des années, continuer de véhiculer cette image de moi puissante qui, je l'avais longtemps cru, était véridique. Je n'arrivais plus à tenir ce rôle, et je n'en connaissais pas la raison.

La vibration de mon téléphone me coupa de cette trêve au goût exquis pour me ramener à la réalité. Activant le bluetooth, je baissais immédiatement le volume du son.

— Qu'est-ce que tu veux Harold ?

— J'attends le dossier sur la levée de fonds. Tu as dit que tu me l'enverrais dans la journée.

— J'ai pris du retard avec les réunions d'investisseurs, ils avaient beaucoup de questions. Je suis en route pour rentrer, je te l'envoie une fois arrivé.

— Fait vite, j'ai besoin de lire tes notes pour penser à la nouvelle stratégie que j'ai en tête. Est-ce que tu as pu avoir des nouvelles de future mise à jour de l'application ?

— Je vais devoir te laisser, j'arrive au parking, ça ne va plus capter. Je te fais un récap dans le mail dans lequel sera le dossier.

—J'attends, fait vite.

La ligne à peine raccrochée, un soupir de soulagement s'expulsa de mes poumons. Sa voix représentait désormais tout ce que j'essayais de fuir. Éros qui semblait être pour moi un challenge excitant s'était transformé en fardeau éreintant. J'étais excellent dans mes missions, mais cette charge de travail était impossible pour n'importe quel Homme, même le plus brillant.

Le GPS m'indiqua une arrivée proche, pourtant je ne connaissais pas cet endroit où j'étais déjà censé être venu. Le quartier était le même, cependant, les bâtiments, les rues, les commerces, tout était différents. J'aurais aimé lui demander si les informations étaient exactes, mais je n'osais pas la réveiller, endormi, le visage appuyé contre la vitre. Son expression était douce, angélique. Les paupières fermées, j'avais pourtant le sentiment qu'elle me regardait tendrement.

Lui effleurant la main avec délicatesse, je lui chuchotais quelques mots pour la réveiller en douceur.

— Nous sommes arrivées chez vous. Est-ce qu'il s'agit bien de votre appartement ?

Elle gémit avec faiblesse, comme trop épuisée pour ne prononcer ne serait ce qu'un simple mot. Mon pouce continua de caresser le dos de sa main, l'invitant une nouvelle fois à se réveiller.

— Maryline, encore juste quelques secondes et on y va.

Les yeux encore fermés, elle me saisit la main pour la coller prêt de sa joue glacé.

— C'est chaud. Ça fait du bien.

— Je ne suis pas Maryline, et vous êtes arrivée chez vous.

Ses paupières s'ouvrirent lentement, économisant chaque effort de son petit corps. Ses yeux dans ma direction, elle me fixa plusieurs secondes sans réaction.

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