Londres, Avril 1832.
Eleonor observa ses tuteurs avec un mélange d'horreur et de trahison. Sa main se porta machinalement à son cou, comme si l'on avait tenté de l'étouffer.
- Me marier ? répéta-t-elle.
Ann voulut lui prendre le bras, mais Eleonor l'en empêcha. Howard, lui, laissa échapper un long soupir.
- Eleonor, soupira-t-il. Tu as vingt ans. Tu es en âge de te trouver un mari.
- Mais je n'en ai aucune envie !
Ann, qui l'avait pourtant élevée depuis aussi loin qu'elle se souvenait, approuva les propos de son mari.
- Nous avons beau être des magiciens, nous vivons parmi les humains, Eleonor. Ça veut dire s'adapter aux normes sociales. Tu le sais très bien.
La jeune femme leva les yeux au ciel. Oui, elle le savait, puisqu'elle s'y conformait depuis qu'elle était enfant. Mais vivre cette double vie, où elle pouvait faire ce que bon lui semblait en compagnie des magiciens uniquement, la fatiguait.
De plus, elle avait techniquement quelques années encore pour trouver ledit mari. Pourquoi lui mettre ainsi la pression ?
- Parce que c'est vraiment si grave si je ne le fais pas ?
- Oui, confirma Ann. La dernière chose que tu veux, c'est attirer l'attention des chasseurs de magiciens sur toi. Tu sais qu'ils ratissent la ville à la recherche de comportements qui dénotent.
- Je sais que ça ne te plaît pas, mais c'est nécessaire, ajouta Howard. Nous même avons dû en passer par là. C'est pour ça que nous avons établi des conditions pour t'aider à te décider.
Eleonor craignit le pire.
- Tu as six mois, dit-il. Soit tu trouves un magicien qui acceptes de t'épouser, soit nous t'arrangeons un mariage avec un humain.
- Pardon ?
Épouser un humain était la pire chose qui pouvait arriver à un magicien vivant sur Terre. Il était parfaitement interdit qu'ils apprennent l'existence de la magie, aussi il devenait nécessaire de maintenir les apparences en permanence. Cela voulait dire oublier tous les avantages que la vie de communauté chez les magiciens offrait.
- Vous ne pouvez pas me faire ça, plaida Eleonor.
- C'est pour ton bien, insista Ann. Nous sommes sérieux, Eleonor. Les rumeurs parlent d'une augmentation du nombre de chasseurs à Londres.
Les rumeurs racontaient beaucoup de choses, à son sens, mais Eleonor ne pouvait les contredire cette fois. William, son professeur de magie, lui avait dit que deux de ses connaissances s'étaient fait assassiner en pleine rue. Comme à chaque fois qu'un magicien était tué, leur confrérie rejetait la faute sur les chasseurs.
Eleonor se passa une main sur le visage. Tout allait trop vite. Elle avait besoin de réfléchir.
- Je sors, déclara-t-elle. On en parle après, d'accord ?
- D'accord, répondit Howard. Fais attention à toi, ma fille.
Eleonor esquissa un sourire terne.
Ann et Howard Crawford n'étaient pas ses parents biologiques, même s'ils l'avaient élevée et l'aimaient comme leur propre enfant. Du peu qu'Eleonor savait – entres autres ce que William lui avait raconté et qu'il tenait lui-même de son père – ils avaient été choisis à cause de leur ressemblance physique avec elle. Cheveux blonds, même si plus foncés que les siens qui étaient presque blancs, grande taille et traits de visage relativement similaires. Comme pour les rares magiciens adoptés par des familles vivant sur Terre, il fallait avant tout sauver les apparences.
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Oracles ~ La saison des Assassins
FantastikLondres, 1832. Eleonor Crawford, vingt ans, n'aspire qu'à devenir une Maîtresse Magicienne qui saura faire ses preuves au sein de la confrérie des magiciens de Londres. Cependant, les choses ne vont pas exactement se dérouler comme elle l'avait prév...