Chapitre Quinze

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Je m'étais endormie, la tête posée sur l'épaule de Theo, après avoir exploré les lieux à ses côtés - je ne croyais pas qu'un simple trou contiendrait autant de chemins possibles.

Cela pourrait faire plusieurs heures, jours, semaines, voire même des mois que nous sommes enfermés ici. J'ai perdu toute notion du temps, et ça me tue. Je vais bientôt devenir folle si c'est pas déjà le cas.

Il fait noir, mais à quelques endroits, une lampe est accrochée au plafond et clignote, éclairant de façon très médiocre notre chemin. Nous n'avons pas de lampe torche, donc nous ne savons jamais ce qui se cache dans les ombres. Mais malgré ce fait, Theo dort paisiblement. Mon estomac gargouille et ma gorge est terriblement sèche.

Je repense à mon souvenir le plus proche ; l'attaque au lance-roquettes dans la maison. Quand j'y repense, je me dis que je n'ai pas agi très... Normalement. D'après ce que j'ai pu voir, Theo n'avait pas entendu les petits bruits que j'ai entendu moi. Il se pourrait que j'aie une meilleure ouïe que lui, mais je continue sans aucune piste. Le bruit était petit, et il fallait une certaine concentration pour pouvoir le déchiffrer. Et je me souviens que la bombe prenait deux secondes pour atteindre la cible, ce qui veut dire que notre agresseur était à une certaine distance. Il était en hauteur, ça, c'est sûr à cent pour cent ; les bombes étaient projetées avec une certaine inclinaison, et puis, on ne tire pas au lance-roquettes sans être en un minimum de hauteur ou de distance, ce n'est pas logique. Encore moins logique : on a survécu à cette attaque. Mon estomac se noue quand mon cerveau projecte des images d'un scénario alternatif où j'aurais fait un faux pas. Un seul faux pas; avoir mal compté les secondes, ne pas avoir bougé assez rapidement... Une seule de ces erreurs aurait pu mener la mort à nous deux. Un frisson me parcourt mon corps et je me mords la lèvre inférieure à cette pensée.

J'ai, malgré tout, le pressentiment que nous ne devrions pas rester ici. Je sens une présence humaine, et ce n'est pas celle de Theo. Je lève ma tête, et fronce les sourcils afin de mieux comprendre ce sentiment. En effet, je sens une présence pas loin. Je pense à me lever, mais aperçois l'obscurité, et renonce à cette idée. Plusieurs possibilités s'offrent à moi; cette présence peut être celle d'un tueur, mais la présence n'est ni menaçante, ni effrayante. Ça peut être un Mutant, mais la présence est beaucoup plus vivante et je dirais même que je peux ressentir l'espoir venant de celle-ci. Un Mutant ne ressent rien, ce n'est qu'une sorte de démon dans un corps humain. Ils ont beau ressembler à des personnes, mais les personnes en question sont mortes depuis longtemps.

Ce qui me mène à ma dernière possibilité; un Survivant. Cette pensée forme une lueur d'espoir dans mes yeux, et mon coeur bat plus vite.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Theo s'est réveillé; je vois sa silhouette assise se découper dans l'obscurité. Je cherche son regard.

- On n'est pas tout seuls, Theo.

Je sais qu'il a bougé, il s'est remis contre le mur. Le bruit me l'indique.

- Qu'est-ce que tu racontes ? demande-t-il d'une voix endormie.

Je fronce les sourcils et me souviens d'une chose ; les sacs. Ceux où on avait nos provisions, munitions et armes.

- Où sont les sacs ?

Il se fige et réfléchit.

- Je les ai posés près du canapé dans la maison...

- Tu veux dire, la maison qui a explosé ?

Le ton que j'ai utilisé sur cette dernière phrase était un peu agressif, et je regrette un peu de lui avoir parlé comme ça. Ce n'est pas de sa faute. Je sens qu'il culpabilise. Je devrais m'excuser, mais au lieu de ça, je me tais. Sûrement à cause du cri qui s'est fait soudainement entendre.

Theo et moi nous regardons,inquiets - il a entendu ce cri, ça veut dire que je ne suis pas complètement folle. Mais Il y a toujours quelque chose que je ne comprends pas ; j'ai ressenti son inquiétude et sa peur. J'ai vraiment ressenti tout ça. Pas en moi, mais j'ai senti une onde de peur et d'inquiétude venant de lui.

Comment j'ai su sentir ça ? Je ne sais pas.

Est-ce que c'est normal ? Non. Sûrement pas.

Est-ce que ça m'effraie ? Oui.

Nous nous levons à la halte, nous regardons comme si nous attendions, l'un comme l'autre, l'autorisation de notre partenaire.
- N'y pense même pas, toi, me dit-il calmement comme s'il avait deviné ce que j'avais en tête.

- Toi, n'y pense même pas.

- Tu n'es pas armée.

- Toi non plus.

- C'est trop dangereux pour toi.

Qu'est-ce que ça veut dire, ça ? Qu'à ses yeux, je ne suis qu'une faible, une jeune fille en détresse qui a toujours besoin de son prince charmant pour la sauver ? Réveille-toi, mon vieux, on vit dans le vingt-et-unième siècle ! Tu es loin d'être un prince charmant, ou un super-héros, et je peux très bien me débrouiller seule.

J'aurais bien voulu lui dire ça, mais rien ne sort de ma bouche quand le cri se rapproche, accompagné de pas. J'essaie malgré moi, de cacher ma peur.

Theo reste attentif, mais je me fige sur place. Et comme d'habitude, toutes sortes de scénarios horribles me passent par la tête.

Mon coeur fait un bond quand je crois entendre chuchoter mon nom.

Tu rêves, ne t'inquiète pas, tu rêves eveillée. Ce ne serait pas la première fois, pensai-je pour me rassurer.

Seulement, le fait que Theo me regarde subitement inquiet me fait remettre en cause mes hypothèses.

- J-J'ai entendu ton nom...

Je serre les poings et inspire profondément. Non, Hayden, tu ne rêvais pas.

- Je vais y aller, se décide Theo.

- Non, tu restes ici, arrivai-je à articuler malgré moi, Qui que ce soit, il appelle mon nom. C'est moi qu'il veut, pas toi.

Theo se fige. Il serre tous les muscles de son corps et s'apprête à ajouter quelque chose, mais à ce moment même, une silhouette sort de l'obscurité.

Il m'en a fallu du temps, mais je l'ai reconnue.

Je tombe dans ses bras et quelques larmes manquent de couler le long de mes joues. D'abord je me dis que ce n'est qu'un rêve; après tout, cet endroit m'a causé plusieurs hallucinations.

- Hayden, répète-t-il.

Je le serre plus fort, c'est bien lui, mon meilleur ami depuis mon enfance.

- Anthony, murmurai-je.

A F F L I C T E D [réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant