Dans le hall immense de l'aéroport et pour la première fois depuis longtemps, Harry se sentit minuscule, écrasé par les voix et l'espace. A force de voyager, Harry s'était pourtant enhardi. Il était devenu audacieux, si ce n'est téméraire. Il avait refoulé dans un coin bien lointain de son être, le garçon timide qu'il avait un jour était, ne le laissant affleurer qu'en de rares occasions, généralement quand il était seul. Ou avec sa soeur. Ou avec Louis, il était forcé de croire. Mais ça, ça n'était qu'une autre erreur, un autre écart surmontable. Comme le post-it, le post-it aussi était un écart surmontable, un ultime éclat de faiblesse dont il avait fait preuve. Mais il n'y en aurait plus. Il n'y aurait plus d'éclat de faiblesse. Harry avait fait preuve de trop d'inadvertance en la présence de Louis, le laissant s'infiltrer dans le sang qui coulaient dans ses veines jusqu'à atteindre son petit coeur encore fragile. Louis s'était diffusé dans son corps comme un joli rayon de soleil. Et c'était un peu ce qu'il était après tout, un rayon de soleil, chaud et brulant et aveuglant. Louis était aveuglant, il éclipsait le reste de monde.Harry sortit de ses pensées lorsqu'il fut bousculé par une femme visiblement pressée. Armée d'une grande valise qu'elle trainait à côté d'elle, elle arpentait le terminal perchée sur des talons hauts. Harry s'excusa, ce que la jeune femme ne sembla pas entendre, il se décala ensuite sur le côté pour ne plus encombrer le passage. Il se retourna, et déjà, la jeune femme avait disparu, avalée par la foule et la furie. Harry ne voulait pas devenir comme ça, il ne voulait pas passer sa vie à courir après le temps. Et pourtant...
Et pourtant, c'était l'impression que ce départ laissait dans le fond de sa gorge. Pourquoi diable quittait-il New York ce soir ? Depuis quand se pliait-il à la volonté d'autres que lui ?
Cela lui échappait. Tout cela. Le départ, Louis, la vie. Harry sentit sa propre vie attendre patiemment entre ses mains. Et il eut la sensation désagréable que le choix qu'il allait faire — qu'il avait déjà fait ? — aurait un impact sur son futur. Et c'était tout ce qu'il ne voulait pas. Donner de l'importance aux choses. Au futur, aux choix, à la vie. Ne vous méprenez pas, Harry adorait la vie. Mais il l'aimait surtout parce qu'il ne la pensait pas comme cette chose ultime, cette unique chance. De réussir, de voir, d'aimer. Harry aimait la vie parce qu'il la voyait comme une successions d'instants, un océan de moments sublimes qui n'avaient pas vraiment besoin d'être liés les uns autres. La vie était pour Harry un terrain de jeu, le moyen d'explorer, de faire, d'atteindre. Harry aimait vivre comme s'il était immortel, parce qu'alors aucun choix ne comptait, il aimait faire ce qui lui plaisait quand ça lui plaisait.
Et jusqu'ici, tout cela ne s'était jamais contredit. Vivre comme il l'entendait c'était bel et bien se faire des amis aux quatre coins d'une ville, se faire des amants aux quatre coins du monde. Vivre c'était partir, ne jamais rester, ne pas donner d'importance à demain, ni au jour suivant. Vivre c'était ne croire qu'en soi. Mais Louis avait changer cela, il avait boulversé l'image toute bien façonnée de ses mains qu'Harry avait d'une vie bien vécue. Parce que depuis plus de deux mois maintenant, Harry ne faisait plus que cela, penser à demain.
Le jeune homme soupira, observa une nouvelle fois de loin la foule qui s'était amoncelée devant des bureaux d'enregistrement des bagages. C'était là-bas qu'il allait, au milieu de tous ces gens pressés, qui n'ont pas le temps d'apprendre à en perdre. Il se cramponna inconsciemment aux lanières de ses deux sacs de voyage, y cherchant un ancrage qu'ils n'avaient pas. Puis il se mit à marcher vers là-bas. Il s'engonça dans la fil d'attente, offrant un regard compatissant à un couple dont les enfants semblaient intenables. Et il attendit. Il attendit son tour, comme ils le faisaient tous. Harry jetait aussi des coups d'oeil réguliers à l'entrée par laquelle il était arrivé. Il se demanda si Louis était rentrée du bar. Probablement pas. Il travaillait jusqu'à vingt-et-une heure aujourd'hui, si les souvenirs d'Harry étaient justes. Cela ne tua pourtant pas tout à fait les douces flammes d'espoir qui continuaient de danser dans ses entrailles.

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Far Away.
أدب الهواةLouis connait New York, il y connait les rues et les stations de métro et la démarche des gens. Il y connait l'hiver, froid et gris et interminable. Infernal. Louis aimerait y mettre fin, à cet hiver qui frissonne jusque dans ses méninges, glaçant...