Eragon : le Parjure oublié

37. Menaces

      Lorsque Sänghgarm sortit du long couloir souterrain, le soleil était complètement couché et les étoiles restaient, avec la Lune, la seule source de lumière dans le ciel. Le manque d'étoiles à l'est dessinait l'imposantes silhouette de l'Arngor avec son sommet enneigé. Un vent glacial remua la fourrure de l'elfe qui maintint la trappe ouverte pendant que Skarghaz, Rflven et Femke, une des rares humaines à avoir choisi de rejoindre Eragon après la Guerre, s'extirpent du sol. 

   L'elfe remarqua que le Kull s'étira violemment une fois libéré de cet endroit exiguë. Si le Kull avait envie de grogner, il se retint au grand plaisir de Sänghgarm qui souhaitait rester discret le plus longtemps possible. Ils avancèrent au petit pas direction l'ouest ou le gros des troupes du siège qui les entourait s'amassait. Les herbes hautes dépassaient facilement les elfes et arrivaient à hauteur d'épaules de Skarghaz qui les guidait. 

   Au fur et à mesure qu'ils avançaient, l'inquiétude de l'elfe à la fourrure de loup augmentait. Le groupe dirigé par Irsk, parti au soleil couchant, devait déjà être rentré depuis longtemps. Le cible n'était que quelques hommes et deux Urgals. Avec un homme, l'elfe Flörynn et Éobe, un jeune nain, ils ne devaient pas avoir eu trop de mal. Sänghgarm essayait de se rassurer. Irsk avait de l'expérience et c'était un redoutable guerrier. Quant à Flörynn, elle faisait partie des douze elfes magiciens protégeant Eragon durant la guerre contre le briseur d'oeufs. Le meneur doutait même de pouvoir la battre à l'épée. Pourtant, un mauvais pressentiment grandissait en lui. 

   Soudain, une odeur de sang attira le flair développé de Sänghgarm. Il se tourna vers Skarghaz qui affirma d'un grognement menaçant. Il dégaina son énorme en hache en même temps que ses compagnons et coururent en suivant le Kull. Bientôt, la masse noir s'arrêta d'un coup et Sänghgarm l'évita de justesse en s'arrêtant à ses côtés. 

   Un spectacle macabre se tenait devant eux. Les corps de leurs amis étaient parfaitement alignés, allongés les uns à côtés des autres dans un immense bain de sang. Chaque corps tenait dans sa main un membre amputé : un bras pour Éobe, une jambe pour Irsk et un homme que Sänghgarm ne connaissait pas portait des deux pieds sur sa poitrine. Seule Flörynn n'était pas mutilée, elle semblait dormir si l'on n'apercevait le trou au niveau de son poitrail. L'elfe au pelage de loup ressentit une immense tristesse mêlée à une profonde haine qui montait en lui. Il n'écoutait plus les hurlements lugubres du Kull, agenouillé près de son ami. Il vit Rflven s'accroupir près du cadavre de Flörynn et relever la manche de la défunte. L'elfe lut à voix haute ce qu'il y avait de gravé dans sa chair :

- Zar'roc, murmura-t-il doucement. 

***

   Le soleil venait d'atteindre son point culminant de la journée quand Angela arrêta d'espionner Bachel et le prince. Elle en avait appris suffisamment pour contrecarrer les futurs plans de Bachel. Contre la corruption du fils adoptif de Orrin, l'herboriste ne pouvait rien faire sans risquer d'être découverte, mais elle pouvait les combattre sans se faire remarquer. « Je dois prévenir Elva » pensa-t-elle en accélérant le pas vers la bibliothèque.

   Elle traversa les couloirs en ignorant les regards soucieux qui convergeaient vers elle sur son passage et atteignit les portes de la bibliothèques plongée dans ses pensées. Une fois le seuil franchi, elle trouva Elva assise sur un fauteuil de cuir la tête bien droite. Angela avança doucement vers elle, feintant de chercher des livres dans les hauts rayons de chaque côté. Lorsqu'elle arriva près de la jeune fille, elle chuchota :

- On retourne dans la chambre. 

- Je me plaisais bien, ici, soupira Elva en levant la tête vers la sorcière. C'est moi ou c'est de l'inquiétude que je sens dans ta voix ?