20. L'auberge

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   Eragon et Murtagh marchèrent une vingtaine de minutes sous le déluge, sans échanger un mot. Leurs bottes s'enfonçaient péniblement dans l'herbe spongieuse et la boue. Ils avaient choisi d'éviter les chemins pour ne pas se faire repérer. Quand ils virent les lumières de la ville, ils retrouvèrent le chemin dallé qui conduisait jusqu'à la porte principale. A cette heure là et par ce temps, les commerçants et voyageurs n'étaient pas nombreux. Quand ils arrivèrent à quelques pas de la ville, Eragon crut discerner un énorme rempart qui protégeait les habitations.

- Murtagh, demanda t-il en haussant le ton à cause de la pluie pour qu'il entende, Furnost n'était pas une ville avec une aussi grosse fortification avant ?

- Oui. Cela fait maintenant trois ans qu'elle est ici, répondit son demi-frère avec gravité. Depuis que Nasuada est devenue impératrice, Orrin ne s'en est toujours pas remis. Il a maintenant peur que Nasuada envahissent le Surda pour contrôler toute l'Alagaësia.

- C'est complètement absurde. Nasuada ne ferait jamais une telle chose, dit Eragon, abasourdi par l'annonce de Murtagh. Si les deux royaumes venaient à se battre, le Surda perdrait tout. Les elfes, les nains et les Kulls sont aux côtés de la reine. J'ai également prêté serment à Nasuada, Orrin le sait très bien.

- Je sais mais... Tu connais Orrin, marmonna Murtagh.

   Le roi Orrin n'avait jamais été très apprécié par les différents peuples vivants en Alagaësia, hormis le sien. Eragon le trouvait prétentieux, et maintenant il était devenu paranoïaque. Ils marchèrent dans le même pas vers les remparts. Arrivés devant la grande masse sombre, une lueur orangée s'alluma sur les remparts à travers les trombes d'eaux. Une silhouette de soldat se dessina dans la lumière et un homme cria :

- Halte ! Qui va là ? Au nom du Surda, annoncez-vous !

« Au nom du Surda ? Mais qu'est ce qui lui prend ??? » pensa Eragon.

« Ne dis rien je m'en occupe. » prévint Murtagh.

Il leva la tête sans enlever sa capuche et parla fortement :

- Bien le bonsoir brave homme ! Mon frère Morn et moi-même, Tornac, souhaitons passer la nuit ici dans une de vos magnifiques auberges. Auriez-vous l'amabilité de nous ouvrir, s'il vous plaît ? demanda Murtagh dans un jeu de rôle qui fit sourire Eragon sous sa capuche.

   Les deux complices attendirent patiemment sans montrer leur visage dans la lumière. Ils entendirent les pas du soldat sur son chemin de ronde puis ils s'arrêtèrent.

- Et que peuvent faire deux frères à cette heure ci sous un déluge pareil ? demanda le garde, prudent.

   Murtagh, toujours dans son rôle, continua avec plaisir :

- Eh bien, vous allez trouver ça bête, mais nous sommes fascinés par les insectes d'Alagaësia. Aujourd'hui, nous avons étudié une espèce de moustique qui ne sort seulement avant un orage ou un déluge comme celui-ci. Mais nous pourrions parler de cela au sec si vous le voulez bien ?

   Désabusé par ce qu'il venait d'entendre, le garde bredouilla :

- Euh... Oui, bien sûr. Et votre frère, il ne parle pas ?

- Hélas monsieur, il est devenu muet depuis la mort de son chien.

« C'est ça. Profite pendant que tu le peux. » marmonna Eragon, en retenant cette blague pour plus tard.

« Tais-toi ! Tu va tout faire foirer. »

   Le soldat descendit et quelques secondes plus tard, les portes en acier s'ouvrirent en grinçant, écartant la boue hors du passage. Les Dragonniers avancèrent en pataugeant dans les flaques. Quand ils franchirent le seuil, le soldat leur souhaita le bienvenu et la ville apparut totalement. Une longue avenue pavée séparait les habitations en deux rangs et les allées secondaires s'étaient transformées en torrents boueux qui remplissaient les fossés. Personne n'était à l'extérieur. Les volets de bois qui n'étaient pas cassés restaient fermés, et aucune lumière ne sortait des maisons. La ville semblait éteinte, morte. Un mouvement attira l'attention d'Eragon. Ce n'était qu'une femme, fermant elle aussi ses fenêtres, sans leur adresser le moindre signe, hormis un regard d'inquiétude. Les deux voyageurs continuèrent à marcher lentement, jusqu'à atteindre ce qui semblait être la place centrale. Quatre allées, pavées elles aussi, partaient du centre de la place, chacune vers un point cardinal. Une fontaine avec une statue de chevalier sur son cheval la dominait. L'eau sortait de la bouche du cheval et du bouclier de l'homme, pour se déverser dans une petite piscine, qui débordait à cause de la pluie.

Eragon : le Parjure oubliéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant