Chapitre 24 - Elena

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   On pourrait penser que la bataille est finie et que je peux enfin me croire sans danger, mais le spectacle qui s'offre à moi me fait presque regretter ce brasier. Il ne me faisait pas penser aux conséquences mais seulement à ma survie. Des dizaines de personnes des services publics sont présents, pompiers, ambulanciers, et policiers.

   J'ai l'impression d'avoir atterri en plein tournage d'un film. Je repère vite les corps de nos hommes allongés sur des bâches de couleurs et d'autres transportés sur des brancards. J'en vois tellement en train de souffrir, autant physiquement que mentalement que j'en ai le cœur brisé.

   Une fois sur le palier à la vue de tous, je vois plusieurs personnes s'approcher de moi. La première est un policier qui me demande mon nom, mais le second le coupe vite dans son élan et le fait dégager. Une fois que je n'ai rien d'autre que lui dans mon champ de vision, je reconnais l'homme qui m'a sauvé la vie près de la plage, mais cette fois-ci il est habillé en tenue de policier.

-    Vous... dis-je entre deux toux

-    Bonsoir Madame Crawford, me répond-il. Vous devriez vous faire ausculter, vous avez l'air mal en point

   Recrachant mes poumons à ne plus savoir qu'en faire, je ne peux pas lui répondre mais ne compte pas non plus l'écouter. Je m'éloigne de cet immeuble en feu accompagné de cet homme, et me dirige tant bien que mal vers les personnes que je pense être ma famille. La terre tangue affreusement à cet instant, mon cœur veut s'arracher à ma poitrine et mes poumons ne veulent rien aspirer. Pourtant, à ce moment précis rien ne compte plus que de savoir qui est en vie. Alors malgré ma douleur et ma difficulté certaine à avancer, je m'approche d'eux pas à pas.

   Je les vois enfin, mon père, mon oncle, mes bras droits et Angélique entourer et protéger par nos hommes. J'essaye encore une fois d'avancer, mais mon taux d'adrénaline a déjà bien diminué et mon corps me rappelle ce que je viens de subir. À seulement une vingtaine de mètres d'eux je me sens défaillir et tomber sur le sol, ce qui aurait été le cas si l'homme aux yeux vert ne m'avait pas attrapé au vol.

-    Lâcher moi, dis-je d'une voix faible que je déteste

-    Pas question, je ne tiens pas à avoir un problème parce que l'on vous aura laissé seule, blessé et sans aucune aide, me répond-il sérieusement

-    Je ne vous demande pas la lune, seulement de me poser par terre, dis-je passablement irrité

-    Non madame, cela ne met pas possible

   Il me fatigue le flic, une balle en pleine tête et je serai tranquille.

-    Bon, alors pouvez-vous m'amener jusqu'à ma famille ?

   Je n'entends pas de réponse mais je sens qu'il se met à avancer. Je pus, et je ne dirais pas grâce à lui, m'approcher assez pour que ma famille me voie dans la nuit. Dès qu'ils me remarquent, ils accourent vers moi. L'agent de police me dépose sur le sol et se recule de quelques pas.

-    Elena ma fille, qu'est-ce qui t'arrive ?

-    Jake ne t'a pas dit ?

  Je coule un regard en direction de mon ami et celui-ci fait non de la tête

-    Me dire quoi, m'interroge-t 'il

-    Tous les trois, on est allé voir ce qu'il se passait...

-    Ça on est au courant, me coupe mon oncle, on vous a vu partir comme des furies

-    Et dis-je plus fortement pour bien faire comprendre qu'il n'aurait pas dû me couper, en voyant l'immeuble en feu avec toujours des personnes à l'intérieur on est allé les chercher

   Je crois qu'il a fallu une minute pour que mes proches réalisent, puisque mon père met quelques instants avant d'éclater de fureur.

-    Tu es en train de me dire, ma fille, que tu as couru dans un brasier pour le simple fait de sauver des personnes ? hurle mon père

-    Oui, et avec Jake on est resté plus longtemps à cause de Jimmy qui était encore à l'intérieur. Je ne vais pas vous raconter la galère que ça a été de descendre d'un immeuble en flamme, mais je suis là maintenant

-    Je vois, marmonne mon père passablement énervé. On rediscutera tous les quatre, des règles à respecter pour rester en vie et aussi du partage d'informations, déclare-t-il froidement

-    Oui père, dis-je pour qu'il passe à autre chose. Quel est le nombre de victimes pour l'instant ? demandai-je inquiète

   Un autre blanc prend place, mais cette fois il est plus pesant. Ce n'est pas mon père qui répond mais mon oncle.

-    Actuellement, et ce ne sont que des données incomplètes puisque certains cas ne sont pas encore déterminés, nous en sommes à vingt blessés dont cinq blessés graves et quinze morts

   L'annonce de mon oncle me fait comme un coup de massue, mes dernières forces s'envolent et je tombe à genoux dans l'herbe. Je n'entends plus le bruit autour de moi, les sons extérieurs m'apparaissent atténués. J'observe sans voir ce qui m'entoure, les lumières rouges, jaunes, bleues viennent de partout. Je lève la tête vers le ciel et c'est une nuit d'encre, les étoiles qui peuplaient le ciel ont disparu à cet instant.

    Il me faut quelques minutes pour réaliser que je ne suis plus par terre mais dans les bras de quelqu'un. Je commence à en avoir ras-le-bol d'ailleurs, je ne suis pas un sac à patates que l'on transporte où l'on veut, merde. Une voix me ravise avant que ne fasse une chose inutile.

-    Pas de panique c'est moi Elena, lance Jake, voyant que je reviens à moi

   Je pense une minute à me révolter mais je suis trop fatiguée pour me battre.

-    Où m'emmènes-tu ?

-    Voir un docteur avant que tu ne meures sous ma responsabilité

   Je voulus répliquer mais nous sommes déjà devant une ambulance. C'est une femme qui me prend en charge et elle demande à Jake de nous laisser. Je me fais ausculter et vu la tête du docteur mon état doit être terrible. Je pense même que je vais me faire allumer. On remercie la fatigue pour cet humour douteux.

-    Madame, je peux savoir où vous étiez pendant l'incident ?

-    A l'abris

-   Ah bon ? répond-elle surprise. Alors comment se fait-il que vous ayez des brûlures et des ecchymoses ?

-    Avec des amis on est allé dans l'immeuble en feu pour secourir ceux qui étaient bloqués à l'intérieur. Il a fallu que je redescende par l'extérieur et que je passe un étage en feu avant de pouvoir sortir

   Ahuri elle me regarde avec de grands yeux puis reprend son inspection. Je me remets à tousser alors elle me passe un masque à oxygène.

-    Bon, vous êtes brulée à plusieurs endroits au premier degré, et vous avez des coupures assez importantes sur les épaules et les bras. Avec vos poumons en difficultés à cause de la fumée, je vais devoir vous amener à l'hôpital, je vais prévenir mes collègues et on pourra partir

-    Je vous arrête tout de suite madame, je ne veux pas vous empêcher de soigner une personne plus en danger que moi. Alors je signerai toutes les décharges nécessaires pour que vous vous occupiez d'un patient qui a réellement besoin de vous

-    Mais madame ...

-    Je vous en prie docteur, je demanderai à mon médecin de famille de passer demain à la première heure alors laisser moi partir

-    Bon je n'ai pas vraiment le choix, c'est vous qui décidez

   Elle sort un papier, remplit sa partie, j'ajoute mon nom et signe en bas de page. Je la remercie pour m'avoir auscultée puis pars lorsqu'elle m'interrompt.

-    Avant que vous ne sortiez, prenez avec vous la petite bouteille d'oxygène. Si vos brûlures et égratignures peuvent attendre, vos poumons non. Alors s'il vous plait, garder le masque jusqu'à la fin de la bouteille.

-    Oui docteur je le ferai, encore merci et bon courage pour ce soir, lui dis-je avec toute la compassion dont je suis capable. C'est-à-dire pas grand-chose pour elle, mais beaucoup pour moi

Mafia la Rose des VentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant