Épuisé par ma nuit agitée, je me lève tard ce qui me vaut d'être privé de petit déjeuner par ma mère... mais mon père m'autorise à prendre des gâteaux.
J'en peux plus de cette situation. Je ne sais pas quoi faire et j'ai tout le temps peur d'aggraver les choses.
Je me sens mieux à l'école qu'à la maison mais malheureusement on est mercredi et je vais devoir passer mon après-midi dans cette ambiance pesante.
Trituré par toutes mes angoisses, je me contente de faire rouler mes petits pois dans mon assiette.– Thomas, mange, lance ma mère mécontente.
– J'ai pas trop faim, je...
– Mange maintenant !
– Sylvie...
– Toi ça va ! T'as peut être envie que tes enfants soient mal élevés, mais moi non !
Mon père la fusille du regard. Il serre les mâchoires mais ne dit rien. J'admire sa retenue et je m'empresse d'enfourner une fourchette de petits pois dans ma bouche.
Mais ma mère continue jusqu'à ce que Jo balance ses couverts dans son assiette.
– Vous me saoulez, lance t'il en se levant. Franchement, j'en peux plus de vous, je me casse.
– Tu vas nulle part ! S'écrit ma mère en se levant si brusquement que sa chaise en tombe.
Jo lui jette un regard par dessus son épaule puis s'en va. Ma mère attrape alors un verre qu'elle lance à travers la pièce puis elle se met à hurler comme une démente.
– Reste ici ! Je vais appeler les flics ! Je te jure que cette fois c'est direction le pensionnat, dés lundi !
Jo lui adresse un simple signe de la main et ma mère s'élance dans le hall en hurlant.
– Montez dans vos chambres, souffle mon père en se levant.
J'attrape Laura par le bras puis on monte les marches quatre par quatre tandis que ma mère et Jo continuent leur dispute dehors.
Laura file dans sa chambre et j'en fais de même. C'est fou comme un rien prend des proportions démesurées dans cette famille.
Alors que je referme ma porte, je remarque Hannah qui regarde par ma fenêtre. Comme souvent, elle fredonne un air morbide qui me fait frissonner. J'ai toujours une appréhension avec elle.
– La fillette a essayée de rentrer toute la nuit, fait-elle avec indifférence.
Et moi qui osais encore croire que ce n'était qu'un simple cauchemar.
– Je... je m'en doutais, avoué-je en m'asseyant sur mon lit. Et j'ai peur qu'elle finisse par y arriver.
– C'est pas si mal d'être mort. Au moins on ne souffre plus...
Je frémis, Hannah a le don de me mettre mal à l'aise mais elle titille aussi ma curiosité. Ce n'est pas le genre de discutions que l'on peut avoir tous les jours.
– Tu sais, Laura a à peu près la même maladie que toi... Ça te faisait mal ?
Hannah se retourne, elle n'est pas énervée, juste las.
– Après les crises et surtout les traitements étaient douloureux, mais le pire était que je n'arrivais pas toujours à trouver mes mots, tout s'emmêlait et ça agaçait les autres. C'était le plus dur, vouloir dire quelque chose mais ne plus se rappeler comment on fait... Puis on me prenait pour une folle alors que je comprenais très bien les choses, j'étais juste incapable de les dire... J'entendais leurs mots, leurs méchancetés et dès que j'essayais de répondre, c'était pire encore...
Je sens mon cœur se serrer, c'est horrible ce qu'elle a vécue. Elle a du courage, bien plus que moi je crois. J'espère que Laura ne vit pas ça ?
Est-ce qu'elle souffre de ne pas arriver à se faire comprendre ?
Bien sûr. Elle nous entend, nous comprend mais ne peut pas s'en défendre...
Hannah soupire avant de se remettre à fredonner tout en se dirigeant vers la porte. Elle s'apprête à la traverser quand soudain elle s'arrête.
– J'allais oublier, reprend t'elle. J'ai vu une voiture garée devant le chemin, mon frère m'a dit de t'en avertir.
Je ne sais pas pourquoi mais je sens mes poils se dresser.
– Elle était comment ?
– Avec quatre roues, quatre portières et un coffre.
Un instant je pense que Hannah se moque de moi mais son air sérieux me fait comprendre que non.
– Quelle couleur ? Demandé-je alors.
– Une sorte de marron... enfin, je crois.
Hannah disparaît alors, me laissant avec mon angoisse. Je me rappelle la voiture beige doré qui nous avait coupé la route alors qu'on allait au fast-food avec Alix et Sébastien, mais ça doit être une simple coïncidence.
Mon cerveau s'emballe, cherchant un lien biscornu entre l'agitation de la fillette noire et cette voiture mais soudain j'entends un fort bruit de moteur : la moto de Jo.
Des cris s'élèvent alors puis le moteur s'éloigne.
Il est parti... et mieux vaut rester dans ma chambre.
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Le Mas du Lac
Misterio / SuspensoSuite à un déménagement, Thomas, treize ans, change radicalement de vie. Il quitte l'étroitesse d'un appartement de sa ville natale pour une grande maison isolée en campagne. Le changement n'est pas simple surtout que le Mas du Lac, sa nouvelle deme...