Avant que tu ne partes

8 / 八

Misha se laissa tomber à même le sol, tenant sa tête à deux mains. L'homme marchait aussi vite qu'un ouragan: Il ne s'était rendu qu'aux portes du palais impérial avec elle mais déjà elle avait des courbatures et ses cheveux étaient en pagaille. 

- Vous êtes The Flash d'une autre ligne du temps ou quoi? s'offusqua-t-elle quand il se pencha vers elle. 

Il rit et tendit la main comme pour la relever à nouveau. Misha se dégagea en faisant la moue. 

- J'ai mal à la tête, grogna-t-elle, ne sachant comment dire "nausée" en mandarin. 

- J'ai des choses très importantes à te dire. 

- Je n'ai pas besoin de marcher pour écouter! 

Le vieillard rit à nouveau puis se mit à faire les cent pas. Il semblait avoir besoin de mouvement pour réfléchir car il se mit aussitôt à lui expliquer: 

- Moi aussi je viens d'un autre monde, mais pas le tien! Non, un autre monde, et tu es venu en même temps que la personne que je cherche, qui vient de mon monde mais qui s'est réincarné dans ton monde. 

- Réincarné? répéta Misha en grimaçant. Elle ne serait pas plutôt... sa descendante dans un autre monde?

- Appelle ça comme tu veux, reprit le vieil homme, non content d'avoir été interrompu dans sa marche. Tu dois l'aider à échapper aux chasseurs du Maître de...

- Woah woah woah, s'écria Misha en se relevant, moi je suis ici pour aider quelqu'un de mon monde? Je n'ai rencontré personne que je reconnaisse par ici! Comment elle s'appelle? 

- C'est ça le problème, je ne sais pas c'est qui. 

Misha se rassit, la frustration accentuant sa nausée. 

- Oh Seigneur dites-moi que je rêve, j'ai regardé trop de cdramas, gémit-elle en se couchant en position foetale à même le sol. 

- J'ai trouvé ça dans les champs en venant par ici, déclara le vieux sage en tendant à nouveau la main vers elle. 

Misha, les mains pressés contre ses genoux, n'avait aucune intention de saisir la main du vieil inconnu. Celui-ci laissa donc tomber un objet devant elle. Le bruit de verre lui fit oublier son malaise. 

- ... Vous avez trouvé mon téléphone?! 

Elle le ramassa aussitôt, s'agenouillant pour l'épousseter contre la manche de sa hanfu. Elle l'alluma fébrilement et poussa un cri entre le soupir et la joie quand l'appareil vibra entre ses mains. 

- Il s'agit du portail qui vous ramènera chez vous. 

- Sérieusement? cria-t-elle en relevant la tête vers lui, oubliant de parler dans la langue du royaume. 

- Jeune fille, l'empereur te croira possédée, lui rappela le vieillard en arqua un sourcil. 

Misha se calma aussitôt et reprit plus posément: 

- Que dois-je faire pour rentrer chez moi? 

- Mais je viens de le dire, m'aider à trouver l'autre fille de ton monde! 

- De votre monde, le corrigea Misha. Et vous jurez que dès que je la retrouve, je pourrai rentrer chez moi? 

- Eh bien...

- Alors comme ça vous ne connaissez plus les manières de la cour, Maître? 

- Désolé, désolé, dit le maître en se prosternant devant l'empereur. J'étais vraiment très pressé. 

- Pourquoi cela, quelque chose à cacher? 

- Pas du tout, pas du tout, hein jeune fille? 

À ces mots, Misha redressa la tête et cacha son cellulaire [smartphone pour les Européens] dans la manche de sa robe. 

- Hé bien si vous n'êtes plus aussi pressé, nous vous reprendrons la jeune femme, d'accord? 

- Euh... oui je... je repasserai la voir...

- Pourquoi faire? s'indigna le premier prince, qui accourait derrière son père avec Tian Seng Shan et ses frères. 

- Huai'er, le gronda doucement l'empereur, il s'agit du grand sage que le 16e prince nous a recommandés. Avoir su qu'il était si facile à faire venir... 

Le vieillard se mit à rire pour couper court aux menaces de l'empereur et dit plutôt: 

- Premier prince, je reviendrai vous voir, votre Majesté, c'est toujours un plaisir. 

Et il détala comme un lapin sans que nul ne puisse dire par où il s'en était allé. Seng Shan s'agenouilla auprès de Misha et lui demanda à voix basse: 

 - Vous allez bien? Il ne vous a pas fait de mal? 

Misha secoua la tête, puis fronça les sourcils en gémissant. 

- Il court trop vite, se contenta-t-elle de dire pour expliquer sa mine souffrante. 

Le garde du corps la prit par les deux coudes pour l'aider à se lever. Une fois debout, elle échappa son cellulaire en tentant de s'appuyer au bras du garde du corps. 

- Qu'est-ce que c'est que ça? glapit le premier prince, qui avait suivi la scène d'un air mécontent. 

- C'est... Je... J'en ai besoin pour rentrer chez moi d'après le devin, balbutia Misha, rangeant à nouveau le smartphone dans sa manche. 

- Vous nous quittez déjà? demanda l'empereur. 

- Euh... Pas exactement. Je dois... Il m'a demandé de chercher quelqu'un pour lui, et en échange il me fera retourner chez moi. 

- Voilà qui est réglé, alors! Mo Yihuai veillera à vous trouver quelque chose à faire chez lui. Il vient de se marier alors il y a beaucoup à faire dans son palais. 

- Père je n'ai pas besoin de servantes...

- Je suis sûr que Qu Pan'er a une opinion différente sur la question. 

- Je me fiche de l'opinion de...

- Il suffit! Kande Misha retourne chez toi parce que je l'exige! 

Le premier prince partit en coup de vent sans attendre son escorte, le visage rouge et les poings fermés. 

- Si vous me permettez... Qui devez-vous trouver exactement? 

Le huitième prince - Mo Liancheng, se rappela Misha - la regardait en arquant les sourcils. Misha déglutit péniblement. 

- Euh... Je... Je ne sais pas encore. 

- Nous partons les premiers, vos Altesses, déclara le garde du corps en s'inclinant. 

Misha s'empressa de l'imiter, faillit tomber tête première sur le sol. Seng Shan la retint d'une poigne de fer. 

- Dites à mon frère que je viendrai bientôt le visiter, et que j'espère que Kande Misha pourra danser pour ma consort et moi. 

- Je n'y manquerai pas, rétorqua le garde du corps, montrant déjà à Misha le chemin à emprunter pour quitter le palais impérial. 

L'empereur les suivit du regard, l'air pensif. 

- Mo Liancheng? dit-il sans les quitter des yeux. 

- Me voici, répondit ce dernier. 

- Rends-toi chez Mo Yihuai avec ta femme et ton petit frère. Si quiconque chez le premier prince agit bizarrement, avertis-moi sur-le-champ. 

- Oui Père.