Mensonges

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Devant elle, Artémis voyait toutes ses idées préconçues s'effondrer. Alors qu'il y a moins de trente minutes, la jeune fille se tuait littéralement à la tâche, voilà maintenant qu'elle allait rentrer dans une pièce close avec le Princeps. La pièce, l'antre. Tout cela grâce à Valeria, sa non-officielle rivale amoureuse, "autrefois" petite fille osseuse et à présent Marquise imposante.

Malgré les regards mauvais que lui lançaient ses suivantes depuis que Valeria avait annoncé la rentrée d'Artémis dans le cercle de ses servantes, la jeune fille se sentait la plus heureuse du monde. Elles avaient une chance, enfin, ensemble.

Sur les quelques centaines de mètres de couloirs sombres qu'avaient suivi leur rencontre, les deux femmes avaient eu quelques minutes pour s'échanger un nombre non négligeable d'informations cruciales.

Valeria l'avait-elle cru ? Artémis l'espérait au plus profond d'elle-même. De toute manière, elle ne sortirait pas de cette pièce sans avoir parlé à Liam, quelles qu'en soient les conséquences, qu'importe.

Mais maintenant, alors qu'elles se trouvaient devant la petite porte du salon du Princeps, tout prenait une forme beaucoup plus compliquée. Devant cette entrée censée être ultra-secrète, les gardes sillonnaient l'espace tous les trois mètres et, elle le savait, Artémis ne pourrait pas faire un seul geste de travers sans qu'elle ne se fasse embrocher. Alors, bien qu'à contrecoeur, la jeune fille allait devoir faire confiance à celle qu'elle connaissait à peine. Pour la première fois, elle alla même jusqu'à prier pour que la marquise soit réellement amoureuse de Bartholomé. Si, comme elle, Valeria était transie de désespoir, alors, oui, il y avait de l'espoir pour leur bien-aimé. Sinon, qui risquerait sa place sociale pour une simple connaissance ? Qui ?

Qu'importait, maintenant la machine était lancée. Réussite ou défaite, plus rien ne lui appartenait.

Deux pas plus loin, Valeria attendait dignement qu'on daigne lui ouvrir cette maudite porte. Sous ses airs froids, pourtant, une tempête bousculait ses quelques neurones non-paralysés par l'angoisse. Plus sa vie se déroulait, plus son manque cruel de sens se faisait ressentir.

Valeria se sentait fondre sous son masque de glace. Que voulait-elle vraiment ? Le pouvoir, l'amour, l'amitié, l'oubli ? Chaque fois qu'elle choisissait l'une des options, une variable faisait s'effondrer le château de cartes de ses convictions. La jeune femme se détestait. Elle était faible.

Si sa mère avait été là, qu'aurait-elle dit ?

Qui pourrait le savoir ? Sa mère était morte, soupira Valeria. Qu'aurait-elle bien pu dire ? Qu'importe finalement, tout ça était sa faute en fin de compte. Si elle avait choisi l'amour, peut-être aurait-elle sauvé sa fille. Elle avait choisi la traîtrise.

Comme pour la sortir de ses sombres pensées, telle une présence de soutien, son Oncle arriva enfin d'un couloir dérobé de ses grands pas décidés.

Le temps d'un instant, Valeria se prit à penser qu'elle n'avait jamais demandé comment il avait pu lui octroyer un entretien avec l'homme le plus puissant du pays en si peu de temps. Quel était son métier maintenant ? Même en creusant dans ses souvenirs, la jeune femme ne parvenait pas à se rappeler la fonction de son Oncle.

Lui qui était constamment avec ses parents, qu'était-il devenu depuis la mort de ceux qui l'avaient fait vivre pendant toutes ces années ? Et son œil troué ? Cela non plus on ne le lui avait jamais expliqué.Un univers de non-dit et de tabous, univers dans lequel elle allait pouvoir plonger dans quelques secondes.

Esquissant un geste d'affection mesuré, monsieur le comte se pencha à l'oreille de sa protégée en prenant bien soin de ne pas déranger la coiffure compliquée qu'on lui avait réalisée.

Les déchusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant