XII

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Bientôt deux mois depuis l'incident avec ce psychopathe. La plaie à la cuisse est quasiment guérie. Maintenant, j'ai deux maîtres à qui je dois rendre des comptes: Ilda la Rouge et Nigel Rhoades. Franchement, je me demande où je trouve la force de me lever tous les jours. Je me suis fait une omelette et une tasse de thé. Assis sur le rebord de la fenêtre, j'observe les petits enfants jouer dans la neige, leur innocence me rappelle moi il y a quelques années. Un petit garçon insouciant, qui pensait qu'il était le roi du monde, que sa mère était la femme la plus belle du monde. C'est en ramenant ma tasse de thé à la bouche qu'une voix m'interpela. Ah oui, c'est vrai elle est là ...

-T'es où Namjoon?

- Par ici.

- Comment tu vas? Fit-elle en m'embrassant sensuellement le cou.

- ça va et toi.

- Maintenant ça va. Je vais devoir y aller.

- On se revoit quand?

- Je t'enverrai un texto. Bisou.

À peine Irène avait-elle fermé la porte derrière elle que j'ai repensé à Ada. Ça fait plus de deux mois maintenant et elle ne m'a même pas appelé. Pourtant je restais des heures à attendre un coup de fil qui n'est jamais arrivé. Ce n'est pas juste, elle n'a pas le droit de me faire ça. Ce matin là, quelque chose s'est passé entre nous , je le sais. Je peux pas l'ignorer, je n'arrive pas à l'ignorer. Mais peut-être devrais-je me faire une raison: plus jamais nos chemins ne se croiseront à nouveau ...

***

C'est un samedi soir et comme tous les samedis au Ruler, l'ambiance donne envie de succomber aux plaisirs de la chair. Dans ce dôme, j'ai l'impression d'être un dieu, l'objet de toutes les convoitises, j'aime avoir la sensation de cristalliser le désir sur moi. Au début, j'ai commencé à danser juste pour avoir de quoi subvenir à mes besoins et payer les frais d'hospitalisation de ma mère. Mais après, bien avant qu'elle ne meure, j'ai commencé à aimer être sur scène, danser, séduire, plaire. Les voir comme ça à mes pieds, hurler mon nom, se plier en quatre à n'importe quel de mes désirs c'était bon, j'y prenais plaisir. Ce serait mentir que de le nier. Et pourquoi le nier de toute façon? Telle est ma nature et je m'en excuserai pas.

Absorbé par la musique, les presque gémissements des groupies dans la salle, en effectuant un tour sur la barre métallique, je la vis entrer. Cet instant dura une seconde, mais une infinie seconde: comme dans une sphère, coupé de tout, avec l'impression de n'être que nous deux, seuls dans le club, je suis devenu sourd et muet. Elle m'a fait l'effet d'une bombe, une beauté insaisissable, libre et indomptable. Oui, c'est cela, c'est cela qui captive mon attention à chaque fois que je suis en face d'elle, c'est ce qui la différencie des autres. Elle a l'aura d'une insoumise, une anarchiste, celle qui refuse d'entrer dans des cases, qui refuse de porter une quelconque étiquette. Elle était de rouge vêtue, une robe de cuir-une robe en cuir, des lèvres d'un rouge incitant au péché, à la luxure, son regard prédateur, ses hanches qui donnaient l'impression d'onduler au rythme de la musique, ses cheveux noirs coiffés en finger waves. Jusqu'à aujourd'hui, je ne comprenais pas l'expression "être belle à en couper le souffle". Grâce à elle, je l'ai expérimenté, je l'ai compris et je peux dire sans aucun doute que c'est un euphémisme à côté d'elle.

Cette seconde se termina finalement lorsque je vis Chiaki à côté d'elle. Elles ont l'air proches, elles se connaissent? Je reprends ma salve envoutante, et de toute façon sous la lumière tamisée des néons comment pourrait-elle me reconnaitre?

La soirée se poursuit sans encombre. Vers minuit et quelques, je descends de scène pour prendre ma pause histoire de me rafraichir un peu, pendant que d'autres stripteaseurs prennent le relais. En sortant des toilettes, je me pose à une table pour prendre quelques shots avant de reprendre du service. J'observais discrètement Ada, elle riait à gorge déployée. Je découvrais une facette d'elle que j'ignorais. D'habitude, elle donne l'impression d'être ailleurs, de ruminer quelque chose, d'être en colère. Mais pas ce soir. Peut-être qu'on doit ce changement radical d'humeur à la boisson. C'est vrai qu'elle a bu beaucoup de verres durant la soirée. Chiaki s'était éclipsée un moment pour aller je ne sais où, du coup, j'ai voulu en profiter pour aller lui parler lorsqu'un groupe de trois filles me prit en étau. Je fus stopper net dans mon élan ce qui ne manqua pas de me contrarier. Mais le client étant roi, je n'ai d'autre choix que d'esquisser un faux sourire pour donner l'impression de m'intéresser à elles. Pendant que je distrayais ces demoiselles, je vis un type faire du rentre-dedans à Ada: il avait dû remarquer qu'elle était saoule. Eméchée comme elle était, elle ne lui oppose aucune résistance.

Je suis un sale type, je le sais et je ne m'en défends pas. Mais jamais je ne profiterai d'une fille sans défense et c'est genre de sous-merde de l'humanité qui me répugne le plus. Et comment ose t-il poser ses mains sur sa peau de velours? Pris par une rage folle, semblable à celle d'un berserker, je ne saurais dire à quel moment j'ai quitté la table où je me trouvais pour foncer droit sur lui. Je voulais lui faire mal, lui briser des os, lui donner une bonne leçon. Évidemment, j'aurais eu des ennuis avec Ilda mais je m'en moque. Heureusement pour moi, Min _vous vous rappeler de lui_ me vit venir et comprit directement ce que j'avais l'intention de faire. Il détourna l'attention de ce salopard et me fit signe d'amener Ada avec moi. Je la pris par le bras, l'installai sur mon dos et l'entrainai dans les vestiaires. C'est pas l'endroit le plus approprié je vous l'accorde mais c'était le plus calme et le plus discret du club actuellement. Elle était complètement à l'ouest, et vu ce qui a failli lui arriver tout à l'heure, mieux vaut que je la ramène chez elle. J'envoyai un message à Min:

- Couvre moi pendant une heure, j'ai un truc urgent à gérer.

- Tu me seras doublement redevable maintenant.

- Merci mec.

J'enfilai vite fait une chemise noir en satin qui trainait dans mon casier et mon manteau avant de sortir du club pour ramener Ada chez elle.

The stripteaser Où les histoires vivent. Découvrez maintenant