Vengeance

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— Tu n'es pas tes parents, ça je crois qu'on l'a bien compris, attaqua le Princeps de plus belle. Toutefois, tu as les yeux perçants de ton père, les mimiques et la voix de ta mère, leur esprit et leur courage. Presque leur copie parfaite. Ils ont trahi le pouvoir. Et toi ? mmh ?

— Évidemment que...

— Non ah ah.

Le rire enroué du Princeps sonnait faux. Il ne fit que refroidir la situation plus qu'elle ne l'était déjà.

— Tu sais, j'aimerais pouvoir te faire confiance. La même confiance que j'ai accordée à ton Oncle dix ans auparavant lorsqu'il est devenu mon conseiller. T'octroyer la grâce du pardon, de l'oubli, de...

« Conseiller » ? Autour de Valeria, le monde se remettait à tanguer. S'accrochant aux accoudoirs de son siège du plus fort qu'elle pouvait, la jeune fille tentait en vain d'organiser ses idées. Assourdie par le choc, la longue tirade de Clothere n'atteignait plus sa destinatrice.

"Conseiller", "dix ans auparavant", "confiance", "ton Oncle".

Comment avait-elle pu être aussi naïve ? Après des années à lutter pour sa survie, elle s'était laissé berner par une robe et un collier. Ses parents avaient été assassinés et, à peine avaient-ils sauté de la passerelle que, déjà, leur beau-frère les remplaçait pour la prestigieuse place de conseiller suprême. À qui profite le crime ?

— ... et c'est donc la raison pour laquelle je peux consentir à accorder une dernière chance à ta lignée.

Devant Clothere, la jeune fille à qui il s'adressait avait pris un teint de porcelaine. Étrangement, cela lui faisait plaisir de voir qu'il pouvait encore inspirer la peur. Rien que pour cela, il ne pouvait la laisser retourner dans la fange du palier 13.

— Tu seras donc "sœur de la cité" dès ce soir. Tu prononceras tes vœux tout à l'heure, devant le peuple de Dalgidia tout entier, comme un symbole de renaissance et puis, enfin, je te gracierai au nom de la grande miséricorde de notre maison.

Pourquoi ne régissait-elle pas ? Elle n'avait pas intérêt à faire la fine bouche quand même ! Elle devait bien se douter qu'il ne pouvait pas la laisser se marier, avoir des enfants, comme s'il ne s'était rien passé. Apparemment si, soupira le princeps en haussant les sourcils. Jeunesse ingrate.

Derrière la marquise qui allait bientôt perdre son titre au profit de celui de « sœur de la cité », le conseiller du Princeps jubilait. Le problème épineux qu'il avait supprimé dix ans plus tôt, à peine resurgi, venait de se faire renvoyer dans un endroit d'où elle ne pourrait plus l'importuner: le couvent de la cité. Sans descendant, il n'y aurait pas de vengeance. Sans vengeance, l'assassinat des Larthausen resterait affaire classée. Comme il était bon de se sentir puissant...

— Hum et bien puisque l'affaire est réglée, Liam et moi-même ferions mieux d'aller nous préparer pour la cérémonie finale, grimaça le vieillard, gêné par le lourd silence qui régnait dans la pièce.

Sortie de ses pensées en l'espace d'un éclair, Valeria reprit conscience de la réalité. Coupant alors court aux tentatives du Princeps pour se lever de sa chaise en faisant craquer douloureusement tous ses os, la jeune fille improvisa une déclaration de bonheur afin de gagner du temps.

— Prenons tout de même un instant pour célébrer cela afin de sceller le pacte d'amitié qui unissait jadis nos deux familles et qui, aujourd'hui, vient de se renouer.

Un sourire angélique illuminait le visage de la jeune fille et, en se retournant vers son Oncle, elle lui lança un regard de remerciement tellement profond qu'il ne trouva rien d'autre à dire que de s'exclamer lui aussi.

Les déchusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant