Les cotillons de la bonne société

851 84 129
                                    

Il y avait beaucoup de monde, toutes les grandes familles du royaume étaient présentes et la plupart valsaient sur la piste de danse. Tous les nobles présents portaient de magnifiques toilettes, des coiffures ornées de perles et de diamants, des éventails devant le visage, derrière lesquels ils se chuchotaient les derniers secrets du royaume. La famille royale se tenait près du trône, surplombant les invités et semblait analyser d'un œil perçant la foule.
— Sei, vois-tu Hajime, demanda Rindo en tournant sur lui-même.
— Non... Votre ami Keisuke est là-bas et... Emma Sano danse avec son fiancé, vous devriez aller les voir. Oh et-
— C'est Hajime qu'il faut trouver, pas les autres !
— Il y a tellement de monde, comment suis-je censé le voir ? Votre frère est près de vos parents, vous devez le saluer.
— J'y irai après, je l'ai déjà vu ce matin. Y a-t-il Senju ?
— Je ne la vois pas...
— J'espère qu'elle ne nous prendra pas par surprise, et si seulement je pouvais ne pas non plus danser avec- Oh mon dieu il est là, s'exclama Rindo avec excitation.
— Haruchiyo ?!
— Je ne sais pas à quoi il ressemble enfin ! Hajime est là-bas, viens !
Rindo se fraya rapidement un chemin parmi les invités, s'inclinant devant les personnes qu'il reconnaissait, et réussit à atteindre son ami. Malheureusement, Hajime n'était pas seul, une femme au visage étrange tenait son bras et le regardait avec envie, signe qu'elle attendait qu'il la fasse danser. C'était sûrement sa fiancée, effectivement elle... elle était d'une beauté particulière.
— Hajime, s'exclama Rindo avec soulagement.
— Rindo enfin vous voilà, dit Hajime avec espoir. Seishu, je suis très heureux de vous revoir, vous êtes magnifique !
— Vous l'êtes aussi, dit Seishu en rougissant avec joie.
— Merci, vous aussi Rindo vous êtes en beauté ce soir. Cela change de d'habitude...
— Je vais vous faire un procès et vous condamner à la prison à perpétuité pour avoir dénigrer ma beauté, menaça Rindo en haussant un sourcil.
— Je plaisantais enfin ! Je commençais à penser que vous n'alliez pas vous montrer de toute la soirée.
— Une arrivée réussie est une arrivée désirée, dit Rindo. N'avez vous pas... des présentations à faire ?
— Des présenta... oh oui... Rindo, Seishu, je vous présente la femme qui m'est... promise... la duchesse du clan Kinsue, présenta Hajime d'un air qui laissait trahir son dégoût.
— C'est un grand honneur de vous rencontrer, dit la jeune femme en s'inclinant devant Rindo.
Rindo s'inclina légèrement sans montrer d'expression particulière.
— Hajime, votre ami est-il avec vous, demanda-t-il avec empressement.
— Il est parti saluer les autres familles, ne vous inquiétez pas, il va revenir, dit Hajime.
Rindo soupira mais n'ajouta rien, puis il jeta un regard à Seishu en lui faisant un signe de tête.
— Oh oui bien sûr... Permettez-moi de demander à votre fiancée qu'elle m'accorde une danse, demanda son ami en s'inclinant devant Hajime.
— Euh... Oui bien sûr...
— Quel honneur vous me faites. Puis-je vous demander votre main, demanda alors Seishu en se tournant vers la duchesse de Kinsue.
— J'en serais heureuse, dit-elle avec joie.
Le jeune homme prit donc sa main et l'entraîna vers la piste de danse. Satisfait d'être débarrassé d'elle, Rindo se tourna vers son ami et ouvrit la bouche pour parler, avant de voir que Hajime fixait avec déception Seishu et sa fiancée.
— Ne me dites pas que vous avez fini par l'aimer, s'exclama Rindo avec incrédulité.
— Seishu ?! Non enfin je n'oserais pas, dit Hajime en rougissant.
— Je parlais de votre fiancée ! Qu'est-ce donc ce regard ?!
— Oh je...
Hajime regarda une dernière fois le jeune homme, l'air perdu, et finit par sourire.
— Je le plains, comment pouvez-vous le faire danser avec une femme aussi disgracieuse que celle-là ? Vous n'avez aucune pitié pour lui, dit-il d'un air de plaisanterie.
Rindo sourit.
— Il fallait bien que je l'éloigne de vous, j'ai eu pitié de votre mine décomposée. Elle est vraiment hideuse, où Seishu l'a-t-il trouvé sérieusement, demanda-t-il d'un ton moqueur.
— Je ne sais pas, soupira son ami, et dire que je vais devoir lui faire des enfants... elle est tout ce que je déteste. Au moins votre fiancée est une belle femme. Elle ressemble à Seishu...
— Oui, je ne le nie pas, mais je ne m'imagine pas l'épouser. Rien que l'embrasser est comme un supplice pour moi...
— Vous n'avez qu'à trouver une femme plus belle et plus riche, dit Hajime d'un ton sage.
— Si je pouvais trouver un homme cela m'arrangerait et vous le savez, dit Rindo en analysant les invités du regard.
— C'est vraiment le comble pour le descendant de la famille royale de préférer les hommes. Savez-vous que les hommes ne peuvent pas procréer entre eux ?
— Oh ne me faites pas de leçons, dit Rindo en attrapant une flûte de champagne sur un plateau de l'un des serveurs qui zigzaguait entre les invités.
— Je n'oserais pas donner de leçon à l'héritier du trône enfin !
— D'autant plus que je ne suis pas le seul. Savez-vous ce que j'ai entendu dire ?
— Non, quoi donc ?
Rindo regarda rapidement autour d'eux pour vérifier que personne ne les écoutait, et se rapprocha de son ami.
— Il semblerait que Shinichiro Sano, l'aînée de la famille Sano, ait surpris son petit frère Manjiro....
Le jeune homme se hissa sur la pointe des pieds et approcha sa bouche de l'oreille de son ami.
— ... dans le même lit que le fiancé de sa sœur.
— Vraiment ?!
— Apparemment ils étaient nus et s'embrassaient avec fureur, dit Rindo en regardant Emma Sano valser dans les bras de son fiancé.
— Je n'aurais jamais pensé cela de la part de Manjiro mais quelle information croustillante, dit Hajime avec excitation. Ils ont peut-être une vraie relation !
— Regardez comment Manjiro le fixe, dit Rindo en riant discrètement.
Plus loin d'eux, Manjiro tenait un verre de vin qu'il agitait doucement, tout en fixant avec agacement sa sœur et son fiancé qui dansaient ensemble. Près de lui se tenait un autre homme, Shuji, le duc Hanma, qui fixait aussi Emma et son mari en dansant d'un air ennuyé. Lui aussi, Rindo devrait aller le saluer d'ailleurs, même s'il ne faisait pas parti d'un grand clan, sa famille était importante et Rindo l'appréciait beaucoup.
— Quelle idée de s'éprendre de son futur beau-frère, dit le jeune homme en soupirant.
— Il ne serait pas le seul à aller voir là où il ne faut pas.
— Oh oui c'est de famille, une tradition de père en fils sûrement.
   — Il paraît que Shinichiro fréquente l'un de ses valets.
— Ce n'est pas il parait, c'est une information confirmée. Je les ai vu s'embrasser, dit fièrement Rindo.
— Vraiment ?!
— Je puis vous l'assurer, son valet s'appelle Wakasa et il l'aime sans aucun doute. Shinichiro n'avait pas sa langue dans la bonne bouche la dernière fois que je l'ai aperçu... Apparemment ses filles seraient au courant.
— Et sa femme ?
— ... Les filles sont au courant, c'est un début, répéta Rindo en se retenant de rire.
— Quel exemple il donne à sa famille... On comprend mieux pourquoi Manjiro fréquente son beau-frère.
— Oh vous êtes mauvais, vous ne devriez pas dire cela, dit Rindo avec un sourire moqueur.
— Vous l'êtes tout autant, ne faites pas le saint, répliqua Hajime d'un air entendu.
— Je suis plus pur que vous en tout cas.
— Mais je suis parfaitement pur, je me réserve pour le mariage.
— À d'autres. Je suis sûr que vous avez des amantes... Ou des amants.
— Je n'ai aucun amant.
— Tout le monde a des amants.
— Venant de quelqu'un qui n'a pas d'amant, je trouve cela mal placé, dit Hajime en riant.
— ... Je n'y peux rien si aucun homme ne me mérite.
— Oh non évidemment. Vous êtes trop bien pour le bas peuple.
— Oui je sais.
— En parlant d'amants, avez-vous entendu les dernières rumeurs ? Selon les rumeurs, Chifuyu, l'ami attitré de Keisuke, aurait... « souillé » sa bouche en satisfaisant les désirs charnels de ce dernier, dit Hajime en baissant la voix.
— Avec Keisuke, alors qu'il est aussi fiancé ?!
— C'est bien cela ! La rumeur circule dans tout le royaume, regardez comme ils sont proches, dit Hajime.
Rindo les chercha du regard, et vit que Keisuke et Chifuyu se trouvaient tous les deux dans un coin de la salle, et se murmuraient des choses en riant. Keisuke avait sa main sur la taille de son ami, et leur visage n'était qu'à quelques centimètres.
— Ils pourraient rester discrets, les parents de Keisuke ne sont pas loin, se moqua le jeune homme.
— Ils doivent aimer le danger... De toute façon Keisuke a déjà de nombreux amants, ses parents doivent se douter de quelque chose.
   — J'ai l'impression de le voir avec un nouvel amant à chaque réception.
   — J'ai entendu dire qu'il avait déjà fréquenté Manjiro...
   — L'autre jour il était avec Ryusei...
   — Ma foi, il n'a pas encore trouvé sa perle rare.
— Il l'avait trouvé, mais elle a disparu.
— Oh comme c'est dommage.
— Oh nous sommes mauvais, nous ne devrions pas dire tout cela, dit Rindo avec amusement, lançant un regard complice à son ami.
— Nous ne faisons que donner notre avis. Rindo, avez-vous déjà fait quelque chose avec un homme, demanda Hajime en reportant ses yeux sur la piste de danse.
— Jamais, si je faisais la moindre chose tout le royaume serait au courant, s'exclama Rindo. Avez-vous déjà fait quelque chose avec une femme, sérieusement je veux dire ?
— Oh non jamais, je n'y penserais même pas.
— Venant de vous, cela ne m'étonne guère... Attendez, et avec un homme ?!
— Enfin Rindo, avec quel homme ?
— Je ne sais pas, tout le monde est l'amant de toute le monde ici... L'un de vos serviteurs ?
— Mon personnel ne m'intéresse pas. Je suis du genre à préférer... l'excellence.
— Est-ce votre fiancée que vous regardez de la sorte, ou bien est-ce mon ami, demanda Rindo en voyant que les yeux du jeune homme suivaient Seishu et sa fiancée.
Hajime rougit et détourna les yeux.
— Pourquoi le regarderais-je ?
— Je trouve vos regards bien insistants envers lui. Et puis Seishu représente l'excellence, vous l'adorez.
— Je ne vois pas de quoi vous parlez, dit simplement Hajime alors qu'un homme arrivait près d'eux. Je peux avoir n'importe quel femme comme maîtresse, pourquoi le choisirais-je lui ?
— Oh peut-être parce qu'il a un visage d'ange, des cheveux d'or, une peau d'albâtre et une grâce typique de la famille royale, dit l'homme qui venait d'arriver discrètement derrière eux. Tu le dévores des yeux comme ta fiancée te dévore des yeux lorsque tu passes devant elle.
— Je ne le regarde d'aucune façon particulière, je ne fais que... que surveiller ma fiancée. Seishu entre simplement dans mon champ de vision.
— Mais qu'elle mauvaise foi, commenta Rindo d'un air sidéré.
— Oh très bien alors allez danser avec elle, défia l'homme d'un ton railleur.
— Mais bien sûr, dit Hajime d'un air résolu. J'y... j'y vais de ce pas.
Hajime leva la tête haute et s'avança vers la piste de danse pour récupérer sa fiancée. Il n'avait pas la moindre crédibilité, mais au moins il essayait. C'était déjà un début.
— On ne nous a pas présenté, dit Rindo en se tournant finalement vers l'homme qu'il ne connaissait pas.
— Veuillez m'excuser, dit aussitôt l'homme en s'inclinant au sol. Je suis venu avec Hajime, je ne suis pas de sa famille, je suis seulement l'un de ses amis d'enfance, je m'appelle-
— Haruchiyo, s'exclama Rindo en sentant son cœur louper un battement.
Le jeune homme releva la tête avec surprise vers lui.
— Vous me connaissez ?
— Bien sûr, Je... relevez-vous... je-j'attends de vous rencontrer depuis des mois, dit Rindo en secouant la tête.
— Vraim... Oh vous êtes Rindo ! Je vous ai confondu avec votre frère, s'exclama le jeune homme en plaquant ses mains contre sa bouche.
Haruchiyo se releva et Rindo le dévisagea de haut en bas sans croire qu'il se trouvait vraiment devant lui. L'homme qui hantait ses pensées avait donc cette apparence, cette voix...
Haruchiyo était légèrement plus grand que lui, il semblait plus musclé également, même si c'était difficile à voir avec son kimono. Ses cheveux étaient d'un blond polaire, si clair qu'il tirait sur le blanc, des mèches coupées en frange rideaux tombaient autour de ses yeux, tandis que derrière, la partie supérieure de ses cheveux était plus courte que celle inférieure, de longues mèches claires tombaient élégamment sur ses épaules. Son visage était magnifique, ses lèvres roses légèrement rebondis, et ses grands yeux azur ornés de traits sombres, et les deux losanges qui décoraient les coins de sa bouche en guise de cicatrices...
Il portait un somptueux kimono doré, sur lequel étaient cousus des motifs qui suggéraient les longs ruisseaux du pays, ainsi que les plantes qui les bordaient, et un obis sur lequel de nombreux bijoux étaient accrochés.
Rindo n'en revenait pas. Il ne l'avait pas imaginé comme cela, mais il était bien plus beau que tout ce qu'il avait pensé et... il n'arrivait plus à réagir.
— Peut-être aurais-je dû annoncer mon nom plus tôt, dit Haruchiyo en voyant que le jeune homme ne disait rien. Veuillez m'excuser, voulez-vous que je me retire ?
— Non surtout pas ! Je... Je ne m'attendais seulement pas à vous rencontrer aussi vite, enfin, de cette manière et... Seigneur... je ne vous imaginais pas comme cela...
— Oh je... Désolé de ne pas être à la hauteur de vos espérances...
— Vous êtes bien plus au-delà de mes espérances, ne put s'empêcher de dire Rindo. Vous ne devez sûrement pas comprendre. Hajime est un de mes amis de longues dates et... Il m'avait parlé de vous. J'ai appris que vous étiez un homme de lettres, comme moi, alors cela m'a intrigué et j'ai cherché à en savoir plus sur vous. Et c'est pour cela que je vous ai envoyé des lettres, même si vous le savez déjà, je... J'ai beaucoup pensé à vous, et je mourrais d'envie de vous rencontrer, comme je vous l'ai dit par lettre... Je vous porte beaucoup d'intérêt...
Rindo jeta un regard embarrassé à Haruchiyo, qui lui le regardait avec surprise.
— Vous avez pensé à moi, finit par dire le jeune homme avec un sourire.
— Tellement que j'en finissais par ne plus pouvoir réfléchir...
Haruchiyo sourit un peu plus mais il ne fit aucun commentaire là-dessus.
— Êtes-vous satisfait de l'homme que vous voyez ?
— Plus que satisfait, je ne vous imaginais pas du tout comme cela. Je voulais insister dans mes lettres, pour savoir à quoi est-ce que vous ressemblez, mais j'aime énormément la surprise que vous me faites... Et vous, que... que pensez-vous de moi ?
— Je vous trouve magnifique, répondit Haruchiyo en le contemplant. Je savais vaguement qu'elle était votre apparence, mais je ne vous avais pas du tout reconnu. Vous êtes absolument somptueux.
Rindo rougit légèrement et ne sût pas quoi répondre. Jamais il n'aurait imaginé que Haruchiyo soit ainsi, mais il était absolument fasciné par lui. Son visage, sa carrure et... et sa voix étaient juste... bien au-delà de ses espérances.
— Comment s'est déroulé votre voyage, questionna le jeune homme pour masquer sa gêne.
— Très bien, merci. Je trouve la capitale magnifique, et cela me fait plaisir de revoir Hajime après tant d'années de séparation. Et puis... à présent je suis plus proche de vous, dit son ami avec un petit sourire.
— Pour mon plus grand plaisir, oui, acquiesça Rindo en rougissant légèrement. Après des mois de correspondance, nous nous rencontrons enfin.
— Au moins nous sommes sûr de bien nous entendre, plaisanta Haruchiyo.
— C'est une évidence ! Que pensez-vous de cette cérémonie ?
— C'est une belle soirée. Un parfait reflet de toute l'hypocrisie de la cour, un interminable spectacle de richesse, de cotillon et de...
Haruchiyo leva la main et attrapa quelque chose sur l'épaule de Rindo, l'effleurant avec douceur.
— De minuscules paillettes.
— La noblesse dans toute sa splendeur, commenta Rindo. Je... Hajime vous a-t-il déjà parlé de moi ?
— Oui, lorsque j'ai su qu'il était votre ami je n'ai pu m'empêcher de le questionner à votre sujet, je n'osais pas le faire directement par lettre. Et j'ai aussi beaucoup pensé à vous, c'est un peu embarrassant...
Rindo sourit avec joie.
— J'aimerais pouvoir vous offrir une danse, dit Haruchiyo d'un air embêté, mais je doute du fait que nous puissions faire cela.
— J'adorais danser à votre bras, mais faire cela ici nous attirerait bien des ennuis. Mais... Vous êtes libres de danser avec toutes les femmes présentes ici.
— Si vous me le permettez, je préfère rester en votre compagnie.
Rindo sourit une nouvelle fois. Haruchiyo lui rendit son sourire et les deux hommes restèrent donc l'un près de l'autre, à discuter ensemble tranquillement. Rindo avait le cœur qui battait bien trop vite, et ses yeux ne cessaient de s'accrocher au visage du jeune homme. Il l'écoutait parler avec émerveillement, sa voix étouffait le son de la musique, et sa présence effaçait celle des autres. Rindo oublia complètement qu'il devait aller saluer son grand frère, de même pour ses parents. Et surtout, il oublia totalement Senju.
Il ne pensait plus qu'à Haruchiyo et n'arrivait plus à arrêter leur conversation. Ses iris détaillaient avec avidité chaque partie de son visage, le visage d'Haruchiyo était loin de tout ce à quoi il avait pensé, mais il était si beau... Rindo n'en revenait pas. Il ressemblait un peu à son ami Seishu, lui aussi avait de long cils clairs qui abritaient de belles iris bleues. C'était étrange, ces cicatrices au coin de sa bouche, mais elles étaient très belles. Généralement, les cicatrices n'étaient jamais très attrayantes, elles étaient même plutôt repoussantes, mais pas celles-là. Rindo les adorait.
— Comment préférez-vous que je vous appelle d'ailleurs, demanda Haruchiyo au bout d'un moment. Sir ? Mon prince, mon...
— Appelez moi Rindo, proposa le jeune homme.
— Je n'oserais pas, vous êtes de la famille royale tout de même...
— Oh s'il vous plaît, mon nom sonnerait à la perfection dans votre bouche. Et puis après toutes les lettres que nous nous sommes échangés, je pense que vous pouvez vous le permettre.
— Bien... je n'ai pas le droit de refuser alors.
— Non ! Et vous ? Dans l'une de vos lettres vous aviez dit que vous n'aimiez pas votre nom et que vos amis vous appelaient généralement Sanzu. Comment préférez-vous que je vous appelle ?
— Il n'y a que mon entourage proche qui m'appelle par mon prénom en général, les autres se contentent de Sanzu. Mais je préfère que vous m'appeliez par mon prénom à vrai dire.
— Je vous appellerais comme cela alors.
— Très bien. Excusez-moi, mais pouvez-vous me dire qui sont les personnes importantes ici, demanda Haruchiyo en regardant les nombreuses personnes présentes discuter entre elles.
C'était vrai que si Haruchiyo venait d'arriver, il ne devait connaître personne et devait être vraiment perdu.
— Oui bien sûr, dit Rindo en acquiesçant. Donc vous connaissez déjà Hajime, et je suppose que vous connaissez aussi sa fiancée. Avant qu'il ne parte danser avec elle, elle était au bras de Seishu. C'est mon ami, il fait parti de la famille royale, ce qui fait qu'il a l'un des statuts les plus élevés ici.
— Hajime m'a beaucoup parlé de lui.
— Ils s'entendent très bien tous les deux. Seishu m'accompagne partout où je vais et je passe beaucoup de temps avec Hajime, alors ils sont amenés à se voir souvent.
— Tant mieux. Et les autres ?
— Il y a des familles de clan très importants dans le royaume, les six plus grands clans habitent dans des résidences et forment un cercle autour du territoire. Il y a le clan Baji, Hanagaki, Kokonoi évidemment, Sano et Tachibana. Les trois plus influentes sont les familles Kokonoi, Baji et Sano.
Haruchiyo acquiesça en silence. Rindo balaya la salle de réception du regard pour chercher ses amis des yeux, et finit par trouver Keisuke.
— Près des musiciens se trouve le duc Baji, il s'appelle Keisuke, et près de lui voici Chifuyu, c'est son ami attitré mais il semblerait qu'ils entretiennent un autre type de relation entre eux.
— Ce sont vos amis ?
— Oui, je passe beaucoup de mon temps libre avec eux. Et... vous voyez les deux hommes blonds derrière le buffet qui sont en train de se disputer ?
— Oui.
— Il s'agit de Manjiro et Ken. Manjiro est le cadet de la famille principale du clan Sano, c'est le seul à ne pas s'être marié ou fiancé pour l'instant. Ken, quant à lui, est le fiancé de Emma, la sœur de Manjiro. Apparemment il a aussi eu une relation avec Manjiro, raconta Rindo en regardant son ami frapper Ken avec un éventail.
— Il est minuscule, constata Haruchiyo d'un air moqueur.
— C'est vrai, surtout à côté de Ken, dit Rindo d'un air amusé. Mais croyez-moi, sa petite taille n'efface pas son dur caractère. Les autres ne sont pas importants, je ne vois pas l'intérêt de les présenter.
— On voit que vous portez de l'attention à vos sujet !
— Je ne peux pas tous les retenir ! Je ne retiens que ceux qui sont utiles et productifs.
— En réalité je suis comme vous, je ne peux pas critiquer, dit Haruchiyo avec un sourire.
— Ah, vous voyez.
— Je ne retiens que ceux qui comptent vraiment. Ah et j'ai aussi retenu la fiancée d'Hajime, il faut dire qu'elle est si...
Haruchiyo laissa sa phrase en suspense et hésita, l'air embêté. Rindo le comprenait, lui-même ne savait pas vraiment comment qualifier cette femme sans être méprisant. Disons qu'elle avait des traits particuliers, et que ce n'était pas vraiment à son goût. Même pas du tout tout compte fait. Pour le coup, il était content d'être fiancée à une femme qu'il trouvait vraiment belle. Au moins leurs enfants ne seraient pas désagréables à regarder... C'était une maigre consolation.
— Et bien... c'est une femme qui ne plait pas à tout le monde, finit par dire Haruchiyo.
— Oui voilà, et puis ce n'est pas la beauté qui importe le plus, dit aussitôt Rindo.
— Non bien sûr ! Ça doit être une femme très... très honorable et respectable !
— Elle doit être cultivée et instruite !
— Tout à fait, et puis sa fortune doit être conséquente.
— Oui, c'est important cela.
— Très, très...
Rindo échangea un regard avec Haruchiyo et lut dans ses yeux que lui aussi était sur le point d'éclater de rire. Le jeune homme baissa les yeux pour éviter un fou rire qui lui attirerait des regards et préféra boire une gorgée de champagne.
— Il faut que je vous dise quelque chose, annonça soudain Haruchiyo.
— Oui ?
— Une femme vous regarde avec insistance depuis tout à l'heure. Je ne voudrais pas dicter votre conduite mais... peut-être devriez-vous aller la voir, dit Haruchiyo avec hésitation.
Rindo se tourna et chercha du regard quelqu'un qui le fixait, avant de trouver sa fiancée.
— Oh non... c'est ma fiancée, marmonna Rindo.
— Oh je devrais vous laisser alors.
— Non surtout pas ! Je veux tout sauf être en sa compagnie... venez avec moi, il faut que je me cache.
— Vous cacher ? Où ça ?
— Loin, très loin d'elle. Si elle vient me voir je serais forcé de rester avec elle toute la soirée et si son frère, ou pire, son précepteur, me trouvent, je ne serais plus jamais tranquille, dit Rindo avec désespoir. Venez !
Haruchiyo ria en l'entendant dire ça mais accepta de le suivre dans la foule d'invités. Rindo baissa la tête et zigzagua entre les invités, priant pour ne pas être reconnu, et se dépêcha de s'éloigner de Senju. Seishu avait disparu en plus de ça, et dire qu'il était censé tenir éloignée Senju de lui... Quel mauvais ami. Rindo allait devoir lui dire deux mots.
Rindo profita de leur fuite pour prendre discrètement la main de son nouvel ami et l'emmena avec lui hors de la salle, en évitant soigneusement tous ceux qu'ils connaissaient. Le jeune homme réussit à arriver dans un couloir et à se dépêcher de monter à un étage pour mettre de la distance entre lui et la salle de bal.
— On croirait que vous avez fait cela toute votre vie, dit Haruchiyo en laissant le jeune homme le guider.
— Me cacher ? C'est l'une de mes principales occupations. J'étouffais là-dedans, l'air est bien plus respirable ici.
— Oui c'est vrai, il fait bien moins chaud ici et...
Haruchiyo s'interrompît et Rindo comprit immédiatement pourquoi. Les deux jeunes hommes s'arrêtèrent en même temps dans le couloir, toujours main dans la main, et tendirent l'oreille. Un gémissement venait de retentir. Un... un gémissement... mais qu'est-ce que cela voulait dire ?
— Avez-vous aussi entendu un gémissement, demanda Haruchiyo en tournant la tête vers lui.
— Il me semble oui...
— Haannn... !
Rindo écarquilla les yeux en entendant ce nouveau gémissement et se précipita vers la pièce d'où il venait. La porte était fermée, mais des bruits se faisaient bien entendre derrière. Le jeune homme attrapa la poignée de la porte avec détermination et l'ouvrît discrètement pour voir ce qu'il se passait dans l'embrasure de la porte, en tirant de son ami près de lui pour lui permettre de voir aussi.
— Oh..., murmura Haruchiyo, alors que Rindo écarquillait les yeux.
Mais non, il devait rêver, comment pouvait-il voir ça ?
Hajime et Seishu étaient dans le bras l'un de l'autre, leur kimono ouvert tombait sur leur bras, certains de leurs vêtements étaient au sol, et leurs cheveux étaient tout ébouriffés. Hajime serrait Seishu dans ses bras, en le tenant en même temps sur une table. Ses mains disparaissaient dans son kimono, il embrassait avec envie son cou marqué par des taches rouges, son torse se frottait contre le sien, et son bassin ondulait contre celui de son partenaire, ce qui le faisait légèrement monter et descendre.
Seishu lui rendait son étreinte, son visage était levé vers le plafond, crispé dans une expression de plaisir, il gémissait et se cramponnait à Hajime. Son corps brillait de sueur, il tremblait et Hajime tenait ses jambes au-dessus de ses avant-bras.
   — Oh oui ! Déshabille-moi, dit Seishu avec envie.
   Hajime fit glisser les manches de son kimono le long de ses bras et le tissu tomba sur la table de bois sur laquelle était assis Seishu. Il se retrouva entièrement nu devant Hajime, ce qui sembla beaucoup plaire à son partenaire.
— Oui..., gémit Seishu d'une voix aiguë. Encore... oui... oui... Embrasse-moi !
— Sei... Hmm..., fit Hajime avant de saisir son visage pour l'embrasser à pleine bouche.
— Oui... oui, hm-mm !
Rindo vit la langue de Hajime pénétrer la bouche de son ami, avant qu'il ne s'écarte de lui et qu'il commence à embrasser son torse en écartant les pans de sa propre robe. Il finit par faire tomber son kimono au sol, en déposant des baisers sur son ventre, puis dans l'intérieur de ses cuisses.
   — Tu veux que je m'allonge, murmura Seishu en caressant les cheveux de son partenaire.
   — Seulement si tu aimes cela...
   Seishu s'allongea alors sur la table, étirant son corps nu, et Hajime se redressa pour se pencher sur lui et le couvrir de baisers.
Haruchiyo referma la porte en silence pour les empêcher de voir plus que ça. Rindo s'écarta, complètement troublé, et se tourna vivement alors qu'un bruit de grincement de table se faisait entendre et que Seishu gémissait de plus en plus fort.
— Oh mon dieu..., dit-il en posant la main sur son cœur.
— Ils sembleraient que certains aient trouvé de meilleurs moyens de distraction que danser à la cérémonie, dit Haruchiyo d'un air amusé.
— Mais ce sont mes amis ! Et Hajime est fiancé !
— Oui, s'écria soudain Seishu derrière la porte. Hajime !
Rindo se tourna vivement vers la porte.
— Pourquoi gémit-il ainsi ?!
— Ce sont des cris de plaisir, dit Haruchiyo en riant.
— Des cris de plaisir ?! Qu'est-ce donc cela ?!
— Ce sont... et bien... lorsqu'une personne... prend beaucoup de plaisir, elle gémit. Comme lorsque vous êtes très heureux, vous criez de joie.
— Je ne cris jamais de joie !
— Je pense qu'à la place de votre ami, vous gémirez aussi de plaisir, dit Haruchiyo en riant. Nous devrions nous éloigner et leur laisser de l'intimité.
Rindo ne bougea pas et resta devant la porte, à la fixer avec agacement. Comment ses amis pouvaient-ils faire ça ? Le jeune homme prenait cela comme une trahison, est-ce que ses amis s'étaient joués de lui ? S'aimaient-ils ? Peut-être que Hajime n'était ami avec lui que pour Seishu en réalité ? Et peut-être que Seishu était si gentil avec lui seulement pour approcher Hajime ?
— Ils se sont servis de moi pour être ensemble, dit Rindo avec colère. Ils sont mes amis seulement pour... pour... pour faire cela !
— Cela m'étonnerait. Rindo, permettez ?
Haruchiyo tendit sa main au jeune homme et celui-ci la prit immédiatement. Il se laissa conduire dans le couloir en baissant les yeux, s'éloignant des bruits obscènes qui continuaient de retentir derrière la porte.
— De ce que j'ai compris, vous ne connaissez Hajime que depuis quelques années. En revanche, vous avez grandi avec Seishu. Il est votre ami depuis toujours, bien avant de connaître Hajime.
Rindo, qui avait la tête baissée, releva la tête vers le jeune homme pour le regarder.
— Hajime ne s'accommode pas de présence qu'il n'apprécie pas, même si cela lui est utile, assura Haruchiyo. Il est votre ami parce qu'il vous apprécie. Je puis vous l'assurer.
Rindo regarda longuement le jeune homme.
— Vous pensez ?
— J'en suis convaincu.
— Vous n'avez peut-être pas tort, accorda Rindo.
Le jeune homme s'arrêta devant une porte au hasard et la poussa pour entrer dans une pièce sombre, suivi de son ami. Il s'agissait d'un des nombreux bureaux du palais, la pièce était plongée dans la pénombre et seule une douce lumière bleue filtrée par la fenêtre apportait un peu de clarté. Rindo ne fit pas attention à là où il était, il lâcha la main de son ami et s'approcha d'une grande fenêtre pour regarder dehors.
— Comment suis-je censé excuser son absence, je vais devoir retourner à la cérémonie et si jamais je croise sa fiancée..., murmura-t-il d'une voix perplexe. Il devrait être en train de danser dans les bras de sa fiancée et voilà que je le retrouve en pleine partie de jambe en l'air avec mon ami !
— Est-ce vraiment grave, demanda Haruchiyo derrière lui. Les tromperies sont presque normales dans les mariages arrangés non ? Le sexe est comme un jeu aux yeux des libertins.
— Je n'aime pas cela. Pour moi ce n'est pas un jeu et je sais que pour Seishu non plus. Hajime doit avoir de l'importance pour lui... Mais il est déjà fiancé...
— Votre ami le sait, s'il a choisi de laisser Hajime agir de la sorte, c'est que cette situation lui convient.
— Sûrement, murmura Rindo avant de se tourner vers Haruchiyo. Vous le saviez ?
— Il m'avait parlé d'une personne dont il était tombé amoureux, mais je n'imaginais pas qu'il s'agissait d'un homme et que c'était l'ami du futur roi du pays, dit Haruchiyo avec un petit sourire.
Rindo lui rendit son sourire sans pouvoir s'en empêcher. Il se rapprocha du jeune homme et s'arrêta à distance raisonnable de lui, avant de se mettre de nouveau à détailler son visage avec fascination.
— Je ne pensais pas non plus que Seishu puisse aimer un homme, encore moins quelqu'un comme Hajime. Ils sont tellement différents. Je ne sais vraiment pas comment ils vont s'arranger, Hajime devrait être avec sa fiancée, qu'en a-t-il fait ?!
— Vous aussi devriez être en train de danser avec votre fiancée non, demanda Haruchiyo en penchant la tête.
Rindo leva aussitôt les yeux au ciel, ce qui fit rire Haruchiyo.
— Je préfère de loin rester ici. Je n'ai aucune envie de danser avec Senju.
— Vous souhaitez peut-être que je vous laisse seul ?
— Oh non justement, s'exclama Rindo. Mais ne voulez-vous pas arrêter de me vouvoyer ?
— Vous-même vous le faites avec moi, fit remarquer Haruchiyo avec un sourire amusé.
— J'attendais que vous arrêtiez pour faire de même, mais je peux commencer. Alors je t'en prie, tutoie moi.
— Je ne peux pas, je n'oserais pas, déclara son ami d'un ton catégorique.
— Que faudrait-il pour que vous me tutoyez ?
— Je ne sais pas... nous devrions mieux nous connaître.
   — Cette excuse ne marche pas, je vous connais déjà par cœur et il en est de même pour vous.
   — Vous marquez un point. Alors je dirais... qu'il nous faudrait plus de proximité, je devrais être plus important.
Rindo s'avança alors près de Haruchiyo, jusqu'à ce que son corps ne soit plus qu'à quelques centimètres du sien, et leva lentement les yeux vers lui.
— Ce genre de proximité, demanda-t-il en sentant son cœur se mettre à battre plus fort que d'habitude dans sa poitrine.
— Je ne... parlais pas de cela...
Rindo ne bougea pas et fixa avec envie les lèvres du jeune homme. C'était la première fois qu'il avait envie d'embrasser quelqu'un, et aussi la première fois qu'il sentait une étrange sensation dans le bas de son ventre. Il avait chaud, et sentait la chaleur du corps de Haruchiyo l'envelopper. Il mourrait d'envie de pouvoir enlever ses vêtements et de se montrer tel qu'il était vraiment à son ami.
Étrangement, il avait envie que ses yeux parcourent son corps, que ses mains le caressent et que ses lèvres l'embrassent. Il en avait tellement envie qu'il se sentait prêt à faire n'importe quoi à toute instant.
— Haruchiyo, quel genre d'intimité voulez-vous avec moi, demanda le jeune homme en se rapprochant davantage de lui.
— Je ne peux pas vous le dire, répondit Haruchiyo d'une voix grave.
— Je vous ordonne de me le dire, déclara Rindo en approchant son visage du sien.
— Je n'ai pas le droit de désirer un homme, encore moins l'héritier du trône, dit son ami en baissant les yeux sur ses lèvres.
— Personne ne le saura, assura Rindo en prenant son visage entre ses mains. J'ai terriblement envie de vous Haruchiyo...
— Mais vous êtes déjà fiancé...
— Le sexe n'est qu'un jeu pour les libertins n'est-ce pas ? Prêtez-vous à ce jeu avec moi, susurra Rindo en effleurant les lèvres de Haruchiyo des siennes.
Son ami releva les yeux et ancra son regard dans celui de Rindo.
— Je croyais que vous n'aimiez pas cela..., murmura-t-il.
— Faites-moi aimer cela, répondit Rindo d'une voix presque inaudible.

────── ༻♕༺ ───────

Voilà pour le deuxième chapitre, j'adore Rin et Hajime qui font les commères de la cour 😂😭
« C'est pas bien de juger quand même
Ouais mais on donne juste notre avis »
C'est ça ouais 🤡

J'espère que vous avez aimé !
Zoubi zoubi :)

ÉpistolaireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant