Chapitre 7 : « ...c'est pas quelque chose que je peux vraiment contrôler. »

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4 décembre, 10h15

Jérémie

- Wo Jérémie, t'as des nouveaux patins? Ils sont tellement hot!

- Oh I had the green-blue ones when I played U15 in BC! These are amazing!

- Do you think we could get similar ones?

- You like them guys? I guess you could ask your skate companies to design you a model...Toi, Rayan, je suis pas mal certain que Bauer t'en ferait sans problème.

Quand j'étais à Vancouver, Bauer m'avait fait des patins spéciaux aux couleurs des Canucks. L'arrière de la bottine et la section juste au-dessus de la lame étaient gris foncé mais, sur les côtés, il y avait une bande bleue et une bande verte en diagonale et le sigle des Canucks était engravé à l'arrière. Au début, je mettais les patins seulement lors des pratiques ou lors des activités où on patinait avec les fans au Rogers Arena mais, un soir, mes patins habituels se sont brisés lors de l'échauffement et c'était le seul modèle de rechange que j'avais à l'aréna, je les ai donc portés lors d'un vrai match. J'ai vraiment beaucoup entendu parler des patins et j'ai commencé à les utiliser de façon régulière, ce qui a fait qu'ils sont peu à peu devenus ma marque de commerce. Bauer a fini par sortir des modèles grand public du même style et le modèle «Simard» est devenu très populaire auprès d'une certaine génération de jeunes joueurs. Cette année, lors de mes premières pratiques avec les Canadiens, alors que je portais des patins noirs ordinaires, les plus jeunes joueurs m'ont demandé pourquoi je ne portais pas mes patins gris-verts-bleus et je leur ai répondu que je me sentais un peu mal de porter des patins aux couleurs des Canucks alors que j'étais dans l'organisation des Canadiens. Quelques jours plus tard, j'ai appelé Bauer pour leur demander de me créer un modèle aux couleurs des Canadiens. Je dois avouer que je suis pas mal satisfait du résultat. Les patins que je porte aujourd'hui ont aussi une base gris foncé mais ils ont une bande colorée sur le côté où les couleurs bleu-blanc-rouge se fondent l'une dans l'autre en plus d'arborer le sigle des Canadiens à l'arrière. Comme Rayan Benali est commandité par Bauer, je sais que ce ne serait pas compliqué pour lui d'en avoir un modèle similaire au mien.

De tous les joueurs de l'édition actuelle des Canadiens que j'ai appris à connaître depuis mon arrivée à l'automne, Rayan Benali est celui qui me fait le plus penser à une jeune version de moi-même. Lui, en fait, ça fait déjà quelques années que je le connais. Quand il jouait M18AAA, pour les Lions du Lac St-Louis, il marquait 3 points par matches à sa première année à 15 ans et il s'était rapidement fait remarquer par les dépisteurs de la LHJMQ, ce qui a mené à son repêchage au 1er rang à la fin de la saison. Ses parents lui cherchaient un agent et ils avaient contacté l'agence de Greg. Durant l'été suivant, Greg et ses collègues avaient organisé une journée d'évaluation des futurs clients potentiels de l'agence et ils avaient invité certains de leurs clients actuels pour passer la journée avec eux sur la patinoire et en-dehors de la patinoire afin de leur donner leur avis sur les jeunes candidats. J'y avais été invité et j'avais pu côtoyer Rayan qui m'avait raconté que j'étais son joueur préféré et qu'il portait le #16, que j'avais repris avec les Canucks, en mon honneur. J'avais alors été impressionné par ses habiletés et par son sens de l'anticipation. Nous avions organisé un match amical où je m'étais ramassé à l'aile gauche de son trio avec Evan au centre et je peux dire que sa présence ne nous avait pas nui, au contraire, je pense encore au pauvre gardien de but de 16 ans qui ne savait pas où donner de la tête, ça avait été un bon test pour sa capacité à travailler sous pression, en tout cas. Hors de la glace, Rayan m'avait semblé être un adolescent discret, poli, intelligent, drôle et ouvert d'esprit et j'avais recommandé à Greg de le prendre comme client. Finalement, comme Greg était déjà en fin de carrière à ce moment, c'est l'une de ses collègues qui est devenue son agente. Dans les années qui ont suivi, j'ai eu l'occasion de revoir Rayan dans des activités organisées pour les clients de l'agence et j'ai même joué quelques matches avec lui dans une ligue d'été à 3 contre 3, tout en gardant un œil sur son parcours dans la LHJMQ où il a rapidement pris le sommet des marqueurs, pour ensuite être sélectionné au premier tour par les Canadiens. Évidemment, à partir de ce moment, il est devenu l'un des principaux espoirs de l'équipe et tous ses faits et gestes sont devenus de nature publique, d'autant plus qu'il était le premier Québécois repêché au 1er tour par les Canadiens depuis plus de 25 ans. Après avoir joué une 3e saison dans la LHJMQ puis une saison avec le Rocket, il en est maintenant, à 22 ans, à sa 2e saison avec les Canadiens. Mais dans la LNH, bien entendu, il n'arrive pas à produire autant de points que dans le junior et, même si sa saison recrue n'était pas mauvaise du tout, et que celle-ci est très encourageante pour le futur, on commence à entendre toutes sortes de critiques à son sujet de la part du public sur les réseaux sociaux et de la part de certains analystes dans les médias, ce qui, bien sûr, n'est pas sans me rappeler ce que j'entendais à mon sujet quand je jouais pour les Canadiens. Mais Rayan Benali, il est suivi par encore plus de gens que moi je l'étais. Bien qu'il soit né au Québec, qu'il ait grandi à Ste-Dorothée, qu'il ait fréquenté le système scolaire francophone, qu'il parle le français avec le plus pur accent Québécois et parfaitement l'anglais comme tous les enfants de la grande région de Montréal, ses origines Marocaines et sa connaissance de la langue arabe ont suscité l'intérêt d'une grande proportion de québécois d'origine maghrébine qui étaient auparavant beaucoup plus attirés par le soccer que par le hockey. Plusieurs d'entre eux sont devenus des grands fans de Rayan mais aussi ses partisans les plus exigeants. Tout comme moi, et contrairement à Nathan Dussault, il semble prendre l'attention comme un mal nécessaire mais pourrait certainement s'en passer et continuer sa petite vie tranquille avec sa copine qu'il fréquente depuis le secondaire 5. Malheureusement, il ne peut pas trop s'en sauver en jouant pour les Canadiens et l'organisation fait tout ce qu'elle peut pour lui rendre les choses plus faciles, en commençant par lui offrir un suivi psychologique et en l'aidant dans la gestion de ses réseaux sociaux et de ses apparitions publiques. De mon côté, comme je trouvais que son caractère, son style de jeu et son gabarit étaient similaires au mien, je me suis dit qu'il serait probablement aussi capable de jouer avec le même joueur de centre que moi et j'ai recommandé à James de le jumeler avec Evan cette année. Et je dois avouer que ça fonctionne assez bien, Rayan a maintenant 23 points en 25 matches et sa chimie avec Evan et leur ailier gauche Bowen Stone se développe à vue d'œil. De plus, pour l'instant, il semble être capable de supporter le caractère d'Evan sur la patinoire, quoique je crois qu'Evan se comporte plus comme un grand frère en faisant attention à la manière dont il dit les choses lorsqu'il parle à Rayan et Bowen.

Micro et mises en échecOù les histoires vivent. Découvrez maintenant