Me balançant avec force sur mon siège, je chantais sans gêne les paroles de la chanson que j'écoutais. Les écouteurs vissés au fond de mes oreilles, même danser devenait une option pour tuer le temps. Rester tard au bureau pour échapper à Adrian aurait dû me sembler horrible, mais finalement, il n'en était rien. Depuis l'annonce de son départ, son planning avait drastiquement changé. Lui qui autrefois imprégnait les murs de l'immeuble du matin au soir, se faisait désormais plus discret. Arrivant tôt le matin, il partait généralement en début d'après-midi en direction de meeting ou d'une conférence. Pour mon plus grand plaisir, je n'avais qu'à m'adapter à ses horaires, arrivant tard le matin, mais quittant les lieux le soleil une fois éclipsé. Personne n'avait remarqué mon changement d'horaire, son départ ayant provoqué, comme son arrivée, une pagaille sans nom.
Essoufflée après une danse trop énergique, je m'assis par terre, fixant avec attention la lune, déjà haute dans le ciel. Solitaire, c'était sûrement l'astre le plus timide, profitant de l'absence de tous pour faire son apparition. Discrète, elle était tout l'inverse du soleil. Aimant le bruit et la foule, lui, se voulait être le centre de toute vie, comme un homme en quête perpétuelle d'admiration. Une étoile à la recherche d'attention qui punissait pourtant tous ceux qui oseraient la regarder trop longtemps sans y être préparé. La lune était timide, mais apaisante. Le soleil était présent, mais destructeur.
Je ne savais pas si je ressemblais à la lune, mais bizarrement, je savais qu'Adrian était lui le soleil. Un soleil ardent, mais qui brûlerait la main de celui qui oserait trop s'en approcher.
Cognant avec force la porte qui me séparait de l'air frais, je poussai un soupir si violent qu'il résonnait dans tout le hall d'entrée. J'avais passé cette porte des milliers de fois, mais cette fois-ci, mon badge refusait de fonctionner.
Mon téléphone en main, j'appelai l'entreprise chargée de la sécurité de l'immeuble, et après une longue négociation, ils acceptèrent d'envoyer quelqu'un me libérer. Selon eux, les règles de sécurité avaient été modifiées, bloquant tout accès à l'entreprise après de 22h.
— Je vous attends alors juste à côté de la porte. À tout de suite.
— Ça ne s'ouvre pas ?
Ne prenant même pas la peine de me retourner, je fermai mes paupières comme pour convaincre mon cerveau qu'il ne s'agissait pas encore de lui.
— Qu'est-ce que vous faites là ?
— Je suis toujours le patron de cette entreprise. Vous ne vous êtes pas encore débarrassé de moi.
Un sourire moqueur aux lèvres, il ne croyait malheureusement pas si bien dire. Il avait donc bien l'intention de torturer mon pauvre petit cœur jusqu'à la dernière seconde.
— J'ai appelé la sécurité, apparemment les règles auraient été durcies.
— C'est moi qui ai changé le règlement. Quand j'ai vu que certaines personnes pouvaient s'infiltrer dans l'entreprise en pleine nuit pour se faire plaisir, je me suis dit qu'il fallait que ça ne recommence plus.
Comme à mon habitude, je ne répondis pas, étant bien trop occupé à fixer le sol pour dissimuler la honte. Notre relation professionnelle avait disparu, ne laissant place qu'une sorte de jeu auquel j'avais été invité contre mon gré.
— Éros c'est terminé pour moi. Je pars bientôt.
Mon cœur s'emballa à l'écoute de cette phrase, imaginant déjà mon corps mort gisant au milieu de ce hall désert.
— Je suis terriblement désolée, je ne pensais pas que cette histoire vous ferait virer. Je ne sais pas quoi faire pour me faire pardonner.
— Le contrat a bien été signé. Éros va empocher plusieurs millions et devenir une des entreprises les plus rentables de New-York.
— Pardon ?
— J'ai mis à peine quelques heures à rattraper le sabotage du dossier. Personne n'a été au courant de ce qu'il s'est passé.
— J'en suis vraiment soulagé. Félicitations pour tout ça.
— Merci
Fixe, aucun mouvement ne venait perturber sa pose stoïque. Il me regardait avec intensité, comme attendant quelque chose de ma part.
— Je m'en vais dans quelques semaines, vous ne me reverrez plus jamais.
— D'accord. Je vous souhaite une très belle continuation.
— Putain.
Dans un élan précipité, il colla sa bouche contre la mienne, agrippant mes hanches avec l'entièreté de ses paumes. Sa langue cherchait déjà la mienne, ne me laissant même pas le temps de reprendre ma respiration. Je suffoquais presque, étant trop figé pour signaler à mon nez de respirer. Je ne pris même pas la peine de le repousser, mon corps m'indiquant très clairement qu'il voulait continuer cette salve au goût enivrant.
Après quelques secondes qui se voulaient durer une éternité, il décolla délicatement sa bouche de la mienne, laissant son visage à quelques centimètres de moi.
Essoufflée et chancelante, je luttais pour soutenir son regard brillant.
— Je t'annonce que je pars et tu n'as rien dit. Tu n'as même pas essayé de me retenir.
— Quoi ?
— Pitié Kaycee, ne me dit pas que je suis le seul à ressentir cette attraction. Regarde-nous, face à face après ce baiser, nous savons tous les deux que nous en avons envie, maintenant.
— C'est pour ça que vous vous êtes permis de m'embrasser ? Pour une intuition ?
Sa main passa dans mes cheveux avec une aisance presque admirable, comme si cette relation entre nous était des plus ordinaires.
— Laisse nous essayer, rien qu'une nuit, que tu puisses le ressentir toi aussi.
Ses yeux bleus me dévoraient avec envie, comme pour étancher une faim insatiable. Il était beau, je l'avais toujours su, mais c'est comme si je le réalisais pour la première fois ce soir.
— Il y a quelqu'un ?
Mon monde s'écroula aussitôt, Adrian se reculant de moi en l'espace d'un instant. Le retour à la réalité était brutal, me rappelant l'acte interdit que je venais de commettre.
— Mon agence m'a appelé pour déverrouiller une porte bloquée. C'est bien ici ?
— Oui, c'était bien nous. Merci de nous avoir ouvert. répondit Adrian avec une voix si sérieuse qu'elle aurait pu remettre en cause la réalité du moment que nous avions passé ensemble.
— Je vous laisse sortir du bâtiment, je vais fermer derrière vous.
Encore ébahis par les fourmillements qui parcouraient mon corps, je suivis instinctivement Adrian à l'extérieur sans prononcer le moindre mot. Malgré le froid de la nuit, ses joues étaient rouges, encore sous l'ébullition de notre baisée.
— Est-ce que j'oserais une dernière fois te demander de venir chez moi ce soir ?
Regardant l'horizon parsemé de bâtiments illuminés, j'ignorais ses paroles, ayant parfaitement compris le pouvoir de ses yeux sur moi.
— Je savais que tu étais du genre à fuir, mais je n'aurais pas pu me douter que tu le ferais même dans un moment pareil. Est-ce que tu as tant peur de moi ?
— Je suis fatiguée, je préfère rentrer chez moi avant de faire quelque chose que je pourrais regretter.
— Tu m'as tellement fait cavaler que je commence à en perdre mon souffle. Mais tu me connais assez maintenant pour savoir que sans un non-ferme, je continuerai d'aller vers toi.
— Bonne nuit.
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Start-Up Obsession
RomanceResponsable marketing de la Startup New-Yorkaise Éros, Kaycee Neal prenait plaisir à vivre ses journées qui se ressemblaient toutes. Un calme paradisiaque interrompu par l'arrivée d'Adrian Hoffman, célèbre homme d'affaires. Appelé pour gérer la fo...