L'écho

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Voilà plus de vingt minutes qu'elle attendait l'arrivée de Bartholomé au point de retrouvaille qu'ils s'étaient fixés pas plus d'une soirée plus tôt ... Artémis tentait tant bien que mal de retenir son impatience en répondant brièvement aux innombrables questions parsemant le discours ininterrompu que lui tenait Gérault.

— Il parait même que parfois, ils lâchent des animaux sauvages dans les rues pour pouvoir chasser juste en sortant de chez soi, tu te rends compte !

— Mhh oui, parfaitement, mais je pense aussi qu'on perd du temps à stagner indéfiniment sur cette place qu'on connaît par cœur depuis le temps.

Se levant précipitamment, la jeune fille se força à sourire devant son ami pour s'empêcher de penser à Bartholomé qui se trouvait on-ne -sait-où avec on-ne-sait-qui. Et puis finalement s'il avait décidé d'abandonner les recherches, peut-être était-ce mieux pour tous. Elle devrait faire pareil d'ailleurs. Ces temps-ci, Artémis le sentait, elle devenait imbuvable et égoïste à souhait. Il fallait absolument que la jeune fille pense à autre chose.

— Alors, on commence par quoi monsieur je connais déjà tout pas cœur sans y avoir jamais mis les pieds ?

Flatté dans son ego, celui-ci prit alors la direction d'une ruelle, pavée de sortes d'écailles de tortue, qui s'enfonçait plus profondément encore dans le palier des excès.

Ici, les architectes avaient voulu donner une ambiance de forêt tropicale et c'est donc sans grande surprise qu'ils furent presque instantanément baignés dans une chaleur humide rappelant les nombreuses canicules que subissait le palier 13 chaque année. La différence étant qu'ici, cette atmosphère était souhaitée et étudiée et que toutes les maisons devaient être climatisées à outrance.

Plus ils avançaient, plus un microclimat fascinant se mettait en place. À leurs côtés, les grands hôtels particuliers qui parcouraient la rue étaient tous recouverts par d'immenses racines d'arbres qui s'étaient incrustées dans la pierre, soubassements d'immenses arbres.

Une lumière chaude s'incrustait difficilement parmi le toit de feuilles formés par cette rangée plantes grimpantes mais c'était juste assez pour apercevoir les multiples animaux qui les habitaient. Gérault n'avait donc pas eu tort, ils avaient vraiment lâché des bêtes tropicales à l'intérieur même de la ville.

Devant tant de splendeur, les deux jeunes gens s'étaient arrêtés en plein milieu de la chaussée, émerveillés. Pourtant, un hurlement désagréable les ramena rapidement à la réalité. Derrière eux, un carrosse doré tiré par deux splendides destriers leur faisait face.

— Dégagez sur le trottoir, espèces de pouilleux ! On ne vous a jamais appris la différence entre un trottoir et une route ?

Prenant son amie par le bras, Gérault leur évita un coup de cravache en la poussant sur le bas-côté.

— Vous avez de la chance que je n'ai pas le temps de prendre vos noms, il y a plus urgent que vous.

Tout en déversant sa désagréable tirade, le cocher cracha dans leur direction et le carrosse reprit lentement sa route. Assez lentement au démarrage pour que, à travers des persiennes brodées d'or, le visage dur d'un homme au visage effrayant leur apparaisse comme dans un cauchemar. La dernière vision qu'Artémis eut de lui fut celle de son œil blanc, visiblement crevé par une cicatrice le traversant tout le long de son visage, et qui semblait la regarder de haut en bas avec mépris.

Un frisson de soulagement les parcourut enfin quand le bruit des sabots disparut dans le lointain.

— On repart ce soir, souffla Artémis, comme pour se persuader elle-même qu'elle serait encore en vie demain matin.

Les déchusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant