Faux-semblant

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— Des faveurs, encore des faveurs, soupira le vieil homme.

Sous des paupières lourdes de fatigue doublées de mains tremblantes et grisonnantes, une immense lassitude se dégageait du Princeps. Ces deux derniers jours de fête l'avaient abattu. Trop de bruit, de réceptions, de commérages.

Seule une petite lueur d'espoir venait éclairer ses vieux jours. Une lueur qu'il avait cherchée toute sa vie : Liam. Il était tout pour lui. C'était un bel homme courageux et intelligent. Il aimait travailler, haïssait la cruauté... Bien plus que cela, Liam l'aimait lui. Le vieux Princeps accroché au pouvoir. L'affameur du peuple, comme ils le surnommaient. Mais Liam, Liam...

Détournant son regard de ses interlocuteurs le temps d'un instant, Clothere jeta un regard attendri sur son successeur. Le pauvre jeune homme semblait terriblement s'ennuyer. Comment lui en vouloir ?

— ...Et c'est donc de cette jeune fille que je vous parlais tout à l'heure : Valeria de Larthausen, finissait soudain d'expliquer le Marquis.

« Larthausen » ? Tiens, cela le Princeps l'avait oublié. Pour la première fois depuis ces longues minutes, le maître des lieux daigna regarder celle qui se trouvait devant lui.

Immédiatement, ses mains se firent plus fermes sur le fauteuil et ses yeux cessèrent leur balai de fatigue. Ce nom, il le connaissait très bien, trop bien peut-être. En dix ans, il n'avait cessé de le hanter.

— Larthausen, vous dites ?

En l'espace d'une seconde, Clothere s'y serait presque cru. Il y a si longtemps. Elle avait le visage de sa mère, ce visage si doux, si beau. Et pourquoi avait-il fallu qu'elle hérite des yeux perçants de son père. Yeux fermés dans la douleur il y a tant d'années déjà.

De son côté, la jeune fille était gagnée par l' incompréhension. Un lourd silence s'était installé dans la pièce, pesant. Pourquoi le Princeps la détaillait-il avec tant d'insistance ?

Jetant un court regard en arrière comme pour demander de l'aide à son Oncle assis derrière elle, Valeria aperçut plutôt furtivement un petit sourire moqueur et réjoui que celui-ci fit bien vite disparaître en la voyant se retourner.

N'ayant pas le temps d'interpréter quelques signes que ce soit, la jeune fille prit soudain une grande inspiration afin de prendre son avenir en main.

— Enchantée de vous rencontrer, chuchota-t-elle d'une voix câline en esquissant une révérence. Nous avons déjà dû nous apercevoir il y a longtemps en fait mais je n'ai guère eu le loisir de venir vous revoir ces dernières années.

Déglutissant difficilement, Valeria s'apprêta à entrer dans le vif du sujet avec une appréhension encore plus vive.

— Comme vous le savez certainement...

— En effet, je le sais fort bien, la coupa brusquement son interlocuteur. Vous venez me demander de vous gracier. Vous et par conséquent, la mémoire maudite de vos traîtres de parents.

Le Princeps avait vu son visage se couvrir d'une rougeur empreinte de colère. Une rage sourde et tenace qui couvait en lui depuis des lustres.

— Vous croyez-vous racheter de cette façon ? Avec votre belle robe et vos précieux bijoux...

En disant cela, le regard du vieil homme fut soudain accroché par le pendentif de la jeune femme terrifiée qui lui faisait face. Immédiatement, il se sentit transporté dans une autre ère, celle où l'une de ses amies la plus chère portait ce bijou. Ce pendentif était un cadeau, son cadeau. Du temps où, avec les parents de Liam, ils formaient un clan uni.

Les déchusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant