Petites rumeurs

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*ceux qui ont la réf de la bague de zouzou vous êtes des vrais*

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   — Je n'ai pas l'air un peu... étrange ?
   — Non tu es parfait. Qu'est-ce qui te dérange ?
   — Je ne sais pas... c'est peut-être les cheveux courts ? Ou bien la chemise ? Ou alors...
   — Le fait que tu sois habillé ?
   — Oui voilà, soupira Kazutora en dévisageant son reflet dans le miroir.
   — Tu es parfait, je peux te l'assurer, dit Keisuke avec un sourire. Même si tu as un très beau corps, je préfère que tu le gardes à l'abris des regards.
   — Tu veux dire que je le garde pour ton regard, répliqua Kazutora en se détournant du miroir. Je ne serais pas étonné que ce soit pour cela que tu m'aies habillé...
   — Je suis offensé par ce que tu dis, s'exclama Keisuke d'un ton faussement outré. Je fais cela pour ton bien !
   — Vous ne pouvez pas vous balader nu de toute façon, ajouta Chifuyu, qui était assis sur le lit de son ami.
   — Je ne me ballade pas nu, je porte un kimono.
   — Transparent. C'est comme si vous étiez nu et c'est indécent.
   — Oui, et bien ça n'a jamais dérangé qui que ce soit, répliqua Kazutora.
   — Vu votre travail, cela n'est pas surprenant.
   — Chifuyu, s'exclama Keisuke.
   — Quoi ? Je ne mens pas, si les habitants de son village aiment le voir à moitié nu, c'est parce qu'ils ont des fantasmes pervers sur lui. C'est un peu le but de se vendre, je n'y peux rien.
   — Ne dis pas cela, c'est irrespectueux.
   — Il n'a pas tort, avoua Kazutora en croisant ses bras contre lui.
   — Oui mais il y a des façons de le dire, et je n'aime pas comment tu le dis Chifuyu.
   — La façon de le dire n'a aucune importance, le résultat reste le même.
   — Et puis ce que je dis ne changera rien à sa situation, ajouta Chifuyu en haussant les sourcils.
   — Ce vous dites non, mais ce que vous faites oui. Keisuke tu as coupé mes cheveux, sais-tu que je vais perdre des clients par ta faute ?!
   — Oh je t'en prie Kazutora, s'exclama Keisuke. Je te les ai coupé car tu n'auras plus jamais besoin de plaire aux autres ! Tu ne vendras plus jamais ton corps.
   — Ah et comment vais-je survivre ? Je ne vais tout de même pas m'abaisser au vol.
   — Je te l'ai dit, je t'entretiendrais.
   Keisuke saisit le kimono transparent du jeune homme, posé sur son lit, il le roula sur lui-même et le jeta dans une poubelle avec détermination.
   — Oh, donc tu veux prendre la place de tous mes clients, dit Kazutora avec sérieux. Écoutes, tant que j'ai de l'argent, tout me va.
   — Je voulais dire que tu vivras sous ma protection et que ma fortune sera la tienne, précisa Keisuke en souriant avec amusement. Pas que je te prenais comme prostitué personnel.
   — Tu ne sais pas ce que tu loupes, dit alors Kazutora en haussant les épaules.
   Keisuke lui lança un regard plein de sous-entendus mais il ne répliqua rien, et le jeune homme se contenta de lui répondre par un sourire.
   — De toute façon, à tous les coups il vous prendra comme amant, dit Chifuyu sans faire attention à eux. Le connaissant, il essaiera même te vous entraîner dans un lit à plusieurs avec moi et Ryusei.
   — Je n'entraînerais jamais Kazutora nulle part, répliqua Keisuke. Et puis je préfère te laisser avec Ryusei.
   — Je déteste Ryusei et vous le savez, dit Chifuyu en jetant un regard agacé à son ami.
   — ... Mais moi je l'apprécie.
   — Mais pas moi. 
   — Mais moi si.
   — Et moi non.
   — Vous allez continuer longtemps, demanda Kazutora d'un ton plein de jugement.
   — Keisuke sait que je déteste Ryusei, et pourtant il me fait toujours l'accompagner quand il va le voir, expliqua Chifuyu.
   — Il ment, il adore Ryusei, au lit ils s'entendent à merveille et s'ils le pouvaient ils passeraient leur journée ensemble, déclara Keisuke avec satisfaction.
   Chifuyu jeta un regard noir à Keisuke mais ne prit pas la peine de répondre.
   — Keisuke tu ne penses qu'à toi, dit alors Kazutora avec amusement.
   — Je pense à ce qui est le mieux. Aimes-tu le faire à plusieurs ?
   — Keisuke, s'écria Chifuyu. Vous ne pouvez pas demander cela !
   — Mais c'est Kazutora, je peux tout lui dire, dit Keisuke avec un geste désinvolte de la main. Alors ?
   — Hmm... Peut-être que cela est bien, mais les expériences que j'ai eu ne m'ont jamais réjoui. J'avais surtout l'impression d'être un objet que l'on s'amuse à prendre, attacher et à abimer.
   — De toute façon, je préfère te garder pour moi tout seul, au moins je serais sûr que tu seras en sécurité, dit Keisuke avec un clin d'œil.
   Kazutora lui fit un petit sourire. Il était soulagé que Keisuke ne cherche pas à l'entraîner dans un lit avec d'autres personnes, juste pour s'amuser. Le connaissant, il n'aurait pas osé dire non, et en réalité il détestait vraiment cela, surtout avec ce qu'il avait vécu, même s'il n'osait pas le dire directement.
   — Bien, traite de bavardage, dit Keisuke en frappant dans ses mains. Kazutora viens, il faut que tu mettes un corset.
   — Pourquoi, demanda le jeune homme en s'approchant.
   — Car je suis sûr que cela t'irait à ravir.
   — Donc il ne le faut pas, dit Chifuyu en haussant les sourcils.
   Keisuke l'ignora et plaça un petit corset autour de la taille de Kazutora. Il se mit devant lui et glissa ses mains au creux de ses reins, en enroulant autour de ses doigts fins les lacets du corset, et commença à le resserrer délicatement. Kazutora remarqua rapidement qu'il était en train de le fixer et qu'un imperceptible sourire étirait ses lèvres, alors il plongea son regard dans le sien et le fixa à son tour d'un air joueur.
   — Je suis toujours là, rappela Chifuyu en remarquant que Keisuke tirait Kazutora vers lui en serrant son corset.
   — Je ne fais que lui mettre un corset, dit Keisuke sans détourner le regard.
   — Très bien, et cette nuit vous faisiez du bricolage alors ? Car votre lit a grincé toute la nuit bizarrement.
   — Pas du tout, je prenais soin de Kazutora, je le guérissais de ses peurs.
   — Ah oui, et sa guérison doit passer par ses hanches peut-être ?
   — Oui puisque ses traumatismes sont ici.
   — Il n'a pas tort, dit Kazutora en se retenant de rire.
   — Bien, alors arrangez-vous pour ne plus faire de bruit la nuit. Et arrêtez de faire craquer tous les meubles de cette maison, vous allez finir par tout casser.
   — Oh nous ne faisons pas tant de bruit, dit Keisuke en levant les yeux au ciel.
   — Si, je n'ai jamais entendu autant quelqu'un gémir, j'ai même cru que vous lui faisiez mal !
   — Les gémissements de Kazutora sont une bénédiction, dit Keisuke en caressant la joue de son ami. Un peu de plaisir ne pourra te faire que du bien après tout ce que tu as subi...
   — On peut arrêter de le faire si c'est dérangeant pour Chifuyu, dit Kazutora avec gêne.
   — Vous pouvez continuer, mais seulement en silence.
   — De toute façon nous avons mieux à faire aujourd'hui, dit Keisuke en terminant d'attacher le corset du jeune homme. Nous avons un couple à sauver !
   — Oui, nous avons perdu assez de temps. D'ailleurs, regardez ce que j'ai trouvé, dit Kazutora en tirant de sous sa chemise une longue lame d'argent. C'était à votre père Keisuke, il aimait la chasse ?
   — Oh mon dieu mais Kazutora ! Repose tout de suite cette arme, s'écria Keisuke avec horreur.
   — Pourquoi ? Elle peut m'être utile avec Takeomi !
   — Kazutora, le tuer ne fait pas parti de notre plan !
   — C'est juste pour lui faire peur et le forcer à obéir !
   — Oh mon dieu, mais d'où sors-t-il, murmura Chifuyu d'un air effaré.   
   — Kazutora, tu ne peux pas menacer quelqu'un comme cela, dit Keisuke avec désespoir.
   — C'est bien des paroles de nobles ça, souffla Kazutora. D'abord tu m'interdis de proposer mon corps à Takeomi, ensuite tu m'interdis de le menacer un peu... Et puis quoi encore ? Tu vas m'interdire de lui parler peut-être ?!
   Keisuke ne répondit rien et échangea un regard avec Chifuyu, alors que Kazutora croisait ses bras sur sa poitrine avec mécontentement.
    Cela faisait un peu plus d'un jour qu'il avait fui le palais royal et s'était réfugié chez Keisuke. Il n'était pas retourné prendre ses affaires au palais, ni même prévenir Rindo qu'il allait rester chez Keisuke. Ou plutôt, qu'il se faisait séquestrer de façon consentante par Keisuke chez lui, qui avait décidé de lui-même que Kazutora resterait chez lui. Kazutora voulait vraiment prévenir Rindo, ou juste lui dire qu'il était toujours en ville et qu'il ne l'avait pas oublié... Mais cela lui était totalement sorti de la tête.
   Il fallait dire qu'il avait été très occupé.
   Tout d'abord, il avait dû rattraper le temps perdu avec Keisuke, et son ami s'était fait un plaisir de l'aider à découvrir son corps- il l'avait aidé à se détendre. C'était... très aimable de sa part. Kazutora pensait que jusque là, il était réellement incapable de prendre du plaisir, mais depuis qu'il était avec son ami... Keisuke avait littéralement réveillé toutes les sensations de son corps. Il le faisait suer tant il lui donnait chaud, le faisait gémir à en crier, et trembler à s'en effondrer. Kazutora n'avait jamais autant aimé faire cela, ni être entièrement nu devant quelqu'un...
Mais attention, il n'avait pas fait que cela !
Lorsqu'il avait appris que des rumeurs circulaient sur Rindo, Kazutora avait tout de suite compris que cela allait vite remonter aux oreilles de Takeomi, et que son ami aurait alors de très gros problèmes. Le lendemain, il s'était alors rendu en ville avec Keisuke et son ami Chifuyu, et s'était renseigné auprès de nombreux habitants pour savoir qu'elles étaient les rumeurs exactes. Keisuke et Chifuyu s'étaient même rendu chez les grandes familles pour savoir si elles n'avaient pas davantage d'informations.
   Apparemment, tout le royaume semblait savoir que Rindo voyait quelqu'un, mais la plupart ignorait s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Les rumeurs auraient commencé lorsque les habitants se seraient aperçus que leur futur prince était plus souriant que d'habitude lors des salons ou des réceptions, et qu'il semblait aussi plus heureux. Sûrement que Rindo devait être... peu démonstratif et plutôt froid à l'accoutumée...
   Mais heureusement, peu de personnes le soupçonnaient d'aimer Haruchiyo, il n'y avait que ses amis proches qui avaient l'air de le savoir. Parler aux habitants de la ville s'était avéré être une très bonne idée, car Kazutora avait pu apprendre de nombreuses choses sur plusieurs personnes. Certains habitants étaient très bavards, et très informés.
   Kazutora en avait beaucoup appris sur Hajime par exemple, mais aussi sur les Sano, les Ryûgûji, il y avait beaucoup de choses intéressantes dites sur eux, les Hanagaki, mais aussi sur Takeomi. Et grâce à ce qu'il avait appris, il allait pouvoir protéger Rindo, il en était sûr.
   Au départ, il avait pensé à tuer Takeomi. Après tout, si le déclencheur n'était plus là, il n'y aurait pas de problème et tout irait bien pour Rindo et Haruchiyo. Mais on lui avait interdit de tuer Takeomi, alors Kazutora respectait cela et acceptait de ne pas toucher à sa vie. À contre cœur.
   Ensuite, il avait pensé à faire un marché avec Takeomi. Il songeait à lui demander de laisser Rindo tranquille et de ne poser aucun problème, et en échange, il accepterait de lui offrir son corps autant qu'il le voulait. Cela ne changerait rien à la vie de Kazutora de toute façon, et s'il appartenait à Takeomi, il serait entretenu, alors il pourrait continuer de vivre... Ou alors il aurait pu être avec Senju, même si leur dernière entrevue s'était très mal déroulée, Kazutora pourrait s'arranger pour devenir son amant. Mais Keisuke lui avait fermement interdit. Il avait même été jusqu'à décider tout seul que désormais Kazutora lui appartenait, et qu'il n'avait donc plus le droit de vendre son corps à qui que ce soit. « Je déclare que tu es ma propriété, et je ne te laisserais t'offrir qu'à ceux que tu désires réellement et que tu aimes ». C'était n'importe quoi, il n'avait rien compris à la vie.
   Et puis, Kazutora avait fini par découvrir un secret particulièrement intéressant sur Takeomi, alors il était temps de régler une bonne fois pour toute cette histoire bien fâcheuse.
   — Bon Kazutora, prend cette arme si tu veux, mais je te préviens, tu n'as pas intérêt à blesser qui que ce soit, et fait attention à toi, déclara Keisuke avec un regard perçant.
   — Oui oui.
   — Bien, allons-y.
   — Dois-je vous accompagner, demanda Chifuyu alors que les jeunes hommes sortaient de la chambre. Car je n'ai pas envie d'être mêlé à ce genre d'histoire, et puis j'ai mieux à faire.
   — Qu'as-tu à faire, demanda Keisuke avec étonnement.
   — Et bien, voir Takemichi, lui apporter les cadeaux pour son futur enfant, organiser la cérémonie de vos fiançailles, passer chez Ryusei pour récupérer les tableaux commandés, trier les comptes, accompagner votre mère au marché, faire-
   — Tu sais que ta première tâche est de rester avec moi, demanda Keisuke d'un air indigné.  
   — Oui mais j'ai mieux à faire que de vous suivre partout.
   — Avoue que tu veux juste voir Ryusei sans moi !
   — Pas du tout ! C'est la pire des corvées ! Et puis je préfère aller voir mes amis plutôt que de partir menacer un membre de la famille royale. Je trouve cette histoire absurde.
   — Bon... fais ce que tu veux, mais je suis sûr que tu es juste feignant.
   — ... Peut-être, accorda Chifuyu en souriant.
   — Moins nous sommes, mieux c'est, finit par dire Kazutora. Keisuke tu ne devrais même pas venir, ça peut t'attirer des problèmes.
   — À toi aussi, et tes problèmes sont mes problèmes puisque désormais tu es...
   — Ta propriété, oui j'avais compris.
   — C'est ridicule, vous feriez mieux de le laisser tranquille, il n'a peut-être pas envie de rester avec vous, fit remarquer Chifuyu.
   — Je ne force pas Kazutora, il est consentant.
   — Honnêtement si je suis logé et nourri, tout me va, et tant que je suis avec Keisuke, je ne peux qu'aller bien. Mais je ne vous cache pas que ça me gêne de ne rien donner en retour...
   — Tu n'as pas besoin de me donner quoi que ce soit, ta seule présence me suffit, assura Keisuke.
   — Et bien ça me dérange... Dans tous les cas je sais que ça ne durera pas, lorsque tu seras marié je devrais repartir.
    — Je ne vivrais pas avec ma femme, cela tombe bien ! Ne crois pas que tu pourras m'éviter aussi facilement Kazutora.
   — Alors je devrais rester avec toi toute ma vie ? Quel calvaire, je ne mérite pas ça...
   — Nous vivrons ce calvaire ensemble, murmura Chifuyu avec sérieux.
   — Chifuyu ! Tu es le pire ami attitré que l'on puisse avoir, s'écria Keisuke.  
   — Je file, dit Chifuyu d'une voix fluette avant d'être partir en trottinant.
Kazutora le regarda avec amusement partir. Depuis qu'il était ici, il n'arrêtait pas de voir Keisuke et Chifuyu se chamailler sans cesse, et ce sans même de raison.
— Je n'arrive pas à savoir s'il t'aime ou s'il te déteste, dit Kazutora d'une voix pensive.
— Cela doit être un peu des deux. Moi-même je ne sais pas si je l'aime ou si je le déteste, il est insupportable et agréable.
— Ça ne le dérange pas que je sois là j'espère, dit le jeune homme en se tournant avec inquiétude vers son ami. C'était ton amant et tu n'es plus allé le voir depuis mon retour.
L'un de mes amants, corrigea Keisuke. Je ne pense pas lui manquer, et il ne me manque pas. Et non, tu ne le dérange pas, pourquoi le dérangerais-tu ?
— Je ne sais pas... s'il t'aime, il ne veut peut-être pas que tu restes autant avec moi, surtout avec tout ce que nous faisons...
— Oh non, rassura tout de suite Keisuke. Il n'y fait pas attention, et puis tu sais, il a aussi ses propres relations. Il ne m'aime pas, et je ne l'aime pas.
— Vraiment ? Je pensais qu'il n'était pas qu' amant avec toi et que votre relation était importante...
— Nous avons chacun nos fréquentations, même si je dois avouer que nous nous préférons mutuellement aux autres. Mais ce n'est pas de l'amour, crois moi, je suis certain de ne pas l'aimer lui. Ne t'inquiète pas Kazutora, tu ne déranges personne.
Keisuke sourit au jeune homme, et Kazutora lui répondit par un petit sourire à son tour. Les deux jeunes hommes reprirent leur route et descendirent dans le hall pour récupérer leur vêtements de voyage, puis ils sortirent dehors. Ils allaient se rendre à pied au palais royal, ce n'était pas si loin, et ce serait plus discret. Mieux valait ne pas trop attirer l'attention, alors ils allaient passer par la forêt et emprunter les petits chemins.
Dehors le sol était devenu humide, de l'eau couvrait les pierres des chemins, la terre était boueuse, des flaques apparaissaient çà et là, et des gouttes d'eau tombaient encore des arbres. Le temps s'était bien rafraîchi, le vent était même glacial, heureusement que Kazutora ne portait pas son kimono léger, il aurait été frigorifié. Keisuke lui avait prêté ses vêtements, il avait même demandé à ses servantes d'aller acheter de nouvelles toilettes pour Kazutora.
Ainsi, il était vêtu d'un pantalon droit, légèrement serré au niveau de ses hanches. C'était la première depuis très longtemps qu'il en mettait un, c'était une étrange sensation. Mais le tissu était agréable, il était en coton, marron, et caressait sa peau à chaque frottement. Il portait aussi une ample chemise blanche, il n'en n'avait plus mis depuis un bon moment également, et un corset de dentelle noire était serré autour de sa taille. Il avait également un long manteau sombre, légèrement trop grand, mais il lui tenait chaud et c'était l'essentiel.
Kazutora n'avait jamais été aussi habillé, d'habitude il ne portait que des kimonos en soie, sans aucune doublure, il devait être tous très légers. Il portait aussi de nombreux bijoux sur le corps, on lui en offrait souvent, et cela plaisait beaucoup. Certes, cela ne tenait pas chaud et ne couvrait rien, mais le plus important était que cela plaisait.
Malgré tout, Kazutora aimait bien être vraiment habillé pour une fois, il se sentait bien, et il était rassuré car on ne fixerait plus son corps, désormais caché.
— Keisuke ? Tu veux bien me laisser garder ces vêtements, demanda alors le jeune homme avec espoir.
Keisuke le regarda avec étonnement, puis il sourit.
— Évidemment. Tu peux en prendre autant que tu veux à la maison.
— Merci, dit Kazutora avec joie.
— Tu ne peux pas t'en acheter avec l'argent que tu gagnes ?
— Je le pourrais techniquement. Mais je n'en ai pas vraiment besoin et puis ce serrait mal vu. Alors que si ce sont des cadeaux, je peux les mettre sans problème, expliqua Kazutora.
— Je vois. Combien as-tu de clients ?
— Ça varie tous les jours, mais j'en ai quatre qui m'entretiennent et qui me font venir chez eux régulièrement, et je peux y rester plusieurs jours.
— Qu'est-ce que tu fais chez eux ?
— Pas grand chose. Ils me font venir et me disent de m'occuper comme j'en ai envie, ils me donnent une chambre et je dois rester avec eux et les divertir quand ils le veulent. Parfois ils se contentent de me regarder être avec leurs amis...
— Mais quel est l'intérêt de rester avec eux si c'est pour ne rien faire, demanda Keisuke sans comprendre.
— C'est pour me toucher, ou que je les caresse. Ou alors juste pour me voir puisque je suis à peine vêtu...
— Oh...
— Ne fais pas cette tête, ce n'est pas si horrible tu sais. Je m'y suis habitué.
— Cela reste horrible. Ils te font du mal et te considère comme un esclave.
— Non puisque je suis très bien payé.
— Mais ils n'ont aucun respect pour toi, ils te font faire des choses humiliantes et ils te donnent à leurs amis comme on prêterait un jeu à ses amis, s'exclama Keisuke avec colère.
— Ça me permet de vivre.
— Mais il y a d'autre moyen de s'en sortir ! Tu aurais dû m'écrire, je t'aurais immédiatement aidé !
— Je n'aurais fait que t'attirer des problèmes. Ne t'inquiète pas, tout va bien. Je t'assure.
— Comment peux-tu dire cela alors que tu es dépossédé de ton propre corps ?!
— Car c'est vrai, tout va bien. Je m'en sors bien... Et puis de toute façon tu as décidé de me garder non ? Tout ira bien...
Keisuke attrapa le bras de Kazutora et le força à s'arrêter et à se tourner vers lui.
— Kazutora, je ne t'oblige pas à rester si tu ne le veux pas, dit-il avec un regard perçant. Tu es libre de partir, la seule chose que je désire c'est ton bonheur. Je ne veux pas te garder, je veux t'aider. Et je ne te demanderais jamais rien en échange, encore moins ton corps. Je ne te le demanderais jamais si tu ne le veux pas, je veux te rendre la propriété de ton corps. Je ne te forcerais à rien et si tu ne te sens pas en sécurité avec moi, tu as le droit de me le dire et de partir.
   Kazutora regarda longuement son ami, les yeux embués de larmes, avant de le prendre dans ses bras et de le serrer contre son cœur.
   — Merci, murmura-t-il.
   — Pourquoi me remercies-tu ? C'est normal de faire cela.
   — Tu es l'un des seuls à me respecter et à me considérer comme ton égal, alors merci pour ça.
   Keisuke sourit et déposa un baiser sur sa joue.
   — Kazutora, tu es terriblement craquant lorsque tu parles comme un paysan, murmura Keisuke à son oreille.
— Tu veux dire, quand je dis « ça », comprit le jeune homme en posant ses bras autour des épaules de son ami.
   — Oui, ce mot est... terriblement séduisant dans ta bouche.
   — Tout est séduisant dans ma bouche répliqua Kazutora en écartant son visage pour voir celui de son ami.
   — Ce n'est pas moi qui te dirait le contraire...
   — Ma bouche est faite pour séduire.
   — Et tes lèvres sont faites pour être embrassées, murmura Keisuke en rapprochant son visage du sien.
   — Et mon corps pour être caressé ?
   — Oui, affirma son ami alors qu'un sourire envieux apparaissait sur sa bouche. Mais pas par n'importe qui.
   — Keisuke, c'est dommage que tu aies refusé de me prendre pour prostitué personnel, je suis sûr que nous aurions... adoré, dit Kazutora avec un sourire entendu.
   — Je préfère t'avoir comme amant, murmura Keisuke en prenant son visage entre ses mains pour le rapprocher encore du sien, et frôler ses lèvres de les siennes.
   — Qu'y a-t-il d'intéressant à être amant ?
   — Le jeu de ne pas se faire découvrir... se regarder avec un désir ardent dans les yeux à travers une foule de convives, et tenter de dompter le plaisir qui se dresse en nous, murmura Keisuke tout près de ses lèvres. Feindre de parler à d'autres hommes et de s'y intéresser... provoquer l'autre lors d'un bal et danser avec de nombreuses femmes, puis le rejoindre à une table et s'asseoir en face de lui.... Caresser secrètement sa jambe de son pied... et le remonter jusqu'à son entrejambe... S'être indifférent en public, et se jeter sauvagement l'un sur l'autre dès que les lumières disparaissent...
   Kazutora sentit son souffle trembler et ses joues rougir, il baissa lentement les yeux vers les lèvres de son ami, alors que lui-même l'imitait, et son cœur s'accéléra.
   — Être amant c'est jouer avec le feu chaque minute de la journée... se faire consumer par un violent plaisir et se sentir sur le point de perdre le contrôle dès que l'autre vous frôle... C'est être addict, s'embrasser à en perdre la raison, s'aimer sans mesure... Se faire l'amour sans fatigue, n'importe où, n'importe quand...
   Le corps du jeune homme était devenu chaud, presque brûlant. Keisuke murmurait contre ses lèvres en les caressant de son souffle chaud il lui volait son air, ses mots provoquaient en lui des sensations qui lui étaient encore indescriptibles. Il l'empêchait de respirer et faisait battre son cœur, mais c'était une sensation si grisante et excitante que Kazutora ne pouvait qu'aimer cela. Mais... il ne pouvait pas le laisser avoir le dessus.
   — Et si je te disais de me faire l'amour maintenant, murmura-t-il avec un sourire des plus provocants. Allez, je sais que tu attends que je t'y autorise, alors fais-le. Je suis d'accord.
   Keisuke releva les yeux et les plongea dans ceux de Kazutora. Quelques secondes de silence troublée par leur respiration amplifiée passèrent, ils se fixèrent l'un et l'autre avec un regard carnassier, oubliant complètement la forêt dans laquelle ils se trouvaient. Et Keisuke craqua en premier.
   Il se jeta sur les lèvres du jeune homme et l'embrassa avec fureur. Ses lèvres chaudes l'embrassaient sans répit, avec une sauvagerie primaire, elles le brûlaient et réduisaient en cendres la pulpe de ses lèvres. Sa bouche bougeait rapidement contre la sienne, ils en étaient à se mordre comme pour s'arracher avec passion, et leur langue allait et venait l'une contre l'autre. Ce baiser faisait naître un feu de plaisir en Kazutora, son corps réclamait celui de Keisuke. Leur poitrine se soulevaient précipitamment et se frôlaient, son amant se rapprochait de plus en plus de lui et le faisait reculer.
Ils arrivaient tous les deux à bout de souffle, et pourtant aucun ne s'arrêtait. C'était comme s'ils ne pouvaient plus mettre fin à ce baiser, qu'ils y étaient devenus addicts et que tout en leur être réclamait l'autre.
Keisuke finit par plaquer assez brutalement le jeune homme contre un arbre, Kazutora sourit contre ses lèvres avant de se tourner dos à lui pour coller son bassin contre le sien, cambrant son dos avec sensualité, et s'appuya contre le tronc de l'arbre. Keisuke le pressa contre l'arbre, il embrassa son cou avec envie et glissa sa main entre ses jambes, avant de relever son visage et de fébrilement murmurer à son oreille :
   — Es-tu toujours d'accord ?
   — C'est si tu ne te décides pas rapidement à me faire tiens que je ne serait plus d'accord, répondit Kazutora en se mordant la lèvre.
   — Dans ce cas, il va falloir que nous soyons plus discrets que d'habitude, répondit alors Keisuke en glissant lentement sa main sur sa bouche.

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