J'adore leur maison, typique de Montréal, un plex en rangée, disposant tout de même d'une cour arrière, toute en verdure.
Comme je ne connais pas la ville, je ne peux pas juger, mais Justine m'assure qu'elle est très bien située. À deux pas se trouve l'artère principale qui coupe la ville en deux. Le boulevard Saint-Laurent sépare le côté Est du côté Ouest. À une époque, on différenciait ainsi ceux qui habitaient du côté anglais, aisé, du côté français, moins nanti. L'été, pendant quelques jours, le boulevard est fermé, et tout est piétonnier. Les restaurants installent des terrasses, font des barbecues, les magasins de vêtements sortent leurs supports, installent des tables pour étendre leur magasin sur le trottoir, c'est agréable, festif.
Un peu plus bas, l'été, se déroule le Festival de Jazz, les Francofolies, le Festival Juste pour Rire qui s'étale jusqu'au Quartier Latin.
« C'était un beau quartier, mais malheureusement les commerces ferment, comme partout. »
Je m'interroge sur le choix du terme Boulevard, c'est juste une rue à deux voies, à sens unique, mais je garde ma réflexion pour moi. Je suis une invitée.
« J'adore votre maison », dis-je simplement. « C'est un style si différent de ce que je connais. Et ce petit coin de verdure en plein centre-ville, c'est de toute beauté.
— Viens, je te conduis dans ta chambre, tu tombes de fatigue. Je préparerais à manger, tu n'auras qu'à te servir dans le réfrigérateur. Avec le décalage horaire, tu vas te réveiller en pleine nuit.
— Ne te donne pas de soucis pour moi Justine, c'est déjà tellement gentil de m'accueillir. La fringale nocturne, c'était de l'humour, tu sais.
— Ce n'est pas un problème, je t'assure. Tu es ici, chez toi. Viens, que je te montre la salle de bain et je te laisse te reposer. »
À peine ai-je enfilé mon pyjama que je me sens envahie par une plénitude. Je ne prends même pas le temps de faire le tour de la chambre d'Alex que je m'allonge et ferme les yeux.
****
Il est un peu plus de deux heures du matin lorsque je me réveille. Un rapide passage aux toilettes pour faire une vidange, que je retourne dans la chambre d'Alex. Pleinement réveillée, je peux enfin en faire le tour.
Des photographies sont sur la commode. Je prends un cadre et souris en voyant Alex enfant, heureux. Il se tient sur des patins à glace à côté d'un homme plus âgé. La filiation ne fait aucun doute, il ressemble comme deux gouttes d'eau à son grand-père. Sur un autre cliché, mon amant, du haut de ses quatre ou cinq ans, se tient fièrement, jambes écartées, sur des patins à glace. Il a déjà ce sourire gravé sur le visage.
Je repose le cadre et étudie les autres objets personnels, étudie attentivement les livres présents dans sa bibliothèque. Ses lectures n'étaient pas très variées. La grande majorité des tablettes sont remplies de livres de Stephen King, Peter Straub, Graham Masterton, James Herbert.
Pas très variés ni gaies comme lectures.
Au mur s'étalent les affiches de ses goûts. Du hockey et encore du hockey.
Je m'installe dans le lit et, profitant du décalage horaire, j'envoie un message à Audrey que je conclus par un « tu me manques » dont je commence à douter.
Si je me plaisais dans cette relation, prise entre –et part– Audrey et Alex, de le revoir m'a fait réaliser que je veux me donner à lui exclusivement, avoir une véritable relation. Audrey a été une libération et je l'aime, mais que pourrais-je construire avec elle ? Je sais que je suis égoïste, mais j'ai besoin de ce qu'elle ne peut me donner. Je sais que son affection, son amour me sont acquis, que je lui ai également tout donné, mais, et malgré le peu de kilomètres, je ne peux être pleinement comblée dans une relation à distance.
Je somnole un peu jusqu'à ce que la faim m'oblige à me lever. Je n'ai rien mangé depuis mon repas dans l'avion. Je vérifie que je suis décente et, sans faire de bruit, je sors de la chambre et me dirige vers la cuisine. Je regarde l'heure affichée sur la cuisinière. Quatre heures.
Ouvrant le réfrigérateur, je découvre une assiette sous cellophane avec mon nom écrit dessus.
Cette femme est un amour !
Sur la table de la cuisine, je trouve une serviette et des ustensiles de placés.
Une bouilloire a été avancée.
Désireuse de ne pas faire de bruit, je me contente de me verser un jus de fruits et un verre d'eau.
Je mange avidement les sandwichs et la salade préparés à mon attention et je fais la vaisselle une fois mon repas terminé. Là encore, je fais le tour, regardant les photos de famille, les objets personnels, les décorations. Cette maison respire tant l'amour, que j'en ai mal. Je suis un peu jalouse de ne pas avoir connu cela, enfant.
Un bruit me tire de ma rêverie, alors que je suis installée à regarder le jardin à travers la baie vitrée.
« Bonjour, Caroline », me salue doucement Justine.
« Oh pardon. Je vous ai réveillée ?
— Mais non. Tu as bien dormi ?
— La meilleure nuit depuis... bien longtemps. Je te remercie encore de ton accueil.
— Ce n'est rien, voyons. Cela nous fait plaisir. »
Je me retourne vivement en la regardant.
« Justine. Est-ce que... est-ce que je peux te prendre dans mes bras ?
— Mais bien sûr. Que t'arrive-t-il ? Ça ne va pas ?
— Toutes vos photos de famille, il y a tellement d'amour entre vous, je n'ai jamais vraiment connu cela et ça me prend, là », dis-je en pointant mon cœur.
« Viens là », me dit-elle en me serrant fort. « Écoute. J'ai vu le regard d'Alex hier, il était heureux de te voir. Je ne sais pas le chemin que prendra votre histoire, mais tu as ta place parmi nous. Je t'adore Caroline.
— Merci Justine. Je t'aime aussi.
— Il y a un câlin de groupe et on ne m'invite pas ? » lance la voix éraillée de sommeil de Jacques, le père et sosie d'Alex.
« Bonjour, Monsieur, désolée si j'abuse de votre femme dès le matin comme ça. Mais il y a une petite place », dis-je en tendant la main.
« Alors, qu'est-ce qui est à l'origine de ce câlin matinal ?
— L'amour familial », répond Justine.
« Bon choix. »
Je ferme les yeux et m'imprègne de leur chaleur humaine, de leur amour, de leur générosité. Je fais le plein d'énergie positive, aujourd'hui je dois me lancer.
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Myka
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It was always you
RomanceCaroline, jeune femme légèrement enrobée, est l'objet d'une mauvaise blague lors d'une réunion pour la signature d'un important contrat et réagit plutôt mal. Convoquée dans le bureau de son boss, celui-ci menace de la renvoyer avant de lui faire une...