Rindo leva une étoffe d'un intense violet satiné et la posa sur sa poitrine dénudée, puis de sa seconde main, il leva un tissu de jade aux reflets argentés, et le posa près de l'autre étoffe. Il les compara un instant d'un air dubitatif. Les deux couleurs étaient magnifiques, il avait un penchant pour le violet, qui était sa couleur préférée et celle de la pierre précieuse qu'il trouvait la plus somptueuse, mais le tissu vert semblait mieux lui aller. Il le rendait plus lumineux et lui faisait un meilleur teint, tandis que le violet le ternissait et faisait ressortir ses cernes.
Rindo ne s'intéressait pas plus que que cela à l'art de la couture et aux toilettes qu'il portait, mais un membre de la famille royale devait toujours être parfaitement apprêté. Il devait porter de longs kimonos dotés d'une longue traîne, le décolleté du col ne devait jamais descendre sur la poitrine pour les hommes, et sous la poitrine pour les femmes, et les vêtements devaient être faits en fonction de la colorimétrie de la personne. C'était des règles à respecter, ainsi, Rindo ne pouvait pas mettre n'importe quel vêtement. S'il choisissait un tissu qui ne lui allait pas, il allait paraître malade aux yeux de son peuple, un simple petit détail tel quel pouvait faire naître de grosses rumeurs.
— Lequel me va le mieux, questionna Rindo en levant les yeux pour croiser le regard de son amant dans le miroir devant lui.
Haruchiyo était lové contre lui, juste derrière lui, il entourait sa taille de ses bras et avait posé sa tête sur son épaule, il le contemplait silencieusement depuis quelques minutes.
— Vous savez quelle couleur vous va à ravir ?
— Non ?
— Celle qui n'existe pas. Vous n'avez pas besoin d'étoffes, dit joyeusement Haruchiyo en embrassant sa joue.
— Haruchiyo enfin ! Aidez-moi à choisir, je dois me préparer pour ce soir.
— Je vous trouve splendide dans tous les cas mon cher.
— Vous ne m'êtes pas d'une grande aide, dit le jeune homme en souriant.
— Vous m'en voyez navré.
— Je pense que je vais choisir le tissu de jade, le kimono de cette couleur est magnifique en plus de cela.
— Je pense que c'est cette couleur qui vous va le mieux.
— Vous n'auriez pas pu le dire directement ?
— Je vous trouve joli lorsque vous êtes en pleine réflexion.
— Dois-je comprendre que je ne le suis pas en temps normal ?
— Vous êtes toujours d'une parfaite beauté, rassura Haruchiyo en embrassant la tempe du jeune homme. Je voulais juste dire que lorsque vous réfléchissez, votre visage prend une délicate expression que j'affectionne particulièrement.
Rindo rougit légèrement mais il sourit à son visage amant à travers le miroir.
— Vous me flattez, dit-il alors que Haruchiyo continuait de l'embrasser.
— J'adore vous flatter, répliqua Haruchiyo en déposant des baisers avec plus de vigueur.
— Haru arrêtez ! Je dois me préparer, et vous aussi, nous avons une réception !
— Vous voulez vraiment sortir alors que votre corps est si mal en point ?! Vous tenez à peine debout, vous êtes couverts de bleus, et votre pauvre poitrine est toute rougie !
— À qui revient la faute, s'exclama Rindo en riant.
— C'est de votre faute ! Vous me tentez ! Vous êtes un véritable péché de luxure, dit Haruchiyo en caressant le ventre nu du jeune homme.
— Je ne le suis qu'à vos yeux, vous êtes le seul à me sauter dessus dès que vous en avez l'occasion, répliqua Rindo.
— Il y a intérêt, je déteste partager.
Rindo laissa tomber au sol les tissus qu'il tenait contre son corps, se retrouvant de nouveau entièrement dénudé, et se tourna pour faire face à son amant. Il rapprocha son corps du sien et passa ses bras autour de son cou, avant de le regarder avec un petit sourire.
— En tant que futur roi, je me dois de tout partager avec mon peuple.
— Heureusement que je ne suis pas roi alors, je pourrais vous garder pour moi seul.
— Sauf que je ne vous appartiendrais jamais totalement, je suis déjà fiancé, rappela Rindo en caressant les cheveux de son amant.
— Ce n'est qu'un mot, c'est superficiel, cela n'implique rien de réel. Vous avez choisi d'être mien alors vous n'appartiendrez jamais à quelqu'un d'autre. Peut-être qu'aux yeux du peuple, je devrais vous partager, mais dans notre réalité, vous ne serez qu'à moi, rien qu'à moi.
Haruchiyo souleva délicatement le jeune homme par les cuisses et l'allongea sur le lit pour se mettre à quatre pattes au-dessus de lui.
— Vous êtes mon futur roi, mon homme, mon meilleur ami, et surtout, mon amant. Vous êtes tout ce que vous pouvez être, dit-il avant de déposer ses lèvres sur les siennes.
Rindo entoura sa nuque de ses bras et l'attira contre lui en répondant à son baiser, avant de passer ses jambes autour de sa taille et de le serrer contre lui. Haruchiyo approfondit leur baiser, avant d'embrasser sa gorge, puis de venir déposer ses lèvres sur la pointe de ses tétons.
— Haruchiyo, nous devons vraiment nous préparer, rappela Rindo en rougissant légèrement.
— Je ne fais que vous embrasser, je soigne vos morsures.
Rindo ne répondit pas et regarda Haruchiyo sucer avec douceur sa poitrine. Ses mouvements de bouche étaient lents, il faisait attention à ne pas le mordre, parfois il l'embrassait, avant de sucer de nouveau sa chair. Il lui donnait de petits coups de langue et jouait avec la pointe de sa poitrine, et Rindo avait beaucoup de mal à savoir s'il cherchait à l'exciter ou non. C'était terriblement plaisant, jusqu'à présent, Haruchiyo ne s'arrêtait jamais plus que cela sur sa poitrine, il l'embrassait, bien sûr, mais ce n'était qu'une étape passagère sur le chemin entre ses lèvres et son entrejambe. Mais maintenant qu'il s'arrêtait vraiment ici et qu'il prenait le temps de couvrir de douceur cette partie de son corps, c'était comme si elle s'éveillait soudain. Rindo savait déjà qu'il pouvait ressentir du plaisir de cette manière, mais il n'aurait jamais pensé que cette zone de son corps puisse être si érogène...
— Vous aimez cela, constata Haruchiyo avec un sourire.
— Je vous en supplie, continuez...
— Avec plaisir mon amour.
Rindo ne put s'empêcher d'inverser leur position. Il monte à quatre pattes au-dessus de son amant, plaçant sa poitrine sur sa bouche, et se cambra de plaisir. Haruchiyo sourit et reprit l'un de ses tétons en bouche pour le sucer avec envie, tout en posant ses mains sur les fesses du jeune homme.
C'était une exquise sensation, Rindo peinait à comprendre comment il pouvait sentir autant de plaisir avec un seul et simple toucher. Et pourtant, il avait l'impression d'être plongé en pleine extase. Ses joues s'étaient teintées de rouge et sa vue était devenue trouble, c'était comme s'il était pris d'un long orgasme, plus doux que d'habitude, plus délicat, et c'était une merveilleuse sensation. Rindo émit un faible gémissement de plaisir et baissa les yeux sur Haruchiyo.
Celui-ci avait fermé les yeux, ses joues aussi étaient rouges, et il semblait aussi beaucoup aimer cela. Rindo ouvrit la bouche pour gémir de nouveau, mais la porte de la chambre s'ouvrît soudain et quelqu'un entra. Rindo et Haruchiyo se figèrent immédiatement et tournèrent le regard vers la personne qui venait d'entrer, sans même oser changer de position.
Kazutora se tenait sur le seuil de la porte, sa main encore posée sur la poignée de la porte, et les dévisageait d'un air à la fois choqué, et à la fois surpris. Son regard parcourait curieusement le corps nu de Rindo, il ne semblait pas le moins du monde gêné de le regarder ainsi, encore moins de regarder les parties les plus intimes de son corps. C'était presque comme s'il allait s'approcher d'eux pour les inspecter sous toutes les coutures.
— Kazutora, dit Rindo avec gêne.
— Je vais... effacer cette image, pour le moins perturbante, de mon esprit..., dit Kazutora avant de se détourner lentement d'eux.
Il fit quelques pas vers la porte et sortit, avant de soudain se retourner vers eux.
— Mais pourquoi diable êtes-vous en train de sucer sa poitrine comme un enfant au sein de sa mère, ne put-il s'empêcher de demander.
— Kazutora, s'exclama Rindo en se redressant vivement.
— Rindo, s'écria Haruchiyo en l'imitant pour tenter de cacher son corps nu.
— Oh ce n'est qu'un corps, nous avons tous les trois le même.
— Je suis un peu plus robuste que vous, répliqua fièrement Kazutora.
— Kazutora...
— Mais vous restez magnifique sans aucun doute ! Vous avez de très belles fe-
— Sortez tout de suite de ma chambre !
Kazutora s'empressa de sortir et claqua la porte derrière lui. Rindo sortit du lit et regarda avec gêne son amant, sans savoir quoi dire. Mais il n'eut pas le temps de parler que la porte s'ouvrît de nouveau, et Kazutora entra une fois de plus.
— Je tiens à dire que je suis déjà passé devant votre chambre il y a une heure et vous gémissiez déjà ! Vous devriez peut-être calmer vos pulsions animales !
Rindo attrapa un coussin et le lança vivement au visage de son ami, mais celui-ci l'évita en le rattrapant facilement et leur lança un sourire amusé.
— Vous n'êtes que des libertins !
— Venant de la part d'un homme qui s'offre à n'importe quelle femme ou quel homme, je trouve cela très mal placé, dit Rindo en posant ses mains sur ses hanches.
— Rindo, vous devriez vous rhabiller, dit Haruchiyo avec gêne.
— Mais moi je suis un débauché, j'ai le droit de profiter des plaisirs charnels autant de fois que je le veux, et avec qui je le veux, dit Kazutora avec amusement. Et puis ce ne sont pas n'importe qui, je ne m'offre qu'aux fortunés.
— Certes, dans tous les cas, ne vous attendez pas à pouvoir aller dans le lit de qui vous voulez ici.
— Rindo vous ne voulez pas mettre un vêtement...
— De toute façon je n'en vois pas l'intérêt puisqu'ici je suis logé et nourri, ce n'est pas comme chez moi où je ne possède rien.
— Vous posséderiez quelque chose de permanent si vous faisiez un travail normal, répliqua Rindo en attrapant un kimono léger pour l'enfiler.
— Mon corps me rapporte bien plus qu'un simple travail, dit simplement Kazutora en fermant la porte derrière lui, avant de venir s'asseoir sur le lit sans gêne.
Rindo ne répondit rien et se vêtit de bas, avant de finalement mettre le kimono de jade. Oui, c'était définitivement celui qui lui allait le mieux, ce kimono le mettait très bien en valeur.
— Vous... vendez votre corps, demanda prudemment Haruchiyo à Kazutora. Enfin vous... vous vous prostituez, ou ai-je mal compris ?
Kazutora ne fut nullement embarrassé par la question du jeune homme, et Rindo continua de se regarder dans sa glace en nouant son kimono sans leur prêter attention.
— Oui, vous avez bien compris, je vends mon corps, répondit Kazutora avec indifférence.
— Mais pourquoi donc ? Ce sont les personnes des... enfin des... quartiers...
— Des bas-quartiers ? J'en fais parti.
— Vous n'êtes pas un noble ?!
— Kazutora était un noble, mais il s'est fait bannir du royaume, expliqua Rindo en attachant un somptueux obis autour de sa taille. On lui a pris toute sa fortune, il ne possède plus rien. Je lui envoie de l'argent régulièrement, mais nos communications sont difficiles.
— Je dépensais une grosse partie de son argent dans des médicaments pour ma mère, expliqua Kazutora. Comme nous n'avions rien et que l'argent ne suffisait pas pour nous héberger et nous nourrir, j'ai dû trouver d'autres moyens de gagner beaucoup et rapidement.
— Mais... pourquoi ne pas travailler plutôt ? Enfin je veux dire, faire un vrai travail.
— Personne ne voulait me prendre pour travailler, dit Kazutora en haussant les épaules. J'étais trop jeune, et pas assez habile de mes mains pour faire quelque chose d'utile, vous savez avec une éducation de noble, il est difficile de trouver du travail dans les classes inférieures.
— Vous avez du commencer à faire cela très tôt alors, s'exclama Haruchiyo.
— Je ne sais plus, je devais avoir quinze ans, oui c'est ça, je crois que ça fait cinq ans que je me vends, dit Kazutora d'un air pensif. Un jour j'ai assis dehors et j'attendais que le temps passe, je voulais attendre la fermeture d'une boutique pour voler des médicaments pour ma mère, et je ne devais pas être très couvert car un homme s'est approché de moi et m'a demandé combien j'en demandais. Sans réfléchir, je lui ai donné un prix au hasard, alors il m'a ramené chez lui et m'a gardé trois jours. Je me suis fait beaucoup d'argent, alors j'ai continué, étrangement j'ai rapidement trouvé de nombreux clients, et puis voilà.
— Oh..., dit Haruchiyo en savoir quoi répondre.
— Kazutora est très courageux, dit Rindo en prenant son ami dans ses bras. Je ne peux pas l'entretenir seul, mes parents pourraient se douter de quelque chose. Sa vie est bien plus dur que la nôtre, mais je suis très fier de lui et je lui porte beaucoup de respect. Ne le jugez pas s'il vous plaît.
— Vous en faites déjà beaucoup, répondit Kazutora en levant les yeux vers lui.
— Mais c'est horrible, dit Haruchiyo à voix basse.
— N'enfoncez pas le couteau dans la plaie, s'exclama Kazutora. Je préfère vivre comme cela plutôt que d'être encore avec mon père. Et puis, maintenant que ma mère n'est plus là, je dépenserai moins d'argent et je pourrais vivre plus simplement. Je n'ai qu'à faire des économies et bientôt j'aurais assez d'argent pour vivre plus tranquillement. J'ai perdu mon corps mais j'ai gagné ma liberté, c'est le plus important.
— De toute façon, lorsque je serai roi je vous ferais revenir au royaume, je vous donnerai une propriété et je prendrai soin de vous, dit Rindo en passant son bras autour des épaules de son ami.
— Je ne sais pas si j'en ai envie, j'aimerais mieux ne pas recroiser trop de monde et qu'ils découvrent mes activités, surtout Keisuke et Manjiro, ils étaient mes amis proches... J'aurais trop honte pour les regarder dans les yeux. D'ailleurs, j'aimerais que vous gardiez cela pour vous Haruchiyo, n'en parlez pas, surtout à Keisuke. Il serait capable de se mêler de ma vie et je ne ferais que lui attirer des problèmes, je veux éviter ça.
— Oui évidemment. Et je ne vous juge pas du tout, vous êtes une personne très respectable, s'empressa de dire Haruchiyo.
Kazutora sourit, puis il se leva et tapa dans ses mains, retrouvant un visage joyeux.
— Bien ! Initialement, j'étais venu ici vous prévenir que nous allons bientôt partir chez les Sano, pas raconter inutilement ma vie. Vous devriez vous préparer Rindo, et vous aussi, Haruchiyo.
— Oh oui bien sûr ! Je dois rentrer chez Hajime pour m'apprêter ! Mais où est Hajime d'ailleurs ?
— Il doit être avec Seishu, dit Rindo d'une voix pensive. Allons le chercher.
— Je vais descendre prévenir les gardes qu'il faut préparer notre monture, dit Haruchiyo en se levant. Pouvez-vous lui dire de me rejoindre.
— Je le ferais. À ce soir, dit Rindo en souriant.
Haruchiyo embrassa doucement Rindo, il caressa une dernière fois ses joues, puis il s'en alla après avoir récupéré ses affaires.
— Vous m'accompagnez chercher Hajime et Seishu, demanda Rindo en se tournant vers Kazutora, qui avait respectueusement baissé les yeux.
— Très bien.
Rindo et Kazutora sortirent à leur tour de la chambre et partirent dans la direction opposée à celle de Haruchiyo, vers les quartiers de Seishu.
— Vous êtes vraiment amoureux, constata Kazutora d'un air rêveur.
— Pardon ?
— Avec Haruchiyo, vous êtes adorables. C'est la première fois que je vois deux personnes s'aimer, et vous êtes magnifiques.
— Oh oui. Je suis éperdument amoureux de lui, dit Rindo en baissant les yeux. Et aimer est un sentiment merveilleux.
— Je dois vous croire sur parole. Lorsque vous m'avez écrit pour me dire que vous aviez rencontré un homme, j'avais peur qu'il ne soit pas quelqu'un de bien pour vous mais au final je me suis inquiété inutilement. Haruchiyo est parfait pour vous, vous n'auriez pas pu trouver mieux que lui.
— J'en suis convaincu. Haruchiyo est l'homme de ma vie, dit Rindo en souriant.
— Je suis heureux pour vous alors, répondit Kazutora en lui rendant son sourire.
Le jeune homme ne pouvait s'empêcher de jeter de petits coups d'œil à son ami de temps en temps. C'était étrange de le revoir après tant d'années de séparation, Kazutora avait tellement changé. Pourtant, c'était comme s'ils ne s'étaient jamais quittés, puisqu'ils échangeaient autant de fois que possible par lettre, et Rindo veillait au quotidien sur son ami. Mais en même temps, il avait l'impression de découvrir une nouvelle personne. Kazutora était devenu un jeune homme magnifique, très loin du jeune garçon innocent qu'il avait connu dans son enfance. Et le revoir après tant d'années de séparation, et en sachant ce qu'il vivait actuellement, était pour le moins déstabilisant.
Cela n'enlevait rien au fait que Rindo était très heureux de le revoir, et il était même soulagé de voir qu'il était encore capable de sourire, malgré la dureté de sa vie. L'avoir près de lui le rassurait, au moins il était sûr que Kazutora ne se mettait pas en danger. Il savait très bien comment il vivait au quotidien, il traînait beaucoup dans les quartiers malfamés car c'était là que la vie était la moins chère, et puis, Rindo n'aimait pas vraiment l'idée qu'il vende sa pudeur ainsi. Ce n'était pas qu'il trouvait cela répugnant ou quoique ce soit, pour lui c'était très respectable, seulement, c'était dangereux. Kazutora se vendait auprès de personnes plus âgées que lui et surtout auprès des hommes, qui appréciaient particulièrement sa compagnie. Ce n'était pas de vieilles personnes, elles avaient toutes moins de cinquante ans de ce qu'il avait compris, et apparemment ils le traitaient assez bien mais... Par lettre il était facile de mentir, alors Kazutora devait très souvent omettre des détails sur le traitement qu'il recevait, et Rindo avait peur qu'il lui arrive de mauvaises choses. Après tout, un homme était capable de beaucoup de mal...
— Comment allez-vous, demanda le jeune homme au bout d'un moment de silence.
— Je me porte plutôt bien et vous ?
— Non ce n'était pas une question pour faire la discussion... Comment vous sentez-vous réellement ?
— Je suis heureux d'être de retour ici, même si cela m'angoisse un peu, ça donne un peu de vie à mon quotidien sans intérêt, dit Kazutora. Et puis vous m'avez manqué, je suis heureux de voir ce que vous êtes devenu.
— Et votre vie quotidienne ? S'arrange-t-elle ?
— Cela me fait de la peine de le dire, mais depuis que ma mère n'est plus, les choses sont plus simples. Mais elle me manque terriblement. Je me demande ce qu'elle pense de moi, elle ne me l'a jamais dit...
— Elle doit veiller sur vous, vous lui avez offert une fin de vie libre. Vous vous êtes sacrifié pour elle en... en faisant tout ce que vous avez fait. Et je suis sûr qu'elle est fière de vous.
— Vous voulez dire en tuant mon père ou en faisant de moi une marchandise, demanda Kazutora avec indifférence. Pour mon père, je savais que jamais elle n'oserait agir, et je savais que je ne pourrais pas vivre ainsi. Je ne regrette aucun de mes choix. Rindo... vous n'avez pas honte d'être mon ami ?
— Bien sûr que non, pourquoi aurais-je honte, demanda Rindo en s'arrêtant avec surprise.
— Je suis tombé bien bas...
— Vous êtes l'une des personnes que je respecte le plus. Je n'aurais jamais honte de vous. Je m'inquiète seulement de votre vie.
— Pourquoi donc ? J'ai réussi à survivre jusqu'à présent, il n'y a pas de raison pour que ça change.
— Je ne doute pas de vous mais... Vous faites des choses risquées, je ne veux pas qu'un jour cela tourne mal.
Kazutora haussa les épaules et reprit leur route.
— Peu importe la tournure, elle ne peut m'apporter que quelque chose de positif. De l'argent, ou bien la mort, et dans ce cas j'en aurais fini avec cette vie.
— J'aimerais mieux que vous ne mouriez pas, dit Rindo d'un ton sceptique. Comment sont les personnes qui vous entretiennent ? Par lettres vous me les avez décrites comme généreuses, mais cela ne dit pas vraiment comment elles sont...
Kazutora réfléchit un instant, levant les yeux sur le plafond de pierres sculptées du couloir.
— Ma foi, ils n'ont pas la beauté de votre amant, c'est certain.
Rindo regarda avec étonnement son ami, avant d'éclater de rire.
— Êtes-vous en train de dire qu'ils sont laids ?!
— Disons que je comprends pourquoi est-ce qu'ils n'ont pas de partenaire, répondit Kazutora en souriant. À côté de vos amis et de votre amant, ils sont affreux...
— En même temps personne ne peut égaler la beauté de Haruchiyo, répondit Rindo en souriant. Et comment sont-ils avec vous ? J'espère qu'ils font au moins preuve de douceur...
— Cela dépend en réalité. Certains hommes sont très passionnés, d'autres plus passifs. Certains se contentent de me regarder avec d'autres personnes. Et les femmes sont généralement douces, mais elles ont plus d'exigences. Et cela dure plus longtemps, ce qui devient rapidement fatiguant...
— Sont-ils respectueux ?
— Autant qu'avec un objet, dit simplement Kazutora. Vous portez du respect à un objet ?
— ... J'en porte à mon lit, dit Rindo d'un air songeur. Il est très fort et robuste, après toutes les nuits que j'ai passé avec Haruchiyo, je suis étonné qu'il n'ait pas encore craqué.
Kazutora éclate de rire et Rindo sourit doucement.
— Kazutora, allez vivre dans le royaume de mon frère jusqu'à mon sacrement, dit Rindo en reprenant son sérieux. Il prendra soin de vous et vous n'aurez plus jamais à vivre cela. Ran serait très heureux de prendre soin de vous, il vous affectionnait beaucoup et puis il pourrait demander à Izana de prendre soin de vous, il en serait ravi.
— Je ne veux pas vous attirer d'ennui Rindo. Ni à vous, ni à votre frère.
— Cela ne sera pas le cas, et mon frère se fera un plaisir de vous accueillir. S'il vous plaît, réfléchissez au moins à ma proposition. Et lorsque je serais roi, je serais très heureux de vous faire revenir au royaume et de régler tous vos problèmes.
— J'y réfléchirais, promit Kazutora avec un petit sourire.
Rindo lui rendit son sourire, puis il frappa à la porte de Seishu, devant laquelle il s'était arrêté. Aucune réponse ne se fit entendre, alors Rindo ouvrit la porte et passa la tête dans la pièce. Elle était vide. Tiens ? Seishu n'était pas ici ?
Rindo entra et s'avança vers la porte au fond de la pièce, celle qui menait à la salle de dressing. Mais la pièce aussi était vide.
— Oh oui !
Rindo se tourna vivement et fonça vers une autre porte, celle qui conduisait à la salle de bain, et colla son oreille contre. Mais plus aucun bruit ne se faisait entendre.
— Ai-je rêvé ou un gémissement vient de retentir, murmura-t-il en fronçant les sourcils.
Kazutora s'approcha de lui et entrouvrit sans gêne la porte pour regarder discrètement à l'intérieur ce qu'il se passait. Rindo hésita un instant, puis il regarda à son tour avec curiosité.
Seishu et Hajime étaient bien ici, ils étaient dans une baignoire, dans les bras l'un de l'autre. Enfin... Seishu était agenouillé dos à Hajime, son corps dénudé était cambré au maximum, sa tête était rejetée en arrière, ses cheveux blonds noués en tresses défaites tombaient dans son dos creux, des plaques rouges couvraient ses joues, ses yeux étaient mis-clos, et il s'agrippait avec force au rebord de la baignoire.
Hajime le tenait par la taille et lui donnait de grands coups de reins, ce qui projetait l'eau du bain autour d'eux, il avait la tête baissée et crispée dans une expression de plaisir.
...
Pourquoi fallait-il toujours que Rindo assiste à cela... ? C'était la deuxième fois que cela arrivait...
— Hajime, s'écria Seishu d'une voix aiguë. P-plus fort !
— Je vais te faire mal !
— O-oui ! F-fais-le ! Oui !
— Vous n'êtes que des libertins, murmura Kazutora tout près de l'oreille de Rindo.
— Pourquoi se priver des désirs intimes lorsque l'on peut en profiter, répliqua Rindo avec un ton joueur.
Le jeune homme referma la porte et se tourna vers son ami.
— Avant je ne comprenais pas pourquoi on gémissait lors d'un rapport, avoua-t-il avec amusement.
— Je ne comprends pas non plus, dit Kazutora en posant ses mains sur ses hanches. Je trouve ça surprenant de gémir par plaisir.
— Cela ne vous arrive jamais ?
— Non, je ne fais que simuler.
— Même dans vos relations personnelles ?
— Je n'en ai pas vraiment, j'utilise déjà assez mon corps au quotidien, une fois que je rentre chez moi je suis si épuisé et mes jambes tremblent tant que je ne fais que dormir. Mais oui, lorsque j'en ai je ne prends jamais de plaisir à ce point.
— Pourquoi avoir des relations si vous ne prenez pas de plaisir alors, demanda Rindo sans comprendre.
— Je ne sais pas, je ne désire pas ceux qui me désirent.
— Alors pourquoi avoir des rapports avec eux ?
— Et bien, parce qu'ils le veulent, dit Kazutora, visiblement surpris que Rindo ne comprenne pas.
Rindo ne sût pas quoi répondre, et Kazutora ne sût pas quoi ajouter. Un silence pesant s'installa, uniquement entrecoupé des gémissements de Seishu derrière la porte, des clapotements de l'eau, et des grincements de peau contre la baignoire.
Rindo aurait voulu dire quelque chose, il était le genre de personne à toujours savoir quoi dire, mais pour une fois, rien ne lui venait. Son esprit semblait s'être vidé, ou alors il ne fonctionnait plus et n'était pas en capacité de comprendre ce qu'il fallait comprendre. Et Kazutora ne semblait pas se rendre compte de ses propos, visiblement tout cela était normal pour lui.
— Depuis combien d'années faites vous cela déjà, demanda Rindo au bout d'un moment.
— Depuis mes quinze ans, cela pose-t-il problème ?
Rindo ne répondit rien alors que son esprit se relançait, et baissa les yeux. Une multitude de pensées déferleraient dans son esprit, toutes plus horribles les unes que les autres. Comment Kazutora avait-il eu l'idée de faire cela ? Pourquoi avait-il dit oui à son premier client ? Comment avait-il réussi à trouver des personnes qui voulaient de lui à cet âge ? Sa mère le savait-elle de son vivant ? Est-ce qu'il était en train de lui dire qu'on l'obligeait ou juste qu'il se contentait d'exaucer les souhaits de n'importe qui ?! Est-ce que Rindo devrait lui dire qu'il ne devait pas réaliser les désirs des autres juste comme ça, sans rien en échange ?? Est-ce que la situation de son ami était plus grave que ce qu'il pensait ?
— Rindo vous allez bien, s'inquiéta Kazutora.
— C'est seulement que... je ne pensais pas... vous...
— Hajime, s'écria soudain Seishu derrière la porte. Oui ! O-oui... oui !
Rindo se tourna vers la porte et la fixa longuement d'un air outré. C'était tellement incongru d'entendre de tels bruits dans une situation comme celle-là qu'il arrivait à peine à y croire !
— Bon sang, vont-ils s'arrêter un jour ?!
— Je ne comprends décidément pas pourquoi est-ce qu'il gémit ainsi.
— Kazutora vous ne devriez pas offrir gratuitement votre-
— Encore ! Oh ou... Oui !!
— Mais ce n'est pas possible, s'exclama Rindo. Frappez à la porte. Il faut prévenir Hajime que Haruchiyo l'attend et cela les fera taire.
— Pourquoi c'est à moi de le faire ?!
— Je vous l'ai demandé en premier. Je suis l'héritier du trône, vous devez faire ce que je vous dis.
— Je refuse de provoquer un nouveau moment de gêne. Vous frappez.
— Ah non ! Je tiens à mon innocence.
— Il n'y a même pas vingt minutes, vous étiez nu sur Haruchiyo et votre poitrine était dans sa bouche !
— Ne le criez pas ! Et je... j-je reste parfaitement innocent !
— Vous n'avez pas une once d'innocence, ouvrez cette porte !
— Je suis parfaitement innocent ! C'est à vous d'ouvrir la porte !
— Je sais très bien que vous faites tout ce qu'il y a de moins catholique avec Haruchiyo, alors ne dites pas que vous êtes innocent ! Vous êtes assez perverti pour ouvrir la porte !
— Je ne fais presque rien avec Haruchiyo !
— Il a passé l'après-midi entre vos jambes !
— Mais c'est faux, s'écria Rindo en rougissant.
— Inutile de me mentir, dit Kazutora en sortant fièrement un carnet de sa poche. J'ai noté tout ce que j'entendais ! « Oh Haruchiyo », « Oui ! », « Plus vite », « Plus loin », « Plus »-
— Arrêtez, s'exclama Rindo en plaquant ses mains sur la bouche de son ami, qui s'amusait à imiter tous ses gémissements.
Kazutora imitait étrangement bien les gémissements, Rindo comprenait maintenant pourquoi est-ce qu'il pouvait se permettre de simuler au lit...
— Vous êtes un libertin, mais je ne dirais rien, c'est promis, murmura Kazutora avec un adorable clin d'œil.
— Je ne suis pas un libertin ! Je... je profite juste de l'homme que j'aime...
— Oui, moi aussi je disais ça à ma mère pour justifier mes boitements.
— Ce n'est pas du tout la même chose !
— Non bien sûr, vous vous le faite par amour et moi par besoin. En attendant, vous êtes un libertin.
— Je ne suis pas un libertin.
— Vous en êtes un, tout comme Haruchiyo, Seishu, Hajime et sûrement tous vos amis !
— Je n'en suis pas un !
— Vous en êtes un !
— Non vous mentez !
— Oh non Rindo, vous en êtes un.
— C'est vous qui l'êtes !
— Moi je ne le cache pas, vous en revanche...
— Je ne le suis pas !
— Mais si !
Rindo ouvrit la bouche pour contredire son ami une nouvelle fois, mais la porte derrière lui s'ouvrît soudain et Seishu percuta Rindo. Les deux jeunes hommes sursautèrent et se dévisagèrent avec surprise, alors que Kazutora éclatait silencieusement de rire face à cette situation incongrue.
— Que... que faites vous ici, demanda Seishu en rougissant violemment.
Rindo parcourut son ami du regard. Il ne portait qu'une grand kimono presque transparent, à peine fermé, dont le col tombait sur ses bras et révélait sa poitrine tachée de violet. Rindo n'eut pas le courage de répondre et soupira en se détournant.
— Hajime, Haruchiyo vous attend pour rentrer. Nous allons partir à la cérémonie des Sano... Habillez-vous.────── ༻♔༺ ───────
Je vous ai fait un fanart de Kazu pour vous prouver qu'il était magnifique avec des tresses. Admirez sa beauté. Plus je vois ce fanart plus je l'aime oh la la la.
Bonne contemplation 🤭
(Vous pouvez aussi contempler mon fanart de kokonui, même s'il est moins joli 💅)Hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé du chapitre 🙂
Zoubi zoubi !
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Épistolaire
FanfictionRindo et Haruchiyo ne se sont jamais vus, et à vrai dire, Rindo n'a pas la moindre idée de ce à quoi Haruchiyo ressemble, tandis que Haruchiyo n'a qu'une vague idée de l'apparence de son futur roi. Pourtant, ils se connaissent par cœur. C'est au fil...