Deka Kerberos - Tome 1

Chapitre 26

— Aaah ! Nooon ! Pas la trempette !

Mes yeux s'ouvrent sous le coup de l'adrénaline, un soleil matinal illuminant aussitôt mes iris.

Encore pantelante, je me sens flotter comme dans un rêve. Sauf que je suis bien réveillée si j'en crois l'odeur de faux cuir qui me titille les narines.

Le brouillard se dissipant peu à peu, je me découvre perchée à un peu plus d'un mètre du sol, solidement retenue par les bras musclés de Ronron qui me porte en mode princesse.

Best réveil EVER !

Mes yeux doux cherchent aussitôt ceux de mon prince charmant :

— Hey, salut, toi ! On n'avait encore jamais tenté ce porté. Les dernières fois tu avais plutôt l'air de privilégier les modes sac à patates ou pot de fleur.

— Visiblement, elle a vite récupéré, s'amuse une voix à proximité.

Je tends la tête vers l'arrière et repère Nyeleti-Afrique du sud qui m'adresse un clin d'œil.

Aaron profite de mon inattention pour me reposer au sol.

— Crotte, maugréé-je. J'aurais dû feindre le malaise, ça aurait duré plus longtemps.

Il se tend, l'air renfrogné.

— Parce que tu faisais semblant ?

— Bah non, justement. Bon, qu'est-ce que j'ai loupé ?

Zinaida-Russie apparaît alors dans mon champ de vision. Je m'étire comme un chat après une longue sieste pendant qu'elle me tient au jus des derniers événements.

Elle se lance dans une imitation épique et hyperréaliste de mon serviteur :

— Aaron était tout mièvre, tu l'aurais vu : « Oh, non ! Ma dulcinée s'est évanouie ! Vite ! Moi, le preux chevalier, je dois faire quelque chose... Pousse-toi, Thiago ! Je suis l'homme fort. Si quelqu'un doit la porter, c'est moi. Regarde mes muscles d'acier ».

Han ! Mais, je fonds !

C'est vrai qu'il est bien gaulé, le bougre.

Je bats des cils à son attention pour lui montrer que sa dévotion n'est pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Ou dans l'œil d'une aveugle... Même si j'étais hors service quand c'est arrivé et que je n'ai pas pu assister à la scène de mes propres yeux. À mon grand désespoir.

— Ça ne s'est absolument pas passé comme ça ! dément vivement l'intéressé.

Son visage est aussi rouge que la célèbre pomme empoisonnée de Blanche Neige. Celle offerte si gentiment par la mamie gâteau du dessin-animé. J'espère que Ronron n'a pas croqué dedans à son tour, la vieille sorcière toute frêle avait beau paraître aimable, son fruit s'est révélé largement gâté.

— Mince, quelle épopée ! m'exclamé-je avec enthousiasme. Je suis restée dans les vapes combien de temps ?

— Moins d'un quart d'heure, m'apprend Zinaida.

— Un véritable exploit après avoir usé autant de la baguette d'Ypnos, ajoute Nyeleti.

— Je les cumule en ce moment.

— Les emmerdes ? ironise mon ronchon de service.

— Bah non, les exploits.

— Si c'était le cas, tu ne te serais pas retrouvée enfermée dans une usine désaffectée en compagnie de Zina, gronde-t-il.