Le Mas du Lac

49 - Tout a une fin

Jamais plus je ne vis de fantômes mais le souvenir d'Édouard resta profondément gravé en moi, comme un secret bien gardé.
Avec le temps, Alix l'oublia ou du moins n'en parla plus.
Laura eut des brides de souvenirs mais trop flou pour qu'elle sache si cela était vrai ou pas.
La mémoire est une drôle de chose, elle se modifie avec le temps et nos sentiments impactent nos souvenirs. La peur et la colère amplifient les sombres moments tandis que la joies les embellit.

Jo eut son permis et comme promis il nous amena manger une glace en ville. La meilleure de ma vie, je crois.
Il quitta l'école quelques semaines plus tard, puis enchaîna les petits boulots qui l'éloignèrent de nous mais il donna souvent des nouvelles et vint nous voir dès que possible.
Alix devint une avocate reconnue et très demandé. Cela ne m'étonna pas, elle avait toujours été si ambitieuse.
Laura participa à de nombreuses œuvres et conférences sur l'épilepsie, puis devint assistante sociale spécialisé dans l'enfance.
Moi, je m'orienta sans surprise vers l'informatique et le web-design, à côté de quoi j'écrivis quelques romans assez bien reçu par la critique.
Je rencontra une femme assez gentille pour me supporter et une journée de décembre où la neige tombait, je l'épousa. Elle me donna deux enfants, un garçon et une fille. Je fis tout mon possible pour qu'ils soient unis et solidaire, comme doivent l'être les membres d'une même fratrie.

Je dois l'avouer, ma vie fut belle et bien remplie.
Malgré quelques remous dans ma jeunesse, je ne regrette rien.

Aujourd'hui je suis vieux et comme beaucoup je suis en train de m'éteindre dans un hôpital aseptisé, mais entouré des miens. Ils sont ma famille, ils sont là pour m'accompagner dans mes derniers instants.
Les lumières s'éteignent tout autour de moi. Doucement, je sombre dans les ténèbres mais je n'ai pas peur. A mon âge, on a plus peur de la mort, on l'attend juste.
Mon corps s'engourdit, je me sens partir tandis que les miens pleurent en silence. Ils m'accompagnent avec dignité pour mon dernier voyage.
Je me mets à fredonner. Sans doute trop bas pour ceux assemblés autour de moi, mais je fredonne une chanson qui m'avait effrayé auparavant. Maintenant elle sonne avec nostalgie car je sais que je vais juste retrouver un vieil ami.

Ça y est, c'est la fin...
Édouard, Hannah, je vous rejoins.

Fin