Le labeur du corps

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   *admirez la beauté de mon zouzou. Par contre j'ai oublié de signer mon fanart, honte à moi*

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   Kazutora tourna au coin d'un mur et soupira lorsqu'il s'aperçut qu'il arrivait dans un couloir exactement semblable à celui qu'il venait de quitter. Chaque partie du château se ressemblait, il y avait d'innombrables pièces partout, des portes tout le long des couloirs, et tellement d'escaliers... Kazutora était complètement perdu, il ne savait même plus d'où il venait. Cela devait faire une bonne heure qu'il errait dans les différents couloirs en cherchant vainement son chemin, et le pire était qu'il n'avait pas croisé la moindre personne.
   La cérémonie de ce soir l'avait épuisé, se faire passer pour quelqu'un d'autre et entrer dans les normes sociales de la cour royale était très fatiguant, Kazutora ne pensait pas qu'une simple réception pouvait lui demander autant d'énergie. Et puis il avait dû fuir Keisuke toute la soirée, ce qui n'avait pas été évident du tout. Le revoir soudainement était bouleversant, il ne l'avait jamais oublié évidemment, il pensait toujours beaucoup à lui et s'était souvent demandé ce qu'il devenait. Mais il n'aurait pas imaginé le croiser aussi rapidement en revenant ici. C'était idiot, c'était évident qu'il le verrait dès la première réception, puisque Keisuke était un noble et que naturellement, il était invité à chaque réception de la cour.
   Il n'avait presque pas changé depuis tout ce temps. Oh bien sûr, ses traits étaient plus marqués, il avait bien grandi et devait même le dépasser, et ses cheveux avaient poussé. Mais son visage était le même. Ses sourcils épais, arqués et rapprochés de façon à ce qu'ils aient souvent l'air froncés, ses yeux sombres qui pétillaient, sa mâchoire serrée, et ses longues canines blanches semblables à celles d'un chat... C'était exactement pareil que lorsqu'ils étaient jeunes.
   Kazutora n'avait pas pu s'empêcher de l'observer toute la soirée, et pas seulement pour veiller à ce qu'il ne s'approche pas trop de lui. Keisuke était devenu radieux, même s'il avait semblé plus renfermé et calme que dans ses souvenirs, et il avait l'air heureux. Il avait même une fiancée apparemment...
   Kazutora était sûr que Keisuke l'avait reconnu. À l'époque où il vivait ici et qu'il faisait parti de la cour royale, il passait ses journées entières à ses côtés, ils étaient comme les doigts d'une main, rien ne les séparait. C'était impossible que Keisuke ne l'ait pas reconnu. Kazutora pouvait changer d'apparence autant qu'il le voulait, peindre ses cheveux d'une autre couleur, les couper, changer d'iris, de visage, de carrure, il pouvait changer d'identité, même de personnalité. Keisuke le reconnaîtrait toujours. Comme une mère reconnaîtrait la façon dont respire son enfant, Keisuke pouvait reconnaître chaque habitude, chaque minuscule détail, même les plus infimes, qui constituaient Kazutora. Et lorsqu'il avait croisé son regard tout à l'heure, lors de la soirée, il avait vu une étincelle éclaircir soudainement ses yeux, et il avait su que c'était trop tard. Keisuke savait qu'il était de retour.
   Kazutora mourait d'envie de pouvoir lui parler, de le voir et de retrouver sa place dans sa vie, mais il savait que cela était impossible. Keisuke avait refait sa vie, il allait se marier, il ne fallait pas lui attirer de problème. Et puis, Kazutora n'était que de passage, dès qu'il aurait terminé sa mission, il retournera dans sa ville et reprendra ses activités, enfin, en espérant que l'on ne l'ait pas remplacé. Il ne pouvait pas aller voir Keisuke, et même s'il le pouvait, il préférait ne pas le faire. S'ils se reparleraient, Keisuke allait forcément lui poser des questions, et Kazutora voulait tout sauf qu'il apprenne ce qu'il était devenu. Il n'avait pas honte en général, il s'était habitué à sa condition et cela ne l'avait pas gêné de dire à Rindo et Haruchiyo quel était son travail. Après tout, jusqu'à récemment, Rindo n'y connaissait que peu de chose en matière de plaisirs charnels, et puis Haruchiyo était un libertin, alors il était bien plus ouvert de pensées que n'importe qui.
   Mais Keisuke, c'était différent. Il avait bien trop honte, et il ne voulait pas dégoûter son ami. Qu'allait dire son ancien ami s'il apprenait qu'il se vendait auprès d'autres personnes...
   Enfin. Pour l'instant, il avait réussi à l'éviter toute la soirée, il n'avait plus qu'à continuer ainsi. Il avait juste à finir son travail, puis à se volatiliser comme si son retour n'avait jamais eu lieu. C'était simple. Mais avant cela, il devait retrouver sa chambre, car il était à bout de force.
   Il aimerait pouvoir se reposer et souffler un peu, mais pour cela, il devait retrouver sa chambre. Il avait seulement voulu quitter ses quartiers pour partir trouver la bibliothèque et lire un peu avant de dormir, mais évidemment, il avait fallu qu'il se perde, et à présent il ne s'y retrouvait plus du tout.
   Il avait beau errer encore et encore, c'était comme s'il tournait en rond. Les couloirs du château étaient à peine éclairés, seulement par les rayons de la lune qui brillait dehors, alors Kazutora ne voyait presque pas où il mettait les pieds. En plus de cela, il commençait à avoir froid. Les seuls vêtements qu'il possédait était tout léger, son kimono était même transparent, et il n'avait pas pensé à demander à Rindo de lui prêter d'autres kimonos. Alors il ne portait qu'un léger kimono noir à peine opaque, long, large, qui n'était pas plus épais qu'un tissu de soie, avec deux rectangles noirs de tissu qui cachaient son entre jambe et une partie de ses fesses. On pouvait facilement voir son corps nu au travers. Ce n'était pas très réchauffant...
   — Bon sang, combien de temps devrais-je errer ainsi, marmonna Kazutora en traînant des pieds.
   — Votre grâce, appela soudain une voix derrière lui.
   Kazutora sursauta et se tourna vivement, avant de tomber nez à nez avec Senju, qui tenait une chandelle à la main.
   — Que faites-vous ici ?
   Kazutora soupira de soulagement. Ce n'était que Senju, heureusement que ce n'était pas un garde ou l'une des nombreuses servantes du palais. Il aurait été bien embêté.
   — Je me suis perdu, et vous alors ?
   — J'ai entendu vos pas et je dois avouer que j'ai eu peur, dit Senju avec un petit rire. Vous passez et repassez devant ma porte depuis une bonne dizaine de minutes...
   — Oh vraiment ?! Je suis plus perdu que ce que je pensais... Je suis vraiment désolé, je cherche ma chambre, je n'ai aucune idée d'où je suis. Ce château est trop grand, quelle idée de faire autant de couloirs semblables ?!
   — Je ne sais pas où se trouve votre chambre, informa Senju sur un ton d'excuse.
   — Oh... Au moins je sais qu'elle n'est pas ici !
   — En effet ! Dites-moi... pourquoi êtes-vous habillé aussi.. légèrement, demanda Senju en baissant les yeux sur son corps.
   Kazutora l'imita et se sentit vivement rougir. Son corps nu était bien visible à travers son kimono, surtout avec le rayon de lune qui caressait sa silhouette, et la lueur vacillante de la chandelle que tenait la jeune femme... Il n'avait jamais eu aussi honte d'être si peu vêtu.
   — Je... je n'avais... Je suis désolé, c'est un peu embarrassant...
   — Venez.
   Senju fit volte-face et s'éloigna. Kazutora hésita un instant, partagé entre l'idée de fuir et de la suivre, puis il finit par la rejoindre et se laissa conduire jusqu'à sa chambre. Bien... Il avait l'habitude d'être vu nu, à vrai dire lorsqu'il faisait trop chaud, il s'était déjà promené ainsi dans sa ville, mais pour le coup, il était vraiment gêné que Senju, une future reine et la fiancée de son seul ami, l'ait vu ainsi...
   Senju fit entrer le jeune homme dans sa chambre et l'invita à s'asseoir sur son lit. Kazutora s'exécuta sans oser désobéir, il l'a regarda allumer les différentes lampes de la pièce, qui baignèrent alors la chambre d'une délicate lumière dorée, puis Senju disparut un instant dans une pièce reliée à sa chambre, avant de revenir avec une couverture. Elle sourit à Kazutora et vint la déposer sur ses jambes, puis elle s'assit à côté de lui.
— Vous n'avez pas trop froid vêtu ainsi, demanda-t-elle d'un air embêté.
— Un peu. Je n'ai pas pensé à prendre de quoi me vêtir pour errer dans le château, je pensais que je trouverais rapidement mon chemin.
— Je comprends. Je... J'ai passé un très bon moment à vos côtés tout à l'heure, même si vous avez une étrange manière de danser.
— Je ne m'exerce pas beaucoup dans ce genre de danse. Suis-je un si piètre danseur que ç- que cela ?
— Je ne vous qualifierais pas vraiment de piètre danseur, dit Senju d'une voix pensive. Au moins vous n'avez pas marché sur mes pieds, c'est seulement que vous dansez plus de manière... sensuelle que classique. Quelle genre de danse pouvez-vous bien faire au quotidien pour bouger ainsi ?
— Ah si vous saviez... elles sont très... Ça n'a pas d'importance, finit par dire Kazutora avec gêne.
— Oh je vois.
   Mieux valait ne rien dire à Senju. Si Kazutora commençait à lui raconter qu'il se trémoussait et se frotter à toutes sortes de choses, à moitié nu et devant des personnes qu'il connaissait à peine, cela risquait de lui attirer des problèmes. Il ne savait pas comment elle réagirait, ni même si elle était digne de confiance. Et puis ce n'était pas quelque chose qu'il aimait crier sur les toits.
Kazutora lui lança un regard gêné. Elle le dévisageait sans rien dire, dans un étrange silence. Est-ce qu'il devait s'en aller ? Ou dire quelque chose ? Qu'attendait-elle ?
   Partir était sûrement la meilleure des options.
   — Bien, merci pour la couverture, dit Kazutora en esquissant un geste pour se lever.
   — Attendez, dit Senju en le retenant avec une force surprenante pour l'obliger à rester sur son lit.
   — Euh... oui ? Vous vouliez me dire quelque chose ?
   — Je sais que vous n'êtes pas le cousin de Yuzuha, déclara Senju en le fixant.
   Kazutora regarda longuement la jeune femme sans savoir quoi répondre, décontenancé par cette soudaine annonce.
   — Je connais les familles de chaque membre de la famille royale, expliqua Senju en voyant qu'il ne disait rien. Je connais tout le monde, il en est de mon devoir naturellement, et puis je suis très amie avec Yuzuha, elle m'a longuement parlé de sa famille, qui lui tient très à cœur.
   — Oh...
   — Je sais donc que vous n'êtes pas de la famille royale, ni même un noble vu vos manières assez... étrange. En revanche, je suis sûre d'avoir déjà vu votre visage dans un journal. Alors, qui êtes-vous et que faites vous ici ? Je ne vous dis pas cela méchamment, et je ne cherche pas à faire de problèmes. Je veux seulement savoir à qui ai-je affaire.
   Kazutora se mordit la lèvre. Senju ne lui parlait pas avec hostilité, elle n'avait pas l'air vraiment méfiante envers lui, et elle avait plutôt l'air curieuse. Peut-être qu'il ne valait mieux pas lui mentir, de toute façon, elle ne risquait pas de faire du mal à Kazutora. Dans le pire des cas, elle avertirait les gardes demain, mais Kazutora aurait le temps de s'échapper avant.
   Le jeune homme soupira et détourna le regard.
   — En effet, je ne suis pas celui que je prétends être. Mais je suis vraiment un ami de Rindo, et j'ai été un noble. Mon sang est pur si c'est ce que vous voulez savoir.
   — Vous ne l'êtes plus ?
   — Non, j'ai été chassé du pays après avoir tué mon père.
   — Vous avez tué votre père, s'écria Senju en se levant pour s'écarter précipitamment.
   — Oui, j'étais jeune et innocent à l'époque, dit-il d'un ton rêveur.
   — Vous êtes un criminel !
   — Je n'estime pas cet acte comme un crime à vrai dire, c'est plutôt une justice rendue.
   — Comment pouvez-vous dire cela, s'écria Senju en posant la main sur son cœur. Vous avez tué votre père, l'homme qui vous a élevé et donné la vie !
   — Il ne m'a pas élevé, et je ne lui ai jamais demandé qu'il me donne la vie déjà, dit Kazutora avec sérieux. Et il menaçait de prendre ma vie et celle de ma mère.
   — Expliquez-vous, ordonna Senju.
   — C'était un homme violent, il me battait et ma mère aussi. C'était sa vie ou la notre, et j'ai choisi de sauver ma mère, expliqua calmement Kazutora.
   Senju fronça un instant les sourcils, avant d'ouvrir la bouche avec stupeur.
   — Vous êtes l'héritier Hanemiya, Kazutora ? J'ai vu votre nom dans d'anciens journaux.
   — C'est ça. Mais je vous assure que je ne suis pas dangereux, je ne vous tuerais pas.
Votre frère en revanche..., pensa Kazutora d'un air embêté.
Senju le dévisagea longuement, et Kazutora soutint son regard en gardant un visage neutre. Senju devait connaître son histoire, alors peut-être qu'elle allait pouvoir comprendre ses actes et ne plus avoir peur. C'est ce qui finit par arriver, car elle s'approcha de nouveau de lui, avec prudence, et baissa sa main.
   — Mais alors pourquoi êtes-vous de retour ici ? C'est dangereux, dit-elle en fronçant les sourcils.
   Le jeune homme hésita un instant. Il pouvait parler de sa condition et de sa vie, mais il ne pouvait pas révéler les secrets de Rindo. Il allait devoir mentir un peu.
   — Ma mère est décédée et m'a demandé de transmettre une lettre de remerciement à Rindo, car il nous aidait beaucoup à subvenir à nos besoins. Alors je suis venu la lui remettre en personne et il m'a invité à rester un temps ici, inventa Kazutora.
   — Oh... je suis désolée...
   — Ce n'est rien, elle est mieux ainsi.
   Senju hésita, puis elle s'assit de nouveau à ses côtés, bien qu'elle s'installa un peu plus loin de lui que tout à l'heure.
   — Où vivez-vous, demanda-t-elle avec curiosité.
   — Plus ici.
   — Merci je l'avais compris.
— Ah on ne sait jamais... Je vis loin d'ici, mais je ne peux pas vous dire où.
— Vous avez une maison ?
   — Je suppose que l'on peut appeler cela ainsi.
   — Et comment gagnez-vous votre vie ?
   — Je vends mon corps.
   Les yeux de Senju s'exhorbitèrent et elle le regarda avec horreur, comme s'il venait de dire la chose la plus choquante qu'elle n'ait jamais entendu.
   — Mais c'est horrible, s'écria-t-elle d'une voix aiguë. Que vendez-vous ?! Cela doit être terriblement douloureux !
   — ... Pardon ?
   — Vous vendez vos dents ?! Des doigts ?! Des orteils ?!
   Kazutora battit des paupières avec surprise, avant qu'un sourire ne se dessine sur ses lèvres et qu'il commence à rire discrètement.
   — Ou alors vous vendez des organes ?!
   — Mais non enfin ! J'ai toutes les parties de mon corps avec moi !
   — Mais alors que vendez-vous ?!
   — Et bien... Je... Je me vends entièrement.
   — Je ne comprends pas.
   — Là c'est moi qui ne comprends pas. Je me prostitue, c'est assez clair non ?
   — Mais qu'est-ce que cela veut dire ?
   — Vendre son corps ! Je ne sais pas c'est... qu'est-ce qui n'est pas clair ?! C'est le terme, je me prostitue !
   — Je ne sais pas ce que cela veut dire !
   — Oh mon dieu, gémit Kazutora en enfouissant son visage dans ses mains.
   — Désolé de ne pas comprendre ! Comment pouvez-vous vendre quelque chose que vous possédez encore ?!
   Kazutora soupira et releva la tête. C'était la première fois qu'il avait à expliquer à quelqu'un ce qu'était que la prostitution, qu'elle étrange situation...
   — Bon... Senju vous savez ce que c'est que... que le plaisir, n'est-ce pas ?
   — Le plaisir ? C'est aimer quelque chose.
   — Non... Enfin oui mais... Pas ce plaisir là. Vous n'avez aucune idée de ce que c'est que l'acte sexuel ?
   — Non ? Enfin je connais son existence évidemment, c'est avec lui que l'on a des enfants non ? Mais j'ai beaucoup de mal à visualiser, c'est très abstrait pour moi, je n'arrive pas à comprendre ou même à imaginer en quoi il consiste.
   — Oh..., se lamenta Kazutora. Bon alors, je vais devoir vous expliquer un peu pour que vous compreniez mon travail. Par où commencer... Vous avez déjà été amoureuse ?
   — Non jamais, même si je dois avouer que je m'en veux un peu de ne pas aimer mon fiancé, dit Senju d'un air embêté.
   — Vous n'avez jamais désiré une personne ?
   — Qu'est-ce que cela veut dire ?
   — Désirer une personne, c'est vouloir qu'elle nous embrasse, qu'elle nous prenne dans ses bras, qu'elle nous caresse.
   — Oh j'ai déjà désiré Takeomi ! Mes parents aussi !
   — Non, ce n'est pas le même désir. C'est un désir plus intime, c'est personnel et cela concerne une personne que vous appréciez plus que les autres. Enfin généralement. Vous désirez qu'elle vous embrasse à des endroits qu'on embrasse pas généralement, et d'autre chose telles qu'elle...
   — Je ne vois pas vraiment ce que c'est.
   — Et bien... Lorsque vous voyez une personne, vous pouvez l'aimer, être attiré par elle, et alors vous allez vouloir être intime avec elle et partager du plaisir. Senju, qu'est-ce que vous aimez faire dans la vie ?
   Senju leva les yeux, signe qu'elle réfléchissait, puis un sourire se dessina sur son visage.
   — J'adore jouer aux échecs. Enfin, j'aime surtout gagner, et aux échecs cela est particulièrement plaisant.
   — Et qu'est-ce que vous ressentez lorsque vous gagnez ?
   — Je suis très heureuse et satisfaite, c'est très plaisant. Cela illumine ma journée, dit fièrement Senju.
   — Je vois, dit Kazutora en souriant. Alors imaginez cette sensation, ce plaisir, décuplé par cent. Imaginez qu'il devienne si fort qu'il vous submerge complètement, et que vous ne puissiez plus penser qu'à cela, et que pendant quelques instants, vous soyez plongée dans une délicieuse extase, jusqu'à atteindre un moment de jouissance.
   — Cela a l'air merveilleux.
   — Ça l'est. Et je suppose que ça l'est encore plus si vous partagez ce moment avec celui ou celle que vous aimez, dit Kazutora d'un air pensif.
   — Vous aimez quelqu'un ?
   — Je n'ai plus vraiment de personne à aimer.
   — Oh... Vous avez Rindo !
   — Je ne peux pas l'aimer de cette façon, mais oui, lui je l'aime.
   — C'est déjà cela ! Bon et alors, comment pouvons-nous atteindre cette extase, demanda Senju avec avidité.
   — Avec des baisers, des étreintes, des caresses, répondit Kazutora. Vous pouvez le faire seul, mais aussi à deux. Ou à plusieurs. Votre corps est fait pour pouvoir prendre beaucoup de plaisir, il est naturellement disposé à cela, en temps normal du moins. Alors, avec des caresses et des baisers à certains endroits, sur votre poitrine, vos fesses et... surtout entre vos jambes, vous pouvez ressentir beaucoup de plaisir.
   — Mais c'est sale, dit Senju en grimaçant.
   — Non ! Pas du tout, c'est tout à fait naturel Senju ! Si votre corps est propre, tout va bien, et c'est ici qu'il est le plus sensible. C'est aussi là que vous pouvez accueillir un homme en vous.
   — Comment cela ?
   — Vous savez comment est fait le corps d'un homme non ?
   — Oui et puis... je vous ai vu, dit Senju en baissant les yeux sur le torse du jeune homme.
   Kazutora l'imita, puis il sourit d'un air amusé.
   — L'intimité de l'homme est faite pour entrer dans celle de la femme, juste entre vos jambes.
   — C'est dégoûtant !
   — Non ! C'est vraiment naturel, je vous assure qu'il n'y a rien de sale ou de dégoûtant, s'exclama Kazutora.
   — Mais comment un homme peut-il entrer dans une femme ?!
   — C'est... c'est comme lorsque vous mettez un doigt dans une bouche, cela rentre sans problème.
   — Oui mais il n'y a pas d'entrée entre mes jambes.
   — Mais si ! Peut-être que vous ne le savez juste pas, mais si vous touchez délicatement, vous verrez qu'il y a une entrée, et c'est ici que votre futur enfant naîtra, expliqua Kazutora en penchant la tête. C'est douloureux lors de l'accouchement, mais lors de l'acte sexuel, c'est très agréable. Vous n'aurez qu'à essayer lorsque vous êtes seule, et puis vous verrez bien avec Rindo lorsque vous devrez procréer.
   — Oh... Et vous avez aussi cette entrée ?
   — Non, puisque moi je ne peux pas avoir d'enfant. Si un homme veut entrer en moi, il doit le faire par derrière. Ou la bouche mais cela est une autre histoire...
   — Cela doit être douloureux, dit Senju.
   — Oui mais on ne s'en soucie pas pour moi.
   — Oh... Alors c'est cela que vous vendez ?
   — En quelque sorte oui. Je vends mon corps, mes caresses, mes baisers, mes mains, ma bouche. Tout ce que je peux faire et qui donne du plaisir, je le vends, et si je me vends, cela veut aussi dire que l'on peut m'embrasser et me faire toute sorte d'autres choses.
   — Je vois. J'aimerais beaucoup essayer, ça a l'air merveilleux !
   — Oh euh... oui ça l'est...
   — Vous ne voudriez pas me montrer, demanda Senju avec excitation.
   — Pardon ?
   — Me montrer comment faire ! Me donner du plaisir et... tout ce que vous avez dit ?
   Kazutora dévisagea Senju en silence.
   — C'est votre travail non, dit alors la jeune femme en voyant qu'il ne disait rien. Cela ne devrait pas vous déranger ?
   Kazutora détourna le regard sans répondre. Il se leva et replia sa couverture avant de soigneusement la poser sur le lit, et s'éloigna lentement vers la porte de la chambre.
   — Vous ai-je offensé, demanda Senju sans comprendre.
   — Merci beaucoup pour la couverture, dit simplement Kazutora. Je vais retourner chercher ma chambre.
   — Attendez ! Pourquoi ne voulez-vous pas me répondre ? Ai-je dit quelque chose de mal ? Ce n'est pas votre travail ?
   Kazutora s'arrêta devant la porte et se tourna vivement vers Senju, qui s'était levée.
   — Vous pensez que ça me plaît, demanda-t-il d'un ton vif. Que je suis heureux de faire ça et que ça ne me dérange pas ?!
   — Je ne sais pas, cela avait l'air bien... C'est ce que vous me dites depuis tout à l'heure.
— C'est l'acte à lui-même qui est bien, pas vendre son corps.
— Ce n'est pas logique, vous devrez adorer cela puisqu'il!l vous apporte du plaisir.
— ... Pardon ?
— Votre travail ne consiste qu'à cela alors comment pouvez-vous ne pas aimer ?
   — Cela n'a rien de bien, c'est la chose la plus humiliante que vous puissiez faire, dit Kazutora avec un regard noir. J'ai été humilié toute ma vie, d'abord par mon père, et maintenant parce ceux qui me font vivre, mais la différence, c'est que j'ai choisi cette humiliation. Vous n'avez aucune idée de ce que c'est que de se vendre.
   — Comment pourrais-je le savoir ?! Vous me parlez de ça comme de quelque chose d'incroyable et maintenant vous me dites que ça ne l'est pas, dit Senju avec colère. Pourquoi faites vous cela alors ?! Vous avez qu'à ne pas vous vendre et arrêtez de vous plaindre !
   — Parce que mon corps est la seule chose que je possède, s'écria Kazutora avec colère. Parce que je suis beau et désirable, c'est la seule chose que je puisse faire pour survivre. Parce que moi, contrairement à vous, je ne suis pas né dans la bonne famille ! Je dois subvenir moi-même à mes besoins, alors je dois faire tout ce qu'il y a de plus humiliant pour vivre !
   — Il y a d'autres moyen de survivre, se défendit Senju. Vous vous êtes mis tout seul dans cette situation, alors qu'il y a beaucoup de moyens de subvenir à ses besoins !
   — Tous les moyens sont bons à prendre lorsque vous voulez survivre, cria Kazutora avec fureur. Vous aspirez à devenir la reine du Japon mais vous ne connaissez même pas votre peuple, et par peuple j'entends aussi les plus pauvres d'entre nous, pas seulement les nobles qui ne sont que des personnes oisives et ne font rien d'autres que de se rendre à des bals ! Je ne suis pas le seul à faire cela, loin de là, et des enfants bien plus jeune que moi le font aussi ! Il y a d'autres moyens de survivre ? Oh mais alors dites-moi lesquels, j'aimerais vraiment le savoir. Si je volerais vous me diriez qu'il y a aussi d'autres moyens plus dignes de vivre, et figurez-vous que trouver du travail comme ça n'est pas aussi simple. À quinze ans, lorsque vous n'avez aucune formation artisanale, personne n'accepte de vous faire travailler, et les seuls qui vous acceptent sont ceux qui vous veulent nu dans leur lit. Oh et une fois atteint les vingt ans, ou même simplement la majorité, toute votre ville sait déjà que vous n'êtes qu'une traînée et plus personne ne peut vous offrir du travail !
— Vous extrapolez, réplique Senju en levant les yeux au ciel. Qui voudrait d'un enfant de quinze ans dans son lit ?
— Je n'arrive pas à y croire, dit Kazutora avec un rire dépourvu de joie. Je savais que les nobles vivaient dans leur monde sans se soucier du reste du peuple, mais je ne pensais pas que c'était à ce point.
— Vous êtes en train de dire que je ne me préoccupe pas de mon peuple ?!
— Oui, oui c'est exactement ça !
— Je connais mon peuple ! Je m'en occupe et je le protège !
— Vous êtes naïve Senju, s'écria Kazutora en faisant un pas vers elle. Vous êtes naïve, stupide et complètement aveugle. Vous vivez dans votre monde et vous ne savez rien de la réalité qui vous entoure ! Ouvrez les yeux sérieusement, vous croyez vraiment que chaque Homme est droit ? Oh et par Homme je veux dire l'Homme avec un grand H, parce que les femmes sont tout aussi pire que les hommes, et qu'il faut comprendre les riches et les pauvres. Vous croyez vraiment que personne ne veut d'un enfant de quinze ans ? Sérieusement ?
— C'est pervers de le désirer !
— Les Hommes sont pervers Senju ! Bien sûr qu'il y aura toujours quelqu'un qui sera prêt à prendre un enfant dans son lit, vous n'imaginez pas le nombre de fantasmes malsains qui existent ! Vous croyez que je suis le seul à faire ça et à avoir commencé aussi tôt ? Très bien, alors sortez un peu de votre palais et allez dans les villes pauvres de votre royaume, et vous verrez que des prostitués et des personnes dans le besoin, il y en a partout et de tous les âges ! Vous voulez devenir une bonne reine et vous ne connaissez même pas votre pays, ria Kazutora d'un air dédaigneux.
— Je connais mon pays, dit Senju en le fusillant du regard. J'ai seulement du mal à vous comprendre, vous êtes illogique. Pourquoi n'aimez-vous pas vous prostituer alors que cela procure de délicieuses sensations ?
Kazutora dévisagea la jeune femme d'un air incrédule, avant d'éclater d'un air cynique.
— Qu'y a-t-il de drôle ?!
— Je n'ai jamais vu une femme aussi naïve et stupide que vous. Même Rindo a pu comprendre ça, alors qu'il ne connaissait presque rien au sexe.
— Et moi je n'ai jamais vu un homme aussi méprisant et incompréhensible que vous, répliqua Senju en croisant les bras contre sa poitrine. Vous ne répondez même pas à mes questions, et après vous vous indignez que je n'y connais rien. Je ne peux pas deviner les choses.
   — Mais bien sûr que si, vous n'avez qu'à réfléchir ! Vous pensez vraiment que c'est plaisant de s'offrir à n'importe qui ?! Vous voulez savoir pour je n'aime pas me prostituer alors que c'est un travail de plaisir ?! Tout simplement parce que moi je ne ressens rien de plaisant, ça ne me procure aucune délicieuses sensations ! Pas à moi, seulement à mes clients et à tous les autres ! Vous voyez ce vêtement que je porte ? Il est indécent, et il laisse voir mon corps, mais ça leur plaît et je suis obligé de le porter. Je peux même me promener dehors, comme cela, à peine vêtu, et tout le monde aimera. Les gens de ma ville savent tout ce que je fais, ils me regardent tous avec envie, et lorsqu'ils me voient sortir ainsi, ils aiment ça, et ils me donnent de l'argent ! Ils aiment me voir vivre à peine vêtu, me promener ainsi et me regarder de haut en bas, scruter chaque détail de mon corps et même me toucher s'ils le veulent, parce que ce n'est plus mon corps, c'est le leur. Il leur appartient et je ne possède plus la seule chose que je devrais posséder.
   Kazutora sentit des larmes envahir ses yeux et il serra les poings.
   — Vous pensez que j'aime cela ? Me balader presque nu et devoir agir de façon à être le plus séduisant possible, n'être plus qu'un objet de fantasme et de plaisir aux yeux de tous ? Et mes clients... alors là c'est une autre histoire. Je peux aller chez eux et passer la journée entière sans aucun vêtement, les embrasser, les toucher, les caresser, et tout ce qu'ils souhaitent ! Ils peuvent me faire danser, abuser de moi autant qu'ils en ont envie, me confier à leurs amis ou même à leurs serviteurs, et leur dire de faire ce qu'ils veulent de moi ! Vous vouliez savoir quelle danse je faisais tout à l'heure ? Et bien voilà, vous le savez maintenant ! Je danse d'une façon si provocante qu'il serait interdit de me regarder, je me dévêtis à chaque mouvement, je dois me frotter contre n'importe qui passe devant moi, contre des meubles, des murs, des canapés, ou juste me mettre sur le sol et bouger mon bassin dessus dans tous les mouvements les plus obscènes qui puissent exister ! Ils peuvent me faire mal, me faire pleurer et crier, me frapper, m'attacher et me posséder à plusieurs, tout ce qu'ils veulent tant qu'ils me donnent de l'argent. Et vous pensez que j'aime cela, murmura Kazutora d'une voix tremblante.
   Il regarda longuement Senju, dont le visage était tout bouleversé, puis il secoua et battit des paupières.
   — Vous n'êtes pas la première à me demander des services, je ne vous en veux pas, j'ai l'habitude, dit-il en se détournant pour ouvrir la porte. Et puis je sais que vous dites ça car vous n'y connaissez rien... Si vous voulez vraiment que je vous donne du plaisir, vous allez devoir payer, comme tout le monde.
   — Non Kazutora, je ne voulais pas...
   Le jeune homme n'attendit pas qu'elle termine sa phrase et sortit de la pièce, avant de claquer la porte derrière lui.
   Des larmes brisèrent la barrière qu'il s'était construite et tombèrent sur ses joues, traçant de fraîches lignes sur sa peau. Il serra la mâchoire pour se retenir de sangloter, les poings contractés, et marcha aussi vite que possible dans le couloir. Il trottinait presque, les pans de son kimono volaient dans de grands mouvements autour de lui et le vent s'engouffrait dedans, mais Kazutora n'y prêta pas attention. Bizarrement, il reconnut soudain les couloirs dans lesquels il était, et put se diriger vers un large escalier de marbre. Il dévala les marches à la volée, descendit aussi bas que possible, et se mit à courir dans le hall. Il ignora les gardes royaux postés un peu partout, qui le dévisageaient avec des yeux ronds, et poussa la première porte ouverte qu'il trouva pour sortir dehors. Le vent glacial de la nuit le frappa aussitôt et il sentit son sang figé dans ses veines. L'effet du froid était instantané, il était presque nu face à la neige réfrigérante, son corps allait sûrement se couvrir de givre et devenir une statue de glace s'il restait immobile dans la tempête.
   Prendre un cheval à l'écurie ne lui vint pas à l'esprit, alors il se mit à courir dans les longs jardin, interminable, mystérieux et construit en désordre ordonné, jusqu'à atteindre les portes de la cour. Par chance, les gardes eurent la présence d'esprit de lui ouvrir les portes et il put alors s'échapper sans même même avoir à s'arrêter. Il n'était pas de la famille du roi alors il n'était pas obligé de rester ici, et s'il n'était qu'un intrus, il s'échappait et la question était réglée. Les gardes n'avaient pas à le retenir ici, il n'était personne après tout.

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Vive zouzou qui se laisse pas faire et qui se rebelle 🤺
Vraiment je l'aime d'amour cet homme 🤧

Zoubi zoubi :)

ÉpistolaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant