Voilà une semaine qu'Eleonor était de nouveau coincée dans ce quotidien qui lui hérissait les poils. Elle avait le souvenir de s'être beaucoup ennuyée en grandissant, mais là, elle atteignait de nouveaux records.
Elle n'avait même pas le droit de sortir se promener dans la rue ou au parc, même en étant accompagnée. La taverne de la flèche d'argent, de ce fait, elle pouvait faire une croix dessus. Eleonor se sentait si à l'étroit dans sa chambre, où elle passait le plus clair de ses journées, qu'elle avait déjà déplacé tous les meubles trois fois. Dont une en pleine nuit, ce qui n'avait pas plu à ses parents.
Tant mieux. Eleonor leur avait à peine adressé la parole depuis son retour. Quant à William et à la confrérie... À chaque fois qu'ils avaient voulu entrer en contact avec elle, elle avait refusé, peu importe leur insistance. Qu'ils restent trois heures devant sa porte n'allait pas lui faire changer d'avis. Enfin, ce n'était encore jamais arrivé, heureusement. L'émissaire de surveillance était suffisant, sur ce point.
Quand ses parents toquèrent à sa porte en début d'après-midi, cependant, Eleonor concéda à entendre ce qu'ils avaient à dire. Juste cette fois-ci, pour savoir à quoi s'en tenir.
Sa mère vint s'asseoir au bord de son lit, ce qui encouragea Eleonor à s'éloigner d'elle le plus possible. Son père, lui, ne chercha pas à s'approcher, conscient qu'elle n'en avait aucune envie.
- Il faudra bien que tu acceptes de parler à un moment donné, dit doucement Ann.
- Maintenant, répondit Eleonor, mais soyez rapides et directs.
Ann hésita et échangea un regard son mari. Howard prit les choses en main.
- Nous avons eu très peur, quand tu es partie sur Thélis. Est-ce que tu le réalises ?
- Oui, marmonna Eleonor.
- Tu comprends donc pourquoi on t'empêche d'y retourner ?
- Oui. Parce que vous partez du principe que votre avis compte et pas le mien.
- Eleonor, ce n'est pas...
- Vous avez peur quand je suis à Astras. Moi, j'ai peur quand je suis à Londres.
- Tu es en sécurité ici.
Encore cet argument. Si c'était juste pour dire ça, ils pouvaient quitter sa chambre immédiatement.
Pourtant, quand sa mère reprit la parole, ce fut pour prononcer les paroles les plus affreuses qu'Eleonor ait eu un jour le privilège d'entendre.
- Je n'en reviens pas de ce que je vais dire, commença Ann en se passant une main sur le visage, mais... Tu devrais considérer d'épouser Benjamin Watson.
- Pardon ? s'exclama Eleonor.
- C'est un Oracle. Il pourra te protéger mieux que quiconque.
- Mais c'est justement un Oracle ! Il est hors de question que je fasse ça. Complètement hors de question.
- S'il te plaît, envisage au moins la chose.
Jamais elle ne ferait une énormité pareille de son vivant. Eleonor, piquée au vif et de plus en plus irritée, les foudroya du regard.
- La vérité c'est que je ne veux pas me marier. Et vous savez quoi ? Vous n'allez pas m'y obliger.
- Tu dois le faire, Eleonor, insista Howard. Je sais que ça ne te plaît pas, mais on en a déjà parlé.
- Les chasseurs de magiciens, oui, j'ai compris.
- C'est pour ton bien.
Non. C'était pour s'intégrer dans une société où elle ne se sentait pas à sa place.
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Oracles ~ La saison des Assassins
FantasyLondres, 1832. Eleonor Crawford, vingt ans, n'aspire qu'à devenir une Maîtresse Magicienne qui saura faire ses preuves au sein de la confrérie des magiciens de Londres. Cependant, les choses ne vont pas exactement se dérouler comme elle l'avait prév...