The stripteaser

XXVII

Depuis l'extérieur du fourgon, je l'entends gémir. Je l'entends essayer d'étouffer ses larmes, mais elle n'y arrive pas. Elle a été torturée alors qu'elle porte un enfant. Ça m'étonnerais que ce petit être ait survécu, au vu du traitement qu'on a infligé à sa mère. J'entends des grincements de dents. Je l'entends suffoquer, manger sa rage, étrangler sa tristesse. Elle ne mérite pas ce que je lui ais fait subir. Pourquoi a-t-il fallu que nos chemins se croisent? Pourquoi a-t-il fallu que j'entre dans ta vie?

Soudain, les gémissements cessèrent, ainsi que les détonations et les explosions. Peut-être la bataille a-t-elle cessé. Lorsque je me levai pour m'enquérir de la situation, Ada m'interpela d'une voix frêle, corrompue par le chagrin:

- Namjoon, je suis fatiguée. Je n'ai plus d'énergie ni pour me battre, ni pour te haïr, ni pour la consacrer à qui que ce soit. Ramène moi chez-moi, si tant est que j'ai encore un chez moi. J'ai besoin de penser, j'ai besoin de trouver des raisons de continuer à vivre.

- L'Inquisition a fait un raid dernièrement et a brûlé tout ton quartier ainsi que ses habitants. Mais fort heureusement, la milice avait déjà mis Elise en sécurité.

- ---

Elle ne dit mot. Elle n'a même pas esquisser un sourire. Même entendre que sa grand-mère est encore en vie ne lui fait absolument rien. Ils l'ont complètement brisée.

Je la mis sur mon dos et rejoins un des camps de la milice. Sur le chemin, j'avais de la peine à avancer. Il y avait des cadavres partout. Des images du dernier raid me revinrent en tête. Les belles infrastructures de ce continent étaient maintenant en ruines. Des nuages de poussière et de fumée s'élevaient dans le ciel.

Arrivés au camp, Min fut le premier à m'apercevoir. Il avait donc survécu à la bataille. Il prit Ada de mon dos et l'installa dans une des tentes avant de s'avancer vers moi. À peine avais-je ouvert la bouche qu'il m'envoya une droite en plein visage. Ça m'a fait mal, très mal. Je crachai le sang que j'avais en bouche avant de me lever pour riposter et d'un geste vif, je lui rendis la politesse. Les miliciens firent un cercle autour de nous et nous commençâmes à nous battre. Au bout de vingt minutes, nous ne tenions plus debout. Le souffle montait difficilement, et nos visages étaient en sang.

- PAANG!!!

Un énorme coup de feu venant de l'extérieur du cercle. Une femme dans la quarantaine, vêtue d'un débardeur noir et d'un pantalon à usage militaire. Je la reconnais.

- Min, qu'est-ce qui se passe ici?

Tout le monde se mit au repos, Min y compris. Moi, je n'écroulai par terre.

- Mon commandant, le déserteur est revenu au camp en portant la fille du Dr Stark. Je lui ait donné un coup et il me l'a rendu. C'est de là que la bagarre est parti.

Elle se rapprocha de moi et s'accroupit:

- Est-ce vrai?

- Oui---

- T'es-tu enfui dans le but de prévenir les pontes de notre assaut?

- Non. Je m'inquiétais pour Ada. Je ne voulais pas attendre, raison pour laquelle j'ai décidé d'aller la chercher moi-même.

- Bien. Lève-toi et suis-moi.

- Mais mon commandant! Comment pouvez-vous le croire aussi facilement?

- Il suffit sergent! Allez à l'infirmerie et prévenez toutes les autres bases qu'on rentre à Red Soil.

Je suivis cette femme-commandant jusqu'à la lisière du camp et elle me fit entrer dans une tente surveillée des quatre côtés par un garde chacun. À l'intérieur, je fis une rencontre pour le moins inattendue. Nigel Rhoades enchaîné à la poutre centrale de la tente, bâillonné et blessé. La vermine a vraiment la peau dure.

- Je pense que vous vous connaissez.

- Oui, malheureusement--- Dis-je.

- Tu confirmes que c'est cet homme qui t'as contacté?

- En effet. C'est à lui que je donnais des informations.

- Lorsqu'on sera rentrés tous deux subirez les sanctions que la justice jugera correspondantes.

***

Cela fait trois jours que nous sommes revenus sur le continent rouge. Je suis enfermé dans une des cellules du QG de la milice en attendant mon procès. J'ai droit à deux repas par jour et à de l'eau. Je n'ai pas revu Ada depuis. Je passe mes journées à inventer des scénarii dans lesquels je corrigeais les erreurs que j'ai commises. Comme si cela allait changer quelque chose, c'est d'un risible.

Red Soil a juste remportée une bataille. Des dominants ont réussi à s'en fuir et tant qu'ils seront en vie, la menace de possibles représailles, plane. On faisait passer un rude interrogatoire à Rhoades pour qu'il parle mais il se faisait aussi silencieux qu'une tombe. Pour le motiver, aujourd'hui, les miliciens ont convoqué sa femme, Angèle.

Ses parents étaient morts durant l'assaut de la milice mais cela ne l'attristait point. Elle ne les a jamais aimé comme ils ne l'ont jamais aimé. On l'installa dans la salle d'interrogatoire face à son époux. Elle ne s'est pas encore complètement remis de la dernière agression de son mari. Elle, alors ronde, avait considérablement maigri. Elle demanda qu'on les laisse seuls dans la salle. Pendant ce temps, les soldats les observaient de l'autre côté de la vitre.

Le voir ne la fit pas ciller. Le bougre, lui, ne montrait aucun signe de regret ou de repentance vis-à-vis de son épouse. Au contraire, il se mit à l'insulter, amèrement. Il l'a traita de tous les noms d'oiseaux. Elle resta aussi placide qu'un lac, aussi froide qu'un iceberg. Elle ne plaça pas un mot. Après qu'il eût fini de verser son venin, elle fit quelque chose dont personne ne l'aurait cru capable à ce moment. Elle se leva, s'approcha de lui et l'embrassa. Oui, elle l'embrassa. Elle l'embrassa langoureusement, intensément, désespérément, passionnément. Les premières secondes, il hésita à y répondre mais par la suite, il se prit au jeu et lui répondit. Bientôt leurs langues s'invitèrent à la fête. Après plusieurs secondes de valse, le souffle se mit à manquer et violemment, elle détacha ses lèvres de celles de son mari et d'un geste vif, lui trancha la gorge net. Le temps pour les miliciens de réagir, il était trop tard.

Elle regarda la vie quitter son mari à travers ses yeux. Elle le voyait essayer désespérément de s'accrocher à la vie. Le puissant Rhoades a fini tué par la personne qu'il méprisait le plus sur cette terre. Vers la fin, sentant les fils de sa vie cassés pour de bon, il fit à sa femme un dernier sourire avant de rendre l'âme. Il est mort en souriant. Sans jamais regretter aucune de ses actions.

Elle était là debout devant la dépouille de Nigel, imperturbable, stoïque. Du sang avait giclé et éclaboussé son visage, ses vêtements, la table. Bientôt, une énorme flaque de sang se forma et s'élargit les secondes passant. Elle se retourna et dit aux paramilitaires.

- Vous n'aviez pas besoin de lui. Je sais où se trouvent les fugitifs.