Solitude

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Les cliquetis de l'horloge rappelaient sans cesse à Valeria l'absurdité de ce qui se passait. En effet, la jeune fille se trouvait assise, en guenille, sur un sofa recouvert de satin. Pourtant, elle aurait dû s'efforcer en ce moment même de porter à bout de bras un plateau de petits fours dans une salle remplie d'inconnus. Au lieu de ça, Valeria se prélassait dans un salon privé en attendant un homme, son Oncle.

L'homme de confiance de ses parents, celui avec qui elle jouait constamment étant petite, quelqu'un de doux, de joyeux. Un homme qui, il y a moins de quelques heures, l'avait frappée violemment alors qu'il ne l'avait pas encore reconnue. Depuis, son Oncle l'avait fait escorter jusqu'ici, en attendant qu'il finisse de remplir ses obligations et Valeria sentait son monde tanguer autour d'elle.

La douce chaleur d'un poêle, le précieux toucher des tissus de marques, ces tapisseries de luxe... Si elle fermait les yeux, ne serait-ce qu'une seconde...

Le parfum de sa mère, pourrait-elle s'en souvenir ? Leurs éclats de rire ? Entre ces murs, la jeune fille percevait leur écho. Ils devenaient plus réels. Elle les entendait maintenant. Enfin.

Chez elle.

Brusquement, Valeria rouvrit ses paupières et, comme pour s'arracher à cette vision enchanteresse, elle quitta précipitamment son sofa. Commençant alors à tourner autour de la petite pièce d'un pas contrariée, la jeune fille se sentait tiraillée entre plusieurs réalités. Jetant un coup d'œil à ses grossiers vêtements de servante, elle sourit tristement. Cette vie, elle l'avait acceptée, une vie dure et sans débouchées, seulement de l'amour, de l'amitié, de la liberté.

« Enfermée dans ton palier miteux ? Libre ? »

Comme pour lutter contre elle-même, Valeria se frappa le front en gémissant. Cette petite voix avait-elle tort au fond ? Que valait la liberté si le moindre geste de travers nous emmenait en prison ? Et, les amitiés ; pouvait-elle vraiment faire confiance à ces gens rencontrés il y a si peu de temps. L'amour ? Si seulement la jeune fille n'avait pas vu les regards complices que s'échangeaient Artémis et Bartholomé. C'était peine perdue.

Ici au moins, elle aurait l'opportunité de faire bouger les choses, d'avertir son Oncle des crimes perpétrés dans les sous-paliers, se reposer, un tout petit peu. Était-ce un crime ? Un peu de repos.

La main posée sur la poignée de la porte menant à l'extérieur, Valeria avait encore le choix : partir ou rester.

Derrière elle, le soleil était en train de se lever. Son Oncle allait rentrer. Que dira-t-il en voyant sa nièce adorée se livrer à de tels enfantillages ?

Retirant sa main, Valeria se rassit sur le sofa, croisant les jambes comme elle l'avait appris si longtemps auparavant. Convenablement.

*

Serrés l'un contre l'autre, Artémis et Gérault avaient réussi à se cacher dans un recoin sombre de la salle du trône. Le regard perdu dans le vide, la jeune fille n'avait plus assez de larmes pour laisser sa tristesse la consumer. D'abord sa mère, maintenant Bartholomé. Qui d'autre ensuite ?

Cette cité était maudite, elle n'apportait que le malheur, la tristesse et la peur.

— On va le retrouver, je te le jure.

Depuis une bonne dizaine de minutes, le jeune homme essayait, impuissant, de rassurer la femme qu'il aimait. Ils étaient si proches l'un de l'autre, enfermés dans une même douleur. Elle d'avoir perdu un... ami. Lui de se savoir transparent face à ce disparu.

En la regardant une énième fois, Gérault put constater ce qu'il refusait de s'avouer. Artémis était éperdument amoureuse. De lui ? Non.

N'avait-il jamais vraiment compté pour la jeune fille ? S'était-il fait trop d'illusion ? La mâchoire de Gérault se raidit d'un coup et, bientôt, les deux jeunes gens plongèrent dans un lourd silence de deuil.

Les déchusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant