Ces derniers jours, New York avait été écrasée par une vague de chaleur lourde et sans pitié. C'était rare qu'il fasse très chaud ici. Mais quand c'était le cas, c'était juste insupportable.
La veille encore, la chaleur était partout. Lourde. Suffocante. Vivante. Elle pénétrait vos pores et les faisait suinter. Bouger était devenu intolérable. La chaleur rampait sur le bitume, s'agrippait amèrement aux murs des bâtiments. L'air lui-même transpirait. Il suintait. Littéralement. Il détrempait les peaux des piétons, faisait glisser les fronts, rendait les yeux un peu aqueux et un peu vitreux.
Non, les new-yorkais n'avaient pas à se plaindre de grosses chaleurs.
Mais ils le faisaient quand même.
Parce qu'ils n'en avaient pas l'habitude. Ils ne connaissaient que peu cet air visqueux qui s'accroche à la peau. Ces atomes spongieux, transpirants, qui rendent tout poisseux. Parce qu'ils n'étaient pas adaptés à cette poignée de jours sulfureux. Ces quelques jours dans l'année ou le froid semble oublié, refoulé. Ces deux-trois jours où la cravate est une torture, où les lunettes font transpirer les yeux, où tous les doigts semblent gourds, lourds, endommagés. Ils ne savaient pas jouer correctement avec ces paires d'heures durant lesquelles les cerveaux ralentissent et les bras sont maladroits.
Enfin, tout cela était passé. Si l'ont pouvait le dire ainsi.
Les températures avaient chuté, regagnant ce qui correspondait à la décence pour un new-yorkais. Mais l'arôme dense de la canicule pesait toujours dans l'atmosphère. Les rues transpiraient toujours. L'air n'était pas encore revenu, il se contentait de faire glisser une ou deux bourrasques de temps en temps pour se dérober juste après.
Les respirations épaisses de Louis résonnaient dans la pièce. Il avait laissé la fenêtre ouverte. Il attendait la pluie. Il n'avait plus que ça à faire, maintenant qu'Harry était parti. Cela faisait dix jours qu'Harry était parti, qu'il s'était évaporé comme un songe l'aurait fait. Et Louis était allongé en étoile sur son lit qui semblait à présent trop grand pour lui. C'était un samedi soir et le monde était gris. Un épais rideau de nuages lourds recouvrait la ville, prêt à éclater et déverser son chagrin sur les hommes. Ils reflétaient bien l'humeur de Louis, tous ces nuages gonflés de pluie.
Un ennui sourd s'était emparé du corps du jeune homme il y avait un peu moins d'une semaine. Il ne savait pas quoi faire, puis, chaque fois qu'une idée passait il l'a détruisait. Parce qu'il se complaisait dans son ennui grandissant. Dans cet espace vide qui se creusait entre ses côtes. Il se disait qu'il pourrait peut-être tirer quelque chose de ce rien envahissant. Peut-être développerait-t-il quelque chose de nouveau, ce rien ? Après tout, c'est à partir de rien qu'on fabrique l'art, non ?
Là, allongé sur son lit face au ventilateur qui recrachait l'air gluant de la pièce, il se dit qu'il devrait sortir. Bouger. Voir quelqu'un. Voir New York après la chaleur.
Alors que Louis se lamentait, laissant son esprit s'engourdir pour être certain de ne pas avoir à penser au noeud d'angoisse qui résidait dans son ventre, le ciel se craquela. Il commença à pleuvoir. Il était déjà tard et dehors, il y avait les derniers new-yorkais qui regagnaient leur chez eux, quelques phares de voitures qui éclairaient les gouttes coulant des cieux avec une certaine grâce. Elles tombaient lourdement, transportés par la brise sous les éclaboussures jaunes des luminaires, ces gouttes. La pluie recouvrait tout dehors, les trottoirs déserts, les enseignes clignotantes, les doigts d'une femme, la longue veste d'un homme, sa mallette aussi. La pluie s'enroulait autour de chaque plante oubliée sur les balcons, sur toute la vie. Sur une dame sans âge qui habitait là depuis la nuit des temps, comme si ses traits n'avait jamais connu la jeunesse. La pluie recouvrait tout. La ville, la monde, le bruit. L'espace, le temps, la vie.

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Far Away.
FanfictionLouis connait New York, il y connait les rues et les stations de métro et la démarche des gens. Il y connait l'hiver, froid et gris et interminable. Infernal. Louis aimerait y mettre fin, à cet hiver qui frissonne jusque dans ses méninges, glaçant...