XIX

17 2 2
                                    

Le cerveau humain est un organe d'environ un kilogramme et demi, mais il est capable des exploits les plus prodigieux: de la construction de bâtiments titanesques aux appareils qui transcendent les limites de l'imaginable. Malheureusement, l'histoire montre à suffisance que l'intelligence dont nous avons été doté et qui nous différencie des animaux, a été pour nous une malédiction plus qu'autre chose. Cette intelligence qui a détruit plus qu'elle n'a bâtit, nous a conduit inéluctablement à notre perte. Plus l'Homme est intelligent plus il devient froid, il s'éloigne des émotions qui font de lui un être capable de bonté et d'altruisme. C'est ce qu'on a observé avant le cataclysme d'il y a soixante-deux ans: l'homme s'est rendu compte grâce aux avancées scientifiques et techniques qu'il accomplissait, qu'il était capable de tout, oubliant qu'il y a un seuil, un point critique qu'il ne fallait pas franchir. Il a perdu la dernière once d'humilité qui le ralentissait, qui freinait ses ardeurs mégalomanes, car on le sait et on ne le dira jamais assez: l'Homme a toujours aimé dominer son semblable à son détriment.

***

- Qu'est-ce vous savez sur le Dalya?

- Je ne vois pas de quoi vous parlez ? Dit-elle gênée.

On dirait que j'ai mis le doigt sur quelque chose.

- Je crois qu'il vaut mieux que vous retourniez d'où vous venez et ne revenez plus ici. Reprit-elle.

Il vaut mieux ne pas insister. Et de toute façon, avant son sursaut de lucidité où je ne sais quoi, elle m'avait déjà communiqué l'adresse du docteur, adresse qui ne disait étrangement quelque chose. Effectivement, mon intuition était la bonne: il s'agit de la maison d'Ada. C'est donc elle la fille ainée du docteur Stark qui avait disparu des radars. "Pourquoi il a fallu que tu sois mêlée à ce bordel?" Marmonnai-je intérieurement. Qu'à cela ne tienne, ne tirons pas trop de conclusions rapides. Je vérifierai moi-même si le lien de filiation entre elle et le défunt docteur existe réellement.

Au fond de moi, je le savais déjà, mais je refusais juste d'y croire. En fait tout concordait, on aurait dit des pièces d'un puzzle qui s'assemblaient. Le fait qu'elle s'y connaisse en médecine, son père dont elle ne voulait jamais faire mention Et au fait, je n'ai toujours pas compris comment j'ai pu guérir de la fièvre noire aussi rapidement. Elle m'a dit m'avoir injecté le vaccin, mais ce n'est pas sur son efficacité qu'il s'est bâti sa réputation, tout au contraire. Et si le Dalya était son équivalent, mais en plus efficace? Ça justifierait pourquoi les importations de vaccin et les cas de contamination par fièvre ont diminué sur Red Soil. C'est ça, pourquoi n'ai-je pas fait le rapprochement plus tôt? Un vaccin plus efficace donc, plus de contamination, plus d'importation de vaccin. Il faut que j'en ai le cur net...

***

La nuit où Ada a fait son show sur la scène du Ruler, je l'ai ramené chez moi pour vérifier mes théories. On s'était pas séparés en de bons termes la dernière fois qu'on s'est vu. Donc, je pouvais pas prétexter une visite à l'improviste pour m'incruster chez elle. C'est la raison pour laquelle lorsque je l'ai vu au club, complètement éméchée, j'ai décidé de tenter le tout pour le tout. Pendant qu'elle dormait à points fermés dans mon lit, je me suis saisi de ses affaires, d'abord sa pièce d'identité:

- Nom: Ada Stark, Père: Emile Stark, Mère: Amina Stark.

À ce moment j'ai senti mon cur faire comme un bond hors de ma poitrine parce qu'un de mes soupçons s'est avéré fondé et, je me suis demandé pourquoi il fallu que ce soit elle. Pourquoi la nature m'avait-elle mis sur son chemin? Peut-être était-ce pour ce moment ci en particulier... Le destin? Je n'y crois pas. Qu'était-ce donc? Il me reste une dernière chose à vérifier cependant...

***

Ada venait de s'en aller. Elle n'a pas répondu directement à ma question mais qu'importe. Le langage corporel l'a fait à sa place. Tout de même, je n'ai pas envie d'en parler à Rhoades sans qu'elle ne l'ai confirmé de façon audible. Une seconde! Si je le dis à ce psychopathe que va t-il advenir d'elle? Va t-il la livrer à l'inquisition pour décider du sort macabre qu'on lui réservera? Et moi, qu'est-ce qui me prouve qu'il me laissera la vie sauve après tout ce je sais? Quelque soit le bout par lequel je prends la chose, je suis en très mauvaise posture! C'est perdu dans mes élucubrations que mon téléphone sonne.

- Qui est-ce?

- Descends, je veux t'amener quelque part.

J'ai directement reconnu la voix de Rhoades. Je me demande parfois si ce type ne possède pas le don d'ubiquité: il suffit que je pense à lui pour le voir surgir de nulle part. Et en plus, on n'a pas rendez-vous aujourd'hui, qu'est-ce qu'il me veut? Quoiqu'il en soit, je n'ai pas le luxe de refuser. J'enfilai un survêtement, des sneakers, une casquette et descendis tout en prenant soin de refermer derrière moi. Une voiture m'attendait déjà en bas et le chauffeur m'ouvrit juste la portière, signe que je devais entrer. J'obtempérai. Néanmoins, sur le chemin, tout un tas de questions me sont passées par l'esprit, j'avais le cur qui battait la chamade. Nous arrivâmes enfin dans un entrepôt abandonné en périphérie de la ville. Depuis l'extérieur, j'entendais des gémissements de douleurs ce qui ne manqua pas de me glacer le sang. Il y avait trois gorilles à l'extérieur en plus du chauffeur et l'un d'entre eux me fit signe d'entrer avant de refermer la porte derrière moi. L'odeur de sang me frappa directement les narines et entre quelques faisceaux de lumière, je vis mon créancier battre une femme violemment. Lorsqu'il me vit, il me fit signe de me rapprocher et m'indiqua une chaise sur laquelle je devais m'assoir. Au fur et à mesure que la distance s'amenuisait, je découvris avec effroi que la personne que ce type battait était Angèle, sa femme avec qui je couchais.

Le spectacle était d'une horreur insoutenable: elle était menottée à une chaise, les cheveux en bataille, le corps entier ligaturé, des plaies béantes qui saignaient abondamment. Je remarquai également que les ongles des orteils lui avaient été arrachés. Elle avait les vêtements en lambeaux, du sang dégoulinant de la chaise élargissait la marre qui se trouvait en dessous et dans laquelle baignaient trois dents qui lui ont été arrachées à cause de la violence des coups qu'il lui assenait.

- Ne baisse pas le regard. M'interdit-il sur un ton glacial.

Il lui ramena violemment la tête en arrière en tirant sur ses cheveux avant de lui dire avec sarcasme:

- Dis bonjour à N-J.

The stripteaser Où les histoires vivent. Découvrez maintenant