Eragon : le Parjure oublié

24. Epées et Marteau

   Une personne frappa à la porte trois coups puissants et réguliers. Nasuada autorisa Jörmundur à ouvrir. Un homme entra dans la pièce, les pans de sa cape rouge volant derrière lui. Eragon n'eut aucun mal à le reconnaître, malgré cinq années d'exil. Cette mâchoire prononcée, son nez mince et ses cheveux bruns tombant juste au dessus de sa nuque, tirés en arrière et retenus par une couronne surmontée d'une opale transparente. Un arc encoché d'une flèche d'or scintillait, brodé sur le sombre vêtement que le roi portait. Il remarqua ses tempes grisonnées, et que son ventre avait pris beaucoup de volume. Un double menton commençait également à apparaître. 

   Par politesse, Eragon s'inclina devant l'homme qui l'avait tant énervé lors de la Grande Guerre. Il était inutile de créer des tensions dès son retour. Quand il se redressa, le Dragonnier vit le regard du roi ébahi, en quelques secondes, il lut de la surprise, mais également de la peur sur le visage du dirigeant du Surda.

- Toi ? murmura Orrin, comme si il n'arrivait pas à le croire. 

- Moi, répondit simplement Eragon en saluant une seconde fois Orrin d'un signe de tête. Le roi lui renvoya son salut. Ils se fixèrent pendant quelques secondes, puis, Orrin ne tenant plus le regard du Dragonnier, se tourna vers Nasuada, décontenancé. Il se courba plus bas qu'il ne l'avait fait pour Eragon, mais ce dernier ne dit rien. Nasuada se courba à son tour, et invita le roi à s'asseoir sur les sièges près de la cheminée où brûlait une bûche imposante. Orrin déposa sa cape ornée d'une épaisse fourrure au niveau de la nuque sur le canapé, et s'assit sur le siège, se servant un grand verre d'hydromel. Les premières présentations faites, Arya et Murtagh, dans la pièce voisine depuis le début pour ne pas effrayer Orrin, arrivèrent tranquillement tour à tour. Si le roi salua Arya en restant assis, il ne fit aucun effort pour Murtagh , lui jetant même un regard de dégoût. 

« Reste calme, intima Eragon à son demi-frère. » Le visage de Murtagh ne se détendit pas. Quand Nasuada alla s'asseoir face à Orrin pour discuter, elle contourna le canapé et murmura doucement à l'oreille de Murtagh pendant que le roi buvait. Le Dragonnier retira sa main du pommeau de Zar'roc et s'efforça de maitriser les traits de son visage. Arya était restée calme jusqu'à présent s'adressa mentalement au Dragonnier :

« Sors de la pièce, Orrin sera moins stressé. »

   Sans se faire prier, Eragon se dirigea vers la sortie, et jeta un coup d'œil à Murtagh. Ce dernier hésita, puis le suivit. Juste avant que Jörmundur eut complètement rabattu la lourde porte de bois, ils entendirent Orrin commencer à s'énerver. Ne voulant pas l'écouter, Eragon et Murtagh sortirent de la tour et descendirent dans les petites rues de la ville, évitant les foules. Ils se baladèrent pendant quelques minutes dans les allées, puis sortirent de l'enceinte de la capitale. 

- Si on allait voir les Dragons ? proposa Eragon, voulant faire oublier la rencontre avec Orrin à Murtagh. 

   Celui-ci acquiesça d'un signe de tête. Il se dirigèrent en trottinant vers la forêt au Nord de la ville. Quelques minutes plus tard, les arbres apparurent et ils s'enfoncèrent dans les bois, sentant les feuilles mortes craquer sous leurs bottes. Il sentit la conscience familière de Saphira toucher la sienne :

« Je voulais m'assurer que ce soit bien vous. »

   La prudence de sa Dragonne ne surprit pas le jeune homme. Il s'aperçut que Murtagh discutait aussi avec Thorn, mais il ne voulait pas les déranger. Les bois devenaient de moins en moins denses, puis, ils débouchèrent sur une grande clairière. Saphira et Fìrnen étaient allongés face à face, la tête reposée sur les pattes avant et leur queue formant un arc de cercle dans lequel le petit Dragonneau tailladait avec ses dents une branche d'arbre trois fois plus grande que lui. Les parents le surveillaient, de la fierté dans les yeux, mais ne relâchait pas leur vigilance sur le nouveau éclos.