Oracles ~ La saison des Assassins

Chapitre 25 : William

Finalement, les Effacés l'avaient sanctionné en lui retirant son assignation actuelle pour la donner à quelqu'un d'autre. Il semblait également qu'ils ne comptaient pas lui en fournir de nouvelle pour le moment.

Victorien se retrouvait, pour la première fois depuis longtemps, complètement désœuvré.

Il savait que passer outre les règles des Effacés entraînait des conséquences. Si c'était à refaire, il ne changerait aucun de ses choix. Mais tout ceci avait un côté frustrant qui lui pesait de plus en plus.

Elaria s'assit à ses côtés sur le balcon de Jahad, qui faisait face à une cour partagée par les quatre immeubles construits en carré. Ils étaient au dernier étage, le troisième, alors c'était ici qu'ils avaient la meilleure vue sur les environs.

- Toi, tu n'as pas trop le moral, constata-t-elle. J'ai bien fait de venir.

- Ça passera, répondit Victorien.

- Oui, mais bon, c'est pas forcément agréable sur le coup.

Elaria était venue dès qu'elle avait terminé son travail d'investigation du jour. Ce qui l'avait motivée était surtout la cuisine de Jahad, elle l'admettait, même si la mine de Victorien était devenue une raison de rester un peu plus longtemps.

En contrebas, dans la cour, des enfants se renvoyaient une balle avec leur magie.

- J'ai fait ça aussi, à une époque lointaine, se rappela Elaria. Je gagnais toujours.

- Si tu jouais contre un nouveau-né, je veux bien le croire. Sinon, j'en doute.

Elaria lui donna une tape sur le bras, ce qui lui arracha presque un sourire.

- Avec mon cousin qui était plus vieux que moi, précisa-t-elle. Personne dans ma famille n'est bon en magie, tu te doutes bien que ça aide.

- Tu n'es pas si mauvaise, argua Victorien.

- Tu m'écrases dans ton sommeil. Arrête de mentir.

- On n'est pas nés avec les mêmes capacités. Toi au moins tu exploites tout ton potentiel.

En effet, Victorien était un bien meilleur magicien qu'elle ou que la majeure partie des Effacés. Les mélanges génétiques avaient tendance à engendrer des individus avec un niveau magique bien supérieur et il était, aux yeux d'Elaria, le condensé de gènes le plus surprenant qu'elle avait croisé à ce jour.

Quand il prétendait ne pas exploiter tout son potentiel, il avait raison, et Elaria trouvait ça désolant.

Elle lui tapota l'épaule.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? Toujours la décision des Effacés ?

- Oui et non. J'ai l'impression d'être coincé.

- C'est à dire ?

- De n'avoir aucune perspective d'évolution. Aussi bien chez les Effacés qu'en dehors.

- L'impression que tu n'accomplis plus rien ou que ça ne t'apporte plus rien ?

- Un peu des deux.

Elaria passa ses jambes entre les barreaux du balcon pour les laisser se balancer dans le vide. Mapanga, son ikaroen – une sorte de furet à la fourrure blanche avec une épaisse queue comme celle d'un écureuil – quitta la cuisine où Jahad lui avait donné à manger pour grimper dans son dos et s'enrouler autour de son cou. Elaria lui gratta le crâne. Elle avait tendance à l'emmener partout, quand elle le pouvait.

- Après, si je peux me permettre, tu n'as pas grand chose au delà de la guilde, mentionna-t-elle. Pas de relation amoureuse, pas vraiment d'amis, pas de passe-temps, pas d'animal... Donc, quand tu dis que tu te sens coincé en dehors des Effacés, ça veut tout et rien dire.