Nathanael Walker l'Oracle se trouvait dans le couloir et Eleonor avait bien du mal à en faire abstraction.
Quand c'étaient les autres émissaires, elle parvenait à vivre sa vie de recluse dans sa chambre sans trop y penser – elle en avait déjà pris l'habitude, malheureusement –, mais pas quand il s'agissait des Oracles. À ses yeux, c'était comme s'ils brillaient à travers les murs.
D'accord, Nathanael n'utilisait pas de magie rouge et ne faisait aucun bruit donc c'était impossible de le remarquer, mais Eleonor ne cessait de regarder le mur contre lequel il était adossé comme s'il allait fondre ou prendre feu.
Marian lui avait déjà conseillé plusieurs fois de penser à autre chose, mais depuis deux jours que Nathanael était là, ce n'était toujours pas arrivé.
Au moins, ce n'était pas Benjamin Watson.
Eleonor répondit au dernier message de son amie et considéra de lire un livre avant d'aussi vite abandonner l'idée. Elle n'arriverait pas à tourner une page sans être déconcentrée au moins dix fois. Elle était déjà naturellement très distraite.
Que faire ? Elle avait l'impression d'avoir épuisé tout son stock de choses à faire pour s'occuper et elle refusait d'aller voir ses parents. S'entraîner à la magie ? Coudre ? Réagencer une énième fois sa chambre ? Non. Tout ça demandait plus d'efforts qu'elle n'avait envie de fournir.
Fixer le plafond et réfléchir à sa vie ? Ça lui semblait la chose la plus sympathique à faire, même si cela devenait redondant.
Oh, non, elle avait une meilleure idée. Eleonor se releva de son lit et s'avança jusqu'à sa bibliothèque surtout remplie de babioles. Derrière les livres d'histoire de Thélis, elle saisit le carnet sur lequel elle écrivait beaucoup quand elle était plus jeune. Le relire l'occuperait un moment, et en prime, elle pourrait se moquer de sa version du passé.
Eleonor retourna s'allonger sur son lit et s'attaqua à la première page. Elle avait été rédigée en 1824, donc quand elle avait douze ans, et parlait d'une humaine de son âge qui avait été désagréable avec elle. Eleonor admettait ne pas s'en rappeler, ou juste un souvenir très vague. Fait amusant, elle avait écrit les insultes en lysirien et le reste du texte en anglais – cela avait toujours l'air moins violent dans une langue étrangère. Elle tourna la page et trouva cette fois-ci une entrée de son journal à propos de son envie d'apprendre la magie sérieusement et un descriptif de tout le monologue qu'elle avait récité à ses parents pour les convaincre. Ça, par contre, Eleonor s'en souvenait bien.
Cela n'avait était que six ans plus tard, à ses dix-huit ans, que ses parents lui avaient trouvé William comme professeur particulier. La magicienne tourna les pages du journal pour voir si elle avait écrit sur cet épisode. C'était bien le cas, et il s'agissait de la toute dernière entrée.
Ce type, là, William Knightley, qu'est-ce qu'il est désagréable.
Eleonor ne put retenir un sourire. La première impression qu'elle avait eu de lui avait été tout sauf positive, mais sachant qu'à leur premier cours, William avait passé une journée exécrable, ça s'expliquait. Elle retourna en arrière pour revenir à ses douze ans.
À ce moment, un cri résonna depuis la cuisine. C'était la voix de Fraeya.
Eleonor ferma le journal et se redressa d'un bond. Quand elle sortit de sa chambre, elle remarqua que Nathanael avait quitté son poste de surveillance pour voir ce qui se tramait.
Il y eut des sifflements d'air caractéristiques de la magie dans le salon. Eleonor entendit ses parents échanger des paroles alarmées.
Un assassin était forcément entré chez eux. C'était l'heure de lancer leur plan.
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Oracles ~ La saison des Assassins
FantasyLondres, 1832. Eleonor Crawford, vingt ans, n'aspire qu'à devenir une Maîtresse Magicienne qui saura faire ses preuves au sein de la confrérie des magiciens de Londres. Cependant, les choses ne vont pas exactement se dérouler comme elle l'avait prév...