Le Mas du Lac

5 - Le domaine du Lac

Je n'aurais jamais fait autant de ménage que durant ces derniers jours.
Ma matinée est emplit d'odeur de détergent et de poussière secouée. Même la météo semble déprimer, il fait lourd et le ciel est d'un gris pesant. L'humidité a envahit l'air mais la pluie ne semble pas décidée.
Alors qu'on mange, steak haché et haricot pour une fois, ma mère nous propose de faire le tour du domaine cette après-midi. Bien sûr on proteste mais elle n'en tient pas compte et c'est ainsi qu'on se retrouve à marcher dans la brume avec ma mère qui fait office de guide touristique.

– Tu te rends compte qu'on doit avoisiner les cent pour cent d'humidité ? Soupire Alix blasée.

– Puis c'est pourri, enchérit Jo. On s'en fou de savoir que ces ruines étaient une bergerie, une maison ou une étable.

– C'est important de connaître son environnement et son histoire, rétorque ma mère. D'ailleurs la chapelle est très intéressante d'un point de vue historique.

Je soupire alors qu'elle repart dans ses explications sur les différents types d'architecture que l'on peut rencontrer dans les monuments religieux.
Après avoir fait le tour des dépendances et traversé une partie du verger, on s'est rapproché du lac. On franchit le ruisseau par un pont, remarquablement bien entretenu, pour aller voir la chapelle qui menace de s'effondrer.
Je marche en arrière, à côté de mon père qui semble indifférent à tous. Ma mère marche en tête avec l'enthousiasme qui est le sien, Alix la suit en soupirant de temps à autre et Jo, à côté d'elle, semble perdu dans ses pensées. Seule, Laura semble contente de cette sortie.

Arrivée de l'autre côté, on est directement accueilli par le cimetière. Il est ceint d'une clôture en bois, autrefois peinte en blanc, qui fait penser à une succession de croix. Il y a une bonne dizaine de tombes et les plus récentes semblent celles les plus prés du chemin. Elles sont sobres, sans ornements, peut-être la famille était-elle ruinée ?
Ma mère nous a expliqué que le domaine appartenait à de riches aristocrates qui se le sont transmit de génération en génération en tant que résidence secondaire jusqu'à une importante crise économique, date à laquelle ils sont venus y vivre définitivement.
Les dernières héritières ont décidés de le vendre car il leur revenait trop cher à entretenir. Ce que je comprends, entre la maison, les dépendances et les terres, entretenir tout ça sans y vivre relève du défi.
On s'arrête devant la chapelle qui est un modeste carré surmonté d'un petit clocher. Les ornements érodés par le temps sont encore visibles et voir tous ces visages qui semblent nous fixer me met mal à l'aise.
La double porte en bois est digne de celle d'un antique château fort, si ce n'est qu'elle est bloquée par un complexe échafaudage qui soutient la voûte.

– C'était à la mode chez l'aristocratie d'avoir sa propre chapelle, explique ma mère. Certains avaient même leur propre religieux à leur service. Celle-ci était très réputée, plus riche et plus décorée même que l'église du village. Son vitrail est une œuvre unique. Il est juste sublime, et déjà à l'époque beaucoup de personne venaient en cachette pour l'admirer ! C'est une pièce unique crée par un grand artiste du début du vingtième siècle, Théophile Marquez, il l'a lui-même nommé l'Arbre de Verre. Malheureusement, la chapelle a manquée d'entretien et elle ne tient plus que par cet échafaudage. Il va falloir qu'on la restaure, elle sera un véritable atout pour mes chambres d'hôtes.

– Comme si des gens allaient payer pour venir se perdre ici, ricane Jo.

– Détrompes toi, les gens recherchent l'authentique, les vraies valeurs et...

– Rien que les travaux ça va vous ruiner, rétorque Jo. Déjà que c'est pas la joie, j'ai aucune envie de me priver pour que des bourges viennent se pavaner dans une vieille chapelle moisie !

– Tu n'as vraiment aucun sens des priorités, répond ma mère en secouant la tête.

– J'en ai déjà plus que toi ! Sérieux, tu fais passer un projet pourri avant ta famille.