Crush

P1 / Chapitre 18

Le dimanche, Margot se retrouvait sur le siège arrière de la voiture. Fanny conduisait pendant que David choisissait la musique. Elle se sentait comme une enfant qui part manger chez ses grands-parents le dimanche midi. C'était aussi bizarre que drôle.

La jeune femme vérifia encore son téléphone, comme elle l'avait fait toute la matinée. Se demandant s'il allait lui écrire, si elle devait le faire ? L'ambiance avait été tellement inattendue cette nuit, comme s'ils s'étaient chacun perdus dans un autre monde. Et l'audace qu'elle avait eue s'était un peu envolée au réveil. Parce qu'il allait rentrer, qu'elle allait le voir demain et que sans la distance, Margot ne savait plus combien elle pouvait être courageuse ?

Quand la voiture s'arrêta dans la petite allée devant le portail de la propriété de ses parents, Margot descendit pour ouvrir le portail à sa sœur. Elle vit sa mère descendre le petit parterre de pelouse devant la maison pour la rejoindre et l'embrasser sur la joue en pressant son visage à deux mains.

- J'ai l'habitude que ta sœur vienne manger le week-end mais que tu sois à nouveau avec nous, vraiment, ça me rend heureuse même si tu viens seule !

- Moi aussi, maman, répondit la jeune femme en ignorant ses derniers mots.

Les relations n'avaient jamais été parfaites avec sa mère. Margot était plus proche de son père bien que ce soit un homme discret qui parlait peu. Elle savait que sa mère l'aimait, elle l'aimait aussi énormément. Mais même dans une famille, même en étant si proche, on reste des gens. Et parfois on n'est pas faits pour s'entendre.

Dans la maison, Margot embrassa son père qui arrivait de la cuisine. Ce dernier serra un bras autour de ses épaules et fit de même en voyant arriver Fanny.

Ses parents étaient régulièrement venus la voir quand elle vivait en Suède, mais ça lui faisait quand-même étrange, comme les revoir pour la première fois. La maison n'avait pas tant changée, mais tout semblait différent. En prenant place en face de Fanny et David, elle se revit 10 ans plus tôt, au début de leur histoire d'amour. Quand c'était David le plus mal à l'aise, pas elle. Aujourd'hui il était comme chez lui.

- Le petit voisin m'a montré la photo de toi et Florian, commença sa mère, il me demandait si c'était bien toi. Je ne m'attendais pas à ce que tu t'affiches comme ça...

- Pourquoi pas ? s'étonna Margot.

- Eh bien, les gens ont l'air de croire que vous êtes un couple, ça ne te dérange pas ?

- C'est pas si grave, intervint Fanny, Florian est adulte, c'est pas comme si c'était encore un enfant.

- Mais il est toujours plus jeune qu'elle.

- T'as 15 ans de moins que papa, s'amusa Fanny, faisant à peine réagir son père qui regardait le journal.

- Tu n'as pas peur que ça fasse des problèmes avec Jon ?

Margot regarda sa sœur pour chercher du soutien dans ses yeux.

- Je ne suis plus le problème de Jon et il n'est plus le mien.

- Quand-même, le divorce est récent et vous êtes restés mariés presque dix ans.

- Maman, pourquoi tu me parles encore de lui ?

- J'ai le droit non ? C'est encore un peu mon gendre.

Fanny secoua la tête en regardant David qui se sentait finalement beaucoup moins à l'aise vu la tournure que prenait ce repas de famille.

- Et alors quoi, l'enfant qu'il attend avec sa maîtresse c'est un peu ton petit-fils ? lança froidement Margot.

Le silence qui suivit s'accompagnait d'un vent glacial. Même si les températures printanières tournaient autour des 25° ce week-end, presque tout le monde autour de la table sentit un léger frisson de malaise lui parcourir la nuque.

Margot ferma les yeux, inspirant avec force pour tenter de garder son calme. Et puis son père se leva, abandonnant son journal pour poser sa main sur l'épaule de son aînée.

- Tu viens m'aider à découper le poulet ?

Elle se leva avec hâte et le devança pour entrer dans la cuisine. L'homme ferma la porte derrière eux, laissant l'ambiance polaire de l'autre côté.

- Maman, des fois je te jure... tu pouvais pas simplement profiter d'avoir tes deux filles réunies, tu veux qu'elle parte encore à l'autre bout du monde ? s'énerva Fanny à voix basse.

- Je suis inquiète, je ne sais pas ce qu'elle est en train de faire de sa vie, elle a trente ans il faut qu'elle...

- Ce qu'elle veut, cracha Fanny, elle fait ce qu'elle veut de sa vie maman !

David posa une main dans le dos de sa compagne pour essayer de lui transmettre un peu de son calme. Il savait qu'elle pouvait partir vite dans les tours mais toujours en culpabilisant à la fin.

Depuis la cuisine, alors que son père découpait seul le poulet sans avoir besoin d'aucune aide, Margot reprenait son souffle. Il ne parlait pas beaucoup, mais quand il s'agissait d'écouter et de comprendre, il était le meilleur.

- Je suis une si grande déception pour elle ?

- Pas du tout, elle est inquiète. Et comme d'habitude elle ne sait pas comment te parler. On se demande ce que tu comptes faire maintenant ?

- Ma vie, c'est la seule réponse qui me vient papa. Je vais vivre ma vie. J'ai aucune idée de ce qui m'attend mais j'ai moins peur de l'avenir maintenant que je me sens libre. C'est suffisant non ?

Il abandonna son couteau dans l'évier et se positionna devant elle, posant ses mains sur ses épaules.

- Est-ce que tu vas bien ? C'est tout ce qu'on a besoin de savoir. C'est la question que ta mère se posait en réalité.

- Je vais vraiment bien, je suis sereine.

Elle ne mentait pas. C'était vrai et nouveau. Margot n'avait pas peur d'avoir tout à refaire, elle avait hâte.