21 - La danseuse

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Le taxi arrive alors que la nuit tombe.
Une chance que Monsieur Tronier soit trop fatigué pour rester au dîner ou carrément dormir ici. Cette rencontre a enchantée ma mère.

– Passez nous un coup fil dès que vous souhaitez revenir, fait-elle ravie. On se fera un plaisir de vous accueillir.

– Vous êtes trop bonne, répond poliment Monsieur Tronier. Je suis ravi que cette maison ait trouvée si bon acheteur. Je ne vous remercierai jamais assez de m'avoir permit de revenir ici.

– Ce n'est rien, revenez quand vous voulez.

Monsieur Tronier hoche la tête, les yeux brillants de larmes.
Le chauffeur de ce taxi est plus sympathique que le précédent et aide le vieil homme à s'installer avant de nous saluer avec un sourire aimable.
Ma mère regarde la voiture s'éloigner avec émotion.

– C''était une rencontre passionnante, commente mon père en la regardant.

– Vraiment oui, enchérit ma mère. C'est toujours enrichissant ce genre de rencontre.

Soudain une voiture rouge vif sort du couvert des arbres et vient se garer en douceur devant la dépendance. Je souris en reconnaissant la voiture de Sébastien Tamy.

– Tiens, ton rencard est arrivé, Alix, fait ma mère en souriant.

– C'est pas un rencard ! Rétorque ma sœur sans arriver à se départir de son sourire.

– D'ailleurs, où est Jo ?

– Je crois qu'il est parti dans l'après midi alors que vous étiez avec Monsieur Tronier, lancé-je en adressant un signe de la main à Sébastien.

Ma mère soupire mais reste souriante. On doit avoir l'air malin, aligné en rang d'oignon, à le regarder s'approcher.

– Ce n'est pas lui qui t'avait ramené ? Me chuchote mon père perplexe.

Amusé, je hoche la tête. C'est plutôt comique comme situation.

– Bonjour, lance Sébastien l'air un peu gêné. Je suis Sébastien Tamy, je viens chercher Alix pour aller au cinéma.

Ma mère avance, vite suivi par mon père. Ils se présentent puis dans la discutions bombardent le pauvre Sébastien de questions.

– Ils auraient dû faire carrière dans la police tous les deux, siffle Alix.

Ça me fait rire.

– Tu crois quoi ? Ils ne vont pas le lâcher comme ça, me moqué-je.

Alix soupire puis décide d'intervenir en poussant nos parents. Je me régale du spectacle.
Après une longue discutions emplit de questions, mes parents posent leurs conditions et Alix s'en va, non sans leur adresser un regard noir.
A peine entré dans le hall, mon père nous dit qu'il a du travail à rattraper et part s'enfermer dans son bureau. Ma mère semble énervé mais je ne sais pas si c'est après lui ou après Jo. Elle nous envoie regarder la télévision pendant qu'elle nous prépare un plateau repas.
Elle nous le dépose sur la table basse avant de partir bricoler au premier, nous disant juste de ne pas se coucher trop tard.
Tout en grignotant, je zappe passant de dessins animés à des émissions de divertissement. Laura semble heureuse de passer du temps avec moi et je commence à me faire à sa voix gutturale, à ses phrases branlantes et surtout à ses immenses sourires.
Alors qu'on rigole à en avoir mal aux côtes devant des gens qui tentent de passer le plus rapidement possible un parcours jonché d'obstacles, Édouard arrive.
Laura me dévisage et je comprends sa question muette.

– Là il n'y a personne alors tu peux, soufflé-je après avoir regardé vers le hall et la salle à manger.

Ravie, Laura tapote sur le canapé pour inviter Édouard à venir s'asseoir à côté de nous.

– C'est bien ce que tu fais pour elle, souffle t'il en s'arrêtant à côté de la table basse.

– T'en aurait fait autant, répondis-je.

Édouard me sourit tandis que Laura se met à rire, accaparée par la télévision.

– J'ai parlé avec Hugues Tronier, cette après-midi, repris-je. Il a dit de toi que tu étais un garçon très gentil et modeste, il t'appréciait beaucoup.

Je l'ignorais mais je suis content qu'il ait gardé un bon souvenir de moi. Comment as-tu réussi à le faire parler de moi sans...mentionner ce que je suis ? Tu n'es pas censé connaître mon prénom.

Je rougis, Édouard est intelligent.

– J'ai menti, avoué-je. J'ai dit que j'avais trouvé un de tes jouets cachés sous le plancher...

Édouard a un petit rire.

C'est plus ma sœur qui faisait ça.

– Alors la boite à musique était à elle ?

– Oui, c'était la sienne et c'est bien que tu l'ais retrouvé. C'était une boite de grande valeur, le dernier cadeau que Père lui avait fait avant qu'elle ne tombe malade... Elle y tenait beaucoup.


– Pour... pourtant elle fait peur, intervient Laura, les sourcils froncés.

– La danseuse, expliqué-je. Elle est dans un sale état, c'est assez glauque.

Édouard a l'air surprit.

– Je n'ai pas pu l'ouvrir... mais ma sœur y tenait plus de tout, elle en prenait grand soin.

– Pourtant la danseuse est toute défigurée et habillée de haillons. C'est assez flippant.

Tu peux me montrer ?

– Bien sûr, répondis-je surprit. Laura reste là, on en a pas pour longtemps.

– Ok, je... je dirais les meilleurs moments passés.

Je lui souris en me levant. Arrivée dans le hall, je vois Édouard qui attend déjà à côté des escaliers.

– Comment tu fais pour te déplacer si vite ? Chuchoté-je alors qu'on monte les marches.

– Je ne sais pas trop, je peux marcher normalement ou très vite. Parfois je dois même disparaître a tes yeux, non ?


Je hoche la tête ce qui fait encore plus sourire Édouard. Soudain il s'élance. Il ne devient qu'une forme blanchâtre qui vole au-dessus des marches, on est assez loin du drap blanc suspendu dans les airs mais il fait très « fantôme » tout à coup.
Il réapparaît, riant, au premier puis il pose un doigt sur ses lèvres avant de m'indiquer une chambre. Je comprends que ma mère y est. En fait, c'est génial d'avoir un ami fantôme.
Comme des gosses on fait la course dans l'escalier suivant mais sans surprise Édouard me bat et on continu à courir jusque dans ma chambre.

– J'y pense, la dernière fois tu as réussi à faire bouger la boite à musique et la photo de mon lit à mon bureau, lancé-je en reprenant mon souffle.

Oui, parce que ça me faisait vraiment plaisir de la voir alors j'ai pu la prendre et la déplacer. Quand je suis très content je peux parfois faire bouger les objets. Lorsque j'étais énervé je faisaist out trembler mais j'ai apprit à bien me tenir.

Il parle comme un garçon qui récite une leçon bien apprise et ça me fait sourire.

– Regarde,
reprend t'il avec malice.

Je le regarde se fondre dans le coffre et y disparaître. Un garçon normal devrait en être inquiété mais je suis trop fasciné pour avoir peur. Au bout de quelques secondes, j'entends un bruit, comme de petits chocs dans le coffre puis Édouard réapparaît, l'air déçu.

– J'ai réussi à faire bouger un peu la boite à musique mais pas à ouvrir le coffre...


– C'est trop cool !

La surprise remplace la déception dans le regard d'Édouard.

– Tu trouves ?


– Grave, répondis-je ouvrant le coffre.

Je prends la boite à musique puis je l'ouvre doucement. Édouard se fige en voyant la petite danseuse mutilée. Il l'examine un instant avant de lever le regard vers moi.

Je ne comprends pas, souffle t'il. La danseuse était en bois, elle a dû mettre du temps à la rendre ainsi, et pourquoi ?

Je ne sais pas quoi dire, je ne comprends pas non plus. Si Hannah tenait autant à cette boite, pourquoi rendre la danseuse aussi horrible ?

– La photo était avec ?
Demande Édouard en coupant mes réflexions.

– Oui, elle était à côté, je crois. Pourquoi ?

Elle avait aussi disparue. C'est sûrement Hannah qui a dû la prendre et la mettre avec la boite à musique, elle oubliait parfois ce qu'elle faisait, mais je ne comprends pas pourquoi elle a mutilée la danseuse...

– Peut-être...qu'elle souffrait ?

Édouard fronce les sourcils, l'air peiné.

Oui, certains jours elle souffrait horriblement.

Je frissonne, j'ai de la peine pour cette fillette que je ne connais pourtant pas. Je referme la boite à musique avant de la poser sur mon lit.

– Ça va ? Demandé-je après un temps.

Oui, ne t'inquiète pas, répond Édouard avec un pâle sourire. Ça fait toujours mal de penser à Hannah, j'aimerai comprendre, savoir ce qui s'est vraiment passé et surtout ce qu'elle est devenue...

Je hoche la tête, je ne peux que le comprendre. On dit que Hannah est morte de froid au pied de l'arbre à la balançoire mais c'est une autre fillette qui s'y trouve.
Hannah et Édouard avaient l'air très liés, je doute qu'elle soit « partie » sans lui. Puis si ce n'est pas elle qui les a tués, qui l'a fait ?
Édouard, malheureux, fixe toujours la boite à musique. J'ai envie de le consoler, de lui dire que tout va bien aller même si je n'en sais rien.

– Je t'aiderai, fis-je à voix basse. Je ne sais pas trop comment mais je vais t'aider. Il y a un truc qui cloche dans toute cette histoire et je suis certain que Hannah t'attend quelque part.

Les lèvres d'Édouard se mettent à trembler et il avance d'un pas comme pour me prendre dans ses bras mais il interrompt son geste.

Merci, souffle t'il simplement.

Un mot, un seul mot qui me va droit au cœur.
On reste un instant à se regarder puis on sort de ma chambre sans un mot.
On redescendant, chacun plongé dans ses pensées.
Arrivée dans le dernier escalier, je frissonne.

– Il fait froid, râlé-je. La chaudière s'est encore coupée ou quoi ?

Pourtant j'entends les radiateurs ronronner, elle fonctionne encore. Soudain je vois la porte d'entrée grande ouverte.
Édouard et moi, on se fige dans un même mouvement.

– Laura ? appelé-je.

Pas de réponse.
Je saute les dernières marches et j'accours dans le salon. La télévision est allumée mais le canapé a été déserté. Paniqué, je balaye la pièce des yeux mais je ne peux que me résigner.
Mon cœur heurte ma poitrine en une pointe douloureuse. Édouard apparaît alors à côté de la porte donnant sur le hall.

Elle n'est pas au rez-de-chaussée, fait-il l'air grave.

Je transpire déjà. Je crois savoir où elle est.

– Elle est sortie... elle est seule dehors, avec l'Autre !



Le Mas du LacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant