Prologue

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L'automne a volé mon cœur. Depuis toujours, des quatre saisons, elle est ma préférée, emportant dans son sillage la voluptueuse danse des feuilles et l'ombre de mes sourires égarés. J'attends chaque année avec impatience le ballet des couleurs, les glorieux rouges et jaunes maquillant les arbres et les flaques moirées de reflets nuancés. La fraicheur de l'automne berce mon cœur, bien plus que les neiges d'hiver, les miels de printemps et les soleils d'été.

Il n'est pas une année où je n'ai ramassé le souvenir de quelque majestueux arbre, collectionnant les plus belles teintes : l'écarlate d'une viorne, le rubicond d'un cornouiller. Mon plus beau souvenir vivote au pied d'un majestueux érable. Sous ses feuilles aux coloris enflammés, c'est un soir d'octobre que Léandre m'a embrassée. J'avais dix-sept ans et l'âme ébréchée de ne serait-ce que songer à vivre ce grand amour qui jusque-là n'existait que dans mes nuits enfiévrées.

Léandre aussi a volé mon cœur. Et pour être tout à fait exacte, je ne compte plus tout ce qu'il m'a dérobé en quatre petites années : des rires et caresses, des soupirs dans l'ivresse, des baisers échangés dans l'espoir d'une éternité à ses côtés.

Cette éternité, il me l'avait demandée, à peine un an après notre premier baiser. J'ai accepté de devenir sa fiancée, dans le plus grand secret. Il savait que j'étais sa destinée, me disait-il, alors il ne voyait pas l'intérêt d'attendre. Bien sûr, nous devions attendre pour nous marier ; terminer nos études, emménager et économiser un peu pour célébrer notre amour au grand jour.

En attendant, j'étais sienne et il était mien, unis par l'invisible lien de deux simples bagues en argent inoxydable que nous portions sous nos habits.

Léandre a volé mon cœur un jour d'automne. Plus tard, l'automne m'a volé Léandre. Mon cœur s'est consumé durant cette nuit de pluie.

Une minute de paradis, contre une vie entière en enfer. Et je ne sais plus comment en sortir depuis.

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L'anti-chambreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant