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Il est brûlant, les vêtements en lambeaux, le corps meurtri, des bleus partout et il a été poignardé dans le ventre. Comment se fait-il qu'il soit encore en vie? Je réussis tout de même à le tirer à l'intérieur avant d'essayer de le soigner moi-même.
Mes aïeux ce qu'il est lourd! Je lui enlève ses vêtements, tout du moins ce qu'il en reste pour pouvoir nettoyer sa plaie. C'est en versant de l'alcool sur sa blessure qu'il poussa un gémissement de douleur et repris connaissance. Aussitôt il m'attrape violemment par le bras et me dit sur un ton menaçant : "Qui es-tu ?"

Pour quelqu'un à l'article de la mort, il en a de la force dans les bras.

- J'essaie de recoudre ta blessure. Répondis-je avec froideur .

- On est où ici?

- Est-ce que tu pourrais me lâcher le bras? Tu commences vraiment à me faire mal.

- Répondez d'abord à ma question !

Je saisis une paire de ciseaux qui trainait pas loin de là et la lui enfonçai légèrement dans le cou avant de lui dire avec tout le calme et le cynisme qui m'était possible :

- Je te promets que si tu me lâches pas, je vais t'aider à franchir le mètre qui te sépare de la mort.

- Repose ça tu veux Dit-il en relâchant sa prise.

Je lui lançai un regard noir avant de continuer ma besogne de " bonne samaritaine" . Voici ce qu'on gagne à vouloir rendre service, franchement...

- Je m'excuse pour tout à l'heure mais est-ce que vous pouvez m'expliquer ce qui se passe ici ?

- D'abord laisse moi me concentrer.

Je le sens m'observer pendant que je le soigne.

- Je vais devoir recoudre la plaie.

- Faites ce que vous avez à faire.

J'essayais d'y aller le plus doucement possible pour ne pas trop lui faire mal. Il serrait le coussin du canapé dans ses mains et se mordait la lèvre inférieure pour contenir la douleur. Après que j'ai fini, je levai les yeux vers lui et remarquai qu'il avait de nouveau perdu connaissance. Je pris un peu d'eau tiède dans un récipient et une serviette pour le nettoyer. C'était un beau garçon, très grand, tellement qu'il prenait le canapé dans toute sa longueur. Ceux qui lui sont passé dessus n'y sont pas allé de main morte : il avait des bleus partout, la lèvre fendue en plus de la fièvre qui le faisait sûrement déjà souffrir. Je profite du fait qu'il se soit endormi pour lui injecter une dose de Dalya ... Il devrait aller mieux maintenant.

On l'a appelé la fièvre noire parce qu'elle noircit les extrémités des doigts des contaminés causant par la même occasion une douleur irrépressible à la poitrine, des migraines, une toux accompagnée de sang et des convulsions au stade critique. Les dominants ont le monopole sur la production du vaccin ce qui leur permet de ravitailler les populations en infimes doses afin de mieux resserrer leur emprise et d'assoir leur hégémonie.

Après lui avoir mis une couverture, je l'ai laissé en train de dormir dans le salon. Il est un peu plus de 8 heures du matin et je dois ouvrir. Je n'ai pas pu courir comme à mon habitude mais au moins j'ai réussi à sauver une vie même si son état est encore instable.

Je tiens une boutique de bijoux artisanaux dans un petit quartier de la banlieue et je m'occupe de ma grand-mère affaiblie par la maladie et l'âge. Elle est toute la famille qui me reste: mes parents et ma petite-sur ont été emportée par la fièvre. Étant une petite communauté, on se connait tous et on se serre les coudes dans ce monde chaotique où la loi du plus fort prévaut.

La journée s'est écoulée très vite. Après avoir fermé la boutique, je suis allée inspecter ma mamie et le jeune homme que j'ai secouru à l'aube: Mamie regardais tranquillement son émission télévisée et le jeune homme dormait à poings fermés... Il avait l'air de moins souffrir. Une chose de faite... Maintenant je dois cuisiner un bon ragoût de pommes de terre comme Mamie me l'a appris. Absorbée dans l'élaboration du repas, je ne l'ai pas senti approcher.

- Il est quelle heure ? Me dit une voix rauque et essoufflée.

- 19 h et quart si je ne m'abuse. Répondis-je feignant ne pas être surprise, tout en continuant de piler les épices, sans lui jeter le moindre regard.

Prenant appui sur un des tabourets de la cuisine, il reprit la parole.

- Qui êtes-vous ?

- Une joaillière.

- Comment suis-je arrivé ici?

- Je te repose la question. C'est en sortant de chez moi que je t'ai trouvé à moitié mort à l'entrée.

- Vous ramenez beaucoup d'inconnus comme ça chez vous ?

- C'est vrai que la notion entraide peut sembler étrange pour certains... Peut-être que si je t' avais jeté dans la rivière je pourrais cuisiner en silence maintenant.

- Vous n'avez pas besoin d'être aussi cynique.

- C'est l'hôpital qui se fout de la charité. Je te secours et tu n'es même pas capable de dire "Merci".

- ...

- Tu ne dis rien... Au moins j'ai réussi à te faire taire c'est déjà ça .

- Merci de m'avoir soigné.

- Eh bah voilà...

- Namjoon et toi ?

- Ada ... Dis-je en relevant la tête pour la première fois depuis le début de notre conversation.

- Tu sais que t'es nu au moins...? Continuai-je.

- Ah ça... J'ai pas réussi à trouver mes vêtements du coup...

- Ça te perturbe pas de te promener comme ça, le cul à l'air?

- Je suis stripteaser donc... Ça me dérange pas plus que ça. Et vous... Est-ce que la vue de mon magnifique corps d'Apollon vous émeut ? Fit-il avec un sourire en coin.

- Je suis asexuelle abruti. Répliquai-je en lui faisant un doigt d'honneur. Tu peux bien continuer à te geler la queue si ça te plaît tant que ça... Et arrête de me vouvoyer, ça devient lourd.

- Au moins j'aurais essayé...

Je ne répondis rien et continuai de cuisiner. J'ai l'impression que je vais regretter d'avoir choisi de sauver ce narcissique.












The stripteaser Où les histoires vivent. Découvrez maintenant