Chapitre 10 : « J'ai peur, Jérémie »

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27 janvier, 21h45

Jérémie

Je n'aurais jamais pensé dire ça, surtout pas il y a une douzaine d'années quand je jouais pour les Canadiens mais, ce soir, je suis reconnaissant pour l'existence des réseaux sociaux. Quand Léa m'a appelé pour me dire qu'Evan avait quitté l'hôpital il y a plus d'une heure après s'être fâché contre Victoria et qu'elle s'inquiétait pour lui, j'ai essayé de penser à l'endroit où il aurait pu aller. Je me suis demandé ce que moi j'aurais fait et lancer des rondelles aurait probablement été l'activité que j'aurais choisie. Mais il y a beaucoup de patinoires extérieures dans les environs et je n'avais pas envie de toutes les visiter. C'est Maeva qui m'a suggéré de regarder si quelqu'un n'avait pas identifié et localisé Evan sur les réseaux sociaux puisque ses sorties ne passent pas inaperçues habituellement. Et, en effet, un jeune a publié une photo de lui sur Twitter, sur une patinoire, dans un parc près de l'hôpital Ste-Justine il y a une quinzaine de minutes. J'ai osé regarder les commentaires, il n'y en avait pas encore beaucoup mais les gens se demandaient bien ce qu'il faisait là à « s'amuser » alors qu'il avait dû quitter le match des Étoiles d'urgence en plein milieu de la première partie. Je me suis dit que je devais le ramener à l'hôpital avant que les rumeurs se mettent à se propager. Je stationne ma voiture sur la rue qui borde le parc et je me dirige vers la patinoire. Je vois effectivement une grande et large silhouette, toute seule, qui lance des rondelles vers le filet, en souliers de course. À mesure que je m'approche, je me rends toutefois compte que quelque chose cloche.

- T'es rendu gaucher?

Il se tourne vers moi et vient me rejoindre avec un petit sourire triste.

- Je pratique mon revers... Il y avait une gang de jeunes qui jouaient, je me suis approché pour les regarder. Ils m'ont reconnu et ils m'ont offert d'embarquer avec eux mais je n'avais pas de bâton. Le plus grand d'entre eux m'a prêté le sien mais c'était un bâton gaucher. J'ai pas osé lui dire que c'était pas mon côté...Je voulais lui redonner quand ils sont partis mais il a insisté pour que je le garde... Comment t'as su que j'étais ici?

- Léa m'a appelé...pis après, tes nouveaux amis t'ont tagué sur Twitter donc j'ai su où t'étais exactement.

- Léa... est-ce qu'elle t'a dit ce que j'ai fait?

- Ouais...

- Elle doit tellement être fâchée contre moi...

- Elle est surtout inquiète je pense. Et surprise aussi, moi je sais que tu peux perdre la carte des fois, mais elle, elle ne t'avait jamais vu comme ça.

- Je suis tellement pas fier de moi... Emy n'a pas besoin que son père pogne les nerfs et que ses parents se chicanent ... Pis je me sens tellement coupable de ne pas avoir été là aujourd'hui pour l'emmener à l'hôpital...Je me sens tellement mal d'avoir laissé Léa gérer ça toute seule...Pis je le sais que c'est pas de la faute à Victoria non plus, les enfants à la garderie font souvent de la fièvre, elle pouvait pas savoir que c'était vraiment grave cette fois... Penses-tu qu'elles vont me pardonner?

- Je pense que si tu y retournes et que tu t'excuses, elles vont comprendre...

- Je sais que je dois y retourner mais j'ai pas le goût ...J'ai peur, Jérémie... J'ai peur qu'elle ne passe pas la nuit... qu'elle meure dans mes bras... On n'est pas supposé mourir quand on a juste 2 ans...

- Il faut que tu sois avec elle quand même, elle a besoin de son père...

- Mais elle est endormie, elle ne se rend compte de rien...

Micro et mises en échecOù les histoires vivent. Découvrez maintenant