Chapitre 7

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La première fois que le surnom passa les lèvres de Louis, il en fut lui-même surpris. C'était comme si un autre homme, possédant la même voix que lui venait de dire les deux mots qui semblaient si inoffensifs. Ce qui surprit Louis, c'est que ces mots, ils ne les avait jamais pensé, ne les avait jamais imaginé rouler si naturellement sur sa langue. En vérité, il n'aurait pas dû être déconcerté, mais il l'avait tout de même été.

C'était un dimanche après-midi comme il y en avait eu tant d'autres. Louis était installé à son bureau, à deux doigts de s'arracher les cheveux devant sa thèse. Toute la bibliographie de Charlotte Brontë était alignée devant lui, ne lui apportant aucun réconfort. Harry était parti faire dieu seul sait quoi, dieu seul sait où. Il avait essayé de déconcentrer Louis avec ses mains baladeuses et ses baisers humides. Et cela avait presque fonctionné, presque. Sauf que Louis avait fini par grogner qu'il devait vraiment travailler et Harry s'était enfui juste après avoir claqué un baiser mouillé sur sa joue. Dans ce genre de moment, Louis se demandait comment il pouvait être amoureux d'un idiot pareil.

Toujours était-il que Louis n'avait que trop peu avancé dans ce qu'il avait à faire quand Harry appuya répétitivement sur la sonnette de l'appartement. Louis se leva avec réticence et en grommelant dans sa barbe. Il ouvrit la porte sur un Harry complètement surexcité. A la vision du jeune homme tenant presque hargneusement un sac en craft entre ses mains, un grand sourire innocemment malicieux fendant son visage, Louis su qu'il n'écrirait pas une ligne de plus aujourd'hui.

« Qu'est-ce que c'est que ça ? », s'enquit-il en levant un sourcil. Il tenta de volé un regard dans le sac mais Harry le cacha instantanément derrière son dos.

Le bouclé arborait toujours le même sourire trop grand et trop brillant, placardé sur ses traits comme une affiche. Un sourire comme cela, ça ne pouvait que cacher quelque chose. Louis ne lui faisait pas vraiment confiance — ou plutôt vraiment pas confiance — à ce sourire là. L'expression était tellement outrée que Louis se demanda si les coins des lèvres d'Harry ne pourraient pas véritablement toucher ses oreilles.

Le jeune homme s'efforça de maintenir un air neutre pour faire fléchir Harry et lui faire cracher le morceau. Pourtant tout en lui voulait sourire. Et embrasser Harry aussi, mais ça, c'était un tout autre problème.

« C'est de la peinture », céda finalement Harry et entrant dans l'appartement et en renversant le contenu du sac sur le lit. Et alors, au milieu d'une conversation qui ne s'y prêtait pas plus qu'une autre, Louis laissa le surnom tomber entre eux. « C'est bien mon ange, mais qu'est-ce que tu vas peindre ? ». Louis se pinçait l'arrête du nez, priant tous les dieux ayant jamais existé qu'Harry n'ait pas à l'esprit de peindre les murs de son appartement. Il savait qu'il céderait. A l'instant où il se disait qu'Harry n'était pas si déraisonnable, il prit conscience du silence.

Louis releva son visage vers le bouclé qui le regardait avec un air quelque peu interdit et un voile cramoisi sur les joues. Et seulement là, Louis réalisa ce qu'il venait de dire. Avant qu'il ne puisse s'enfoncer en tentant de se trouver une excuse qui serait sans nulle doute mauvaise, Harry reprit la parole. « C'est euh... de la peinture pour le corps », sa voix avait en partie perdu l'assurance qu'elle tenait fièrement quelques minutes plus tôt. Et qu'est-ce que Louis avait fait ? Qu'est-ce qu'il lui avait pris ? Son esprit oscillait entre « ça n'est pas grand chose, c'est bon » et « oh mon dieu ! Qu'est-ce que j'ai fait !? Il me prend pour un fou maintenant ! ». Louis s'efforça à recouvrer sa maîtrise de soi puis il offrit un sourire légèrement contrit à Harry. « Tu veux te peindre ?! », s'étonna-t-il.

« En fait non, Lou, je veux te peindre ». Harry avait visiblement retrouvé l'ardeur qui l'animait. « J'ai pas trop le temps Haz, je dois bosser là », contra Louis, principalement pour la forme. Harry geignit, « Mais Louiiiiis, tu travailles depuis ce matin. Tu as besoin d'une pause et moi,  j'ai besoin de travailler »

Far Away.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant