Étreintes de plaisir

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   Cela c'était passé il y avait des années, lorsque Rindo n'était encore qu'un enfant d'à peine dix années. À cet âge là, il ne connaissait pas encore tous les membres de la cour royale, ou même de la bonne société, il n'en connaissait que quelques uns, les plus intimes. Et parmi eux, il avait connu le clan Hanemiya. 
   C'était un très grand clan, l'une des plus riches et influents. Il habitait non loin du domaine des Baji, et les deux clans avaient toujours été très liés. Ils n'avaient qu'un seul enfant et héritier, et c'était Kazutora. Rindo s'était toujours très bien entendu avec lui, il se souvenait très bien de l'enfance qu'ils avaient partagé. Kazutora était une personne très discrète autrefois, il parlait peu, jamais de lui, et il était aussi très timide. Rindo l'avait toujours apprécié.
   Les Hanemiya étaient très secrets, et si devant la bonne société ils affichaient toujours un sourire radieux et une bonne entente, ce n'était en réalité qu'une façade. Un jour, des rumeurs avaient commencé à se répandre, selon lesquelles le duc serait un homme violent avec sa femme et son enfant, rien n'avait jamais été confirmé, mais les rumeurs avaient persisté, jusqu'à ce qu'un drame se produise.
   Kazutora avait tué son père. Le duc de Hanemiya avait été retrouvé mort dans ses appartements, une plaie béante dans le cou. Le meurtre avait été sanglant, les draps, les tapis et les meubles étaient couverts de rouge. Kazutora n'avait pas nié ses crimes, et sa mère avait confirmé les faits, la seule explication qu'ils avaient donné pour ce meurtre était « Nous avons pris sa vie pour vivre la notre. ». Aucun autre explication. À l'époque, ce drame avec fait scandale et cela avait alimenté les rumeurs sur la violence au sein de ce clan. Au vu de l'influence et le statut des Hanemiya, le roi avait choisi de ne pas les accabler de peine, et les avait seulement banni du royaume.
   Cela faisait plus de douze ans que Kazutora et sa mère avaient quitté le pays, personne ne savait où ils vivaient vraiment, même Rindo, qui avait fait de son mieux pour rester en contact avec lui. C'était par le biais de plusieurs personnes qu'il lui transmettait ces lettres, et aujourd'hui, Kazutora revenait enfin au pays.
En douze ans il avait bien changé, il était même méconnaissable. Son visage s'était affiné pour laisser d'élégants traits apparaître, sa mâchoire était plus marquée, et puis il avait bien grandi. Il dépassait Rindo de quelques centimètres, ses cheveux de jais avaient poussés, il les avait noué en deux longues tresses qui tombaient jusque sur son ventre, en laissant uniquement deux mèches lisses tomber autour de son visage. Et le plus surprenant, des lignes sombres semblaient ancrées sur la peau de son cou, et formaient une étrange peinture de tigre. Rindo n'avait jamais vu cela.
Il avait tant changé qu'il était presque impossible de le reconnaître, revenir ici après douze années d'exil ne devrait pas le mettre en danger, personne ne soupçonnerait sa véritable identité.
— Bien, dit doucement Kazutora en se relevant. Je sais que la coutume interdit de toucher son futur roi, pour garder la... pureté de son corps, mais étant donné que je ne vis plus ici, vous n'êtes plus mon futur roi donc je peux vous étreindre ?
   Rindo sourit en entendant le jeune homme insister sur le mot pureté, le regard plein de sous-entendus, et s'approcha de lui pour le prendre dans ses bras.
   — Oui vous le pouvez, dit-il en enlaçant Kazutora. Je suis tellement heureux de vous revoir, vous avez tant changé.
   — Mais vous aussi ! Enfin, vous avez toujours le même regard, mais vous êtes devenu éblouissant !
   — Je vous retourne cela, vous êtes magnifique, sourit Rindo avant de lâcher son ami. Le voyage s'est bien passé ?
   — Oui, je n'ai pas eu de problème.
   — Parfair. Oh je dois vous présenter ! Évidemment vous connaissez déjà mon frère, Ran, dit Rindo en se décalant pour que Kazutora puisse voir Ran.
Kazutora s'inclina aussi bas que possible devant lui, puis Ran se leva et s'avança vers lui.
— Je suis ravi de vous revoir Kazutora, je ne m'attendais pas à ce que Rindo vous fasse venir ici, dit Ran avec un sourire. Vous avez bien changé.
— J'ai pris un chemin différent du vôtre, répondit Kazutora en penchant la tête. J'ai appris que vous étiez roi et que vous attendiez un enfant, félicitations !
— Oui c'est cela, vous devriez passer dans mon royaume un jour, là-bas vous ne risquerez rien.
— Oh un débauché tel que moi ferait mieux de rester loin des familles royales, répliqua Kazutora avec un sourire.
— Comment va votre mère ?
— Elle n'est plus de ce monde, mais je pense qu'elle était heureuse.
— Mes condoléances.
— Ce n'est rien, la mort fait partie de mon entourage.
— J'aimerais mieux qu'elle n'en fasse pas partie, répliqua Rindo.
— Mieux vaut l'avoir en allier, non ? Je préfère choisir sa venue plutôt que ses arrivées par surprise, dit simplement Kazutora.
— Alors ne choisissez pas sa venue trop tôt je vous prie, déclara Rindo. Bien, je suppose que vous vous souvenez également de Seishu, mon ami.
— Comment oublier le magnifique Seishu, s'exclama Kazutora en se précipitant vers lui avec joie. Vous n'avez presque pas changé mon cher, on croirait voir un ange !
— Vous au contraire vous avez l'air d'un vrai petit diable ! Je suis heureux de vous retrouver, dit Seishu en le serrant dans ses bras avec affection. Comment allez-vous ? Vous prenez soin de vous ?
— Enfin, je prends toujours soin de moi, vous me connaissez, dit Kazutora d'un air entendu.
— Errer dans les bas quartiers, ce n'est pas ce que j'appelle prendre soin de soi, dit Rindo en levant les sourcils.
— Oh ne vous en faites pas pour moi.
— Tant que vous êtes prudent, c'est l'essentiel...
   — Vous avez les joues bien creuses, constata Seishu en prenant le visage de Kazutora entre ses mains. Oh et votre mâchoire s'est tellement dessinée, vous aviez les joues toutes rondes auparavant ! Et puis qu'avez-vous dans le cou ?!
   — On appelle ça un tatouage, répondit le jeune homme en se dégageant de Seishu avec gentillesse. Bien, qui sont les deux autres hommes ?
   — Oh oui, je ne sais plus si vous avez déjà rencontré Hajime, dit Rindo.
Kazutora se tourna vers Hajime et le regarda un instant, puis les deux jeunes hommes s'inclinèrent l'un devant l'autre.
— Votre visage ne me revient pas, dit Kazutora d'un air pensif.
— Nous n'avons jamais dû nous rencontrer. Je suis du clan Kokonoi. Je suis arrivé tardivement.
   — Et je suis parti précocement, nous avons dû nous louper de peu, plaisanta Kazutora.
   — Malheureusement !
   — Et je suppose que vous devez être Haruchiyo, dit Kazutora en revenant près de Rindo et son amant.
   — C'est cela, dit Haruchiyo avec un petit sourire.
— Haruchiyo, je vous présente Kazutora, dit Rindo. Il est l'héritier du clan Hanemiya, le sixième grand clan du pays, je ne vous en avais jamais parlé. Il a quitté le pays dans son enfance suite à un drame familial.
   Kazutora pencha la tête et fixa un instant le jeune homme, avant de curieusement lui tourner autour, sous le regard intrigué de ce dernier. Rindo le regarda simplement faire, un petit sourire amusé au visage.
   — Vous avez de belles cicatrices, finit par dire son ami.
   — Oh, merci, répondit Haruchiyo avec surprise. Vous avez un beau tatouage.
— Vu la douleur qu'il m'a causé, il a intérêt à être beau. C'est donc vous l'heureux élu du cœur du futur roi du Japon. Vous êtes étrangement bien assortis. Je suppose que vous êtes un homme de lettres ?
   — C'est cela, je suis penseur avant tout. Et j'ai cru comprendre que Rindo affectionnait particulièrement cela.
   — En effet. Il est aussi un excellent professeur de littérature, dit Rindo en posant sa main sur l'épaule de son amant, avec un regard plein de sous-entendus.
   — Je n'en doute pas, dit Kazutora. Bien alors, qu'attendez-vous de moi ?
   — Je fais l'objet d'une surveillance très poussée de la part de Takeomi, le précepteur de Senju, qui est ma fiancée. Il se doute que quelque chose se passe et je ne pense pas qu'il nous laisse faire encore longtemps. Vous êtes le seul à pouvoir nous venir en aide sans que cela ne paraisse suspect.
   Kazutora croisa les mains dans son dos un instant et fit quelques pas, avant de soudain passer sa main sous son kimono et d'en tirer une longue lame d'argent.
   — Faut-il que je...
   — Enfin non, s'exclama aussitôt Rindo. Il ne faut faire de mal à personne, vous ne pouvez pas supprimer Takeomi !
   — Comme vous le voulez, dit Kazutoraen rangeant son poignard avec indifférence.
   — Je pense que la meilleure solution serait de manipuler Takeomi pour le pousser à annuler le mariage, dit Seishu d'un air pensif.
   — Il faudrait un véritable scandale pour annuler le mariage, répondit Hajime. Cela pourrait discréditer la famille royale, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
   — De toute façon, Rindo soit se marier, dit Ran. C'est impératif, il te faut une reine, et au moins un fils. Même si tu ne le veux pas, c'est ton devoir.
   — Je sais, soupira Rindo. Je ne comptais pas annuler le mariage, seulement... Il faut trouver une solution pour que Takeomi m'oublie et ne se préoccupe plus de moi.
   — Nous n'avons qu'à lui trouver une femme, dit joyeusement Kazutora.
   Rindo le regarda avec désespoir.
   — Ce n'est pas l'amour qui lui fera oublier ses devoirs, expliqua Ran en riant.
   — Vous n'avez qu'à séduire Senju, dit simplement Hajime. Ainsi, elle aussi aura un amant, Takeomi ne pourra plus rien dire, et votre mariage sera agréable.
   C'était sans doute la meilleure solution, mais Rindo ne pouvait pas accepter cela. Il était peut-être forcé de partager sa vie avec une femme qu'il n'avait pas choisi, mais il ne voulait pas obliger Kazutora à faire de même. Il ne pouvait pas le forcer à séduire Senju juste pour son propre bénéfice, et même s'il était d'accord, ce n'était pas éthique. C'était injuste de se jouer de la sorte de Senju, c'était irrespectueux, et si elle devait avoir un amant, elle méritait d'avoir quelqu'un qui l'aime réellement.
   — C'est irrespectueux de faire cela, ce n'est pas vertueux, soupira le jeune homme.
   — Senju est une belle femme, cela ne doit pas être déplaisant d'être son amant, dit Ran.
   — À quoi ressemble-t-elle au fait, dit Kazutora avec curiosité.
   — Son visage ressemble à un mélange de celui de Haruchiyo et Seishu, dit Ran.
   — Vous la rencontrerez sûrement, prévint Rindo.
   — Je veux bien être son amant à condition d'être payé, logé et nourri, déclara Kazutora en posant ses mains sur ses hanches.
   — Et qui vous dit qu'elle veut de vous, demanda Ran avec amusement.
   — Mon expérience. Une fois qu'elle m'a vu nu, aucune femme ne me résiste, dit solennellement Kazutora.
   — J'aimerais que vous laissiez Senju rester pure, dit Rindo. Lui retirer sa vertu ne ferait que nous attirer davantage de problèmes avec Takeomi...
— Bien. Annuler le mariage n'est pas faisable, et nous ne pouvons pas créer une fausse relation entre Kazutora et Senju, résuma Haruchiyo. Je pense que la solution la plus simple serait que Kazutora devienne ami avec Takeomi, et qu'il le manipule de sorte à ce qu'il laisse Rindo tranquille.
— Oui mais comment le manipulerait-il, demanda Rindo avec perplexité. Quels arguments pourrait-il lui donner ?
— Et bien... que Takeomi a tout intérêt à vous laisser agir, ainsi que Senju, comme vous le souhaitez. Je suppose que si cela venait à se savoir que vous avez un amant, ce serait surtout la famille de Senju qui serait humiliée. Et puis, si vous êtes tous les deux libres d'avoir des amants, votre mariage et règne auront plus de chances de bien se dérouler, c'est bénéfique.
— Je suis d'accord avec Haruchiyo, déclara Hajime. Vous forcer à être fidèle ne ferait que faire naître une tension entre vos deux familles respectives, le mieux serait de faire comprendre à Takeomi qu'il n'a pas à intervenir, et que s'il y a un problème, c'est à Senju de le régler. C'est de son mariage qu'il s'agit, elle est votre fiancée après tout.
— Avez-vous déjà songé à parler de tout cela à votre fiancée, questionna Seishu.
Rindo dodelina de la tête. Il n'avait jamais pensé à lui dire qu'il avait un amant, et pourtant, il avait eu de nombreuses occasions. Il n'avait même jamais pensé à lui dire qu'il aimait les hommes, cela serait inutile et puis Senju pouvait mal réagir... En réalité, il ne parlait que très peu à sa fiancée. Il ne savait jamais de quoi converser avec elle, leurs seuls échanges se résumaient à l'actualité autours d'eux, ce n'était pas fameux... Mais pour sa défense, elle non plus ne lui parlait pas, et cela n'avait pas l'air de la déranger
— Peut-être qu'elle aussi a un amant, dit Ran d'une voix songeuse.
— Tu penses, dit Rindo avec étonnement.
— C'est possible effectivement, dit Hajime. Peut-être que si vous en parliez avec elle, vous pourrez parvenir à un accord ?
— C'est trop risqué, si jamais elle n'en a pas et qu'elle refuse votre liaison, cela posera de gros problèmes, dit Seishu.
— Nous n'avons qu'à mener une enquête en la surveillant, pour voir si elle a un amant, proposa Ran. Je peux charger Izana de le faire.
— C'est une bonne idée, et en attendant, nous allons faire comme Haruchiyo a dit, décida Rindo. Kazutora, avez-vous compris ?
— Oui, je ferais de mon mieux pour mener à bien cette tâche, dit Kazutora en penchant la tête.
— Si vous parvenez à faire cela, vous serez un véritable héros, soupira Rindo.
— Je me ferais une joie d'être le héros de votre liaison, s'exclama Kazutora en souriant. Quand dois-je commencer ma mission ?
— Dès ce soir. Il y a une réception chez les Sano, à laquelle nous nous rendons tous. Senju y sera, ainsi que Takeomi naturellement, expliqua Rindo. D'ailleurs, où comptez vous loger ?
— Je devrais pouvoir trouver un hôtel dans la ville.
— Vous pouvez rester ici, le palais est si grand que personne ne remarquera votre présence, et les femmes de chambre sont facile à faire taire, dit Rindo.
— C'est une offre que je ne peux refuser, répondit Kazutora en souriant.
— Parfait. Allez dans l'aile nord, elle est très peu utilisée et vous serez en paix là-bas. La cérémonie commence à vingt-heure, tenez vous près à cette heure-là. La soirée ne sera pas de tout repos.
— Oh j'adore les soirées mondaines, s'écria Kazutora en tapant des mains, sautillant sur place. Qui sera présent ?!
— Les aristocrates, la haute société... La famille Sano, Baji, Hanagaki, je ne sais pas si vous vous en souvenez mais Takemichi s'est marié à Hinata, de la famille Tachi-
— Attendez, coupa soudain Kazutora en perdant son expression enjouée. Keisuke sera là ?
— Oh vous vous souvenez de lui ! Bien sûr qu'il sera là, affirma Rindo.
— Alors je ne peux pas venir, je refuse de le croiser.
— Mais pourquoi, il était votre meilleur ami, dit Seishu sans comprendre.
— Je ne veux pas le voir.
— De toute façon il ne vous reconnaîtra certainement pas, dit Ran. Nous cacherons votre grain de beauté et votre... tatouage, c'est cela ? Vous avez tant changé qu'il est impossible de vous reconnaître.
— Keisuke pourrait me reconnaître même si j'étais défiguré, que je portais un masque et que j'étais dos à lui, assura Kazutora.
— À ce point-là, dit Haruchiyo avec surprise. C'est un peu exagéré non ?
— ... Non je suis très sérieux.
— De toute façon il n'était pas prévu que vous croisiez Keisuke, dit Rindo pour couper fin au débat. Nous ferons tout pour que vous ne croisiez personne, ni Keisuke, ni Manjiro, ni quiconque pourrait vous reconnaître et nous attirer des ennuis. Kazutora, vous devez absolument être présent ce soir.
— Et puis si vous ne venez pas, cela veut dire que vous devrez rester ici plus longtemps, intervint Hajime. Votre séjour sera prolongé et le risque que vous soyez reconnu augmentera, nous ne pouvons pas vous cacher indéfiniment.
Kazutora croisa les bras et hésita un instant, avant de finir par soupirer.
— Très bien alors je viendrais. Mais je vous avertis. Si je croise quelqu'un qui me reconnaît et me pose des questions sur ma vie, je disparais de nouveau et vous n'entendrez plus parler de moi.

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