Le carrefour

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Liam repris conscience avec un horrible mal de tête. Tous ses membres étaient comme engourdis, presque raidis à jamais par un choc dont il ne se souvenait pas. Une forte odeur de moisi parvint soudain à ses narines. Il n'était pas chez lui, mais où ? Peu à peu le jeune homme tentait d'ouvrir les yeux, mais une douce torpeur l'en empêchait. Pourquoi était-il si fatigué d'ailleurs ?

Se souvenant brusquement des évènements précédents, il se réveilla tout à fait en vomissant toutes ses tripes sur le sol à côté de lui. Sa gorge lui faisait mal à en mourir et il sentait une énorme bosse sur sa tête. Plus que la douleur physique, Liam avait mal intérieurement, plus qu'il ne l'avait jamais ressenti. S'il avait encore pu pleurer, il l'aurait fait, toutefois il n'avait plus une seule larme, sa tristesse l'avait asséché, vidé de tous ses mots. Reprenant peu à peu ses esprits, il parvint enfin à entrouvrir ses paupières. Aveuglé par la lumière, Liam ne distinguait pas grand-chose, rien de connu.

— Ah, mais c'est dégueulasse !

À côté de lui, Bartholomé exprimait son juste dégoût de l'odeur engendrée par ces vomissements. Heureux d'entendre une voix familière, Liam tenta d'en rire, sans vraiment de résultat.

— Tais-toi et dis-moi plutôt ce que tu vois nigaud, reprit Liam d'une voix pâteuse, je n'arrive pas à savoir où l'on est.

Réveillé en sursaut, Bartholomé n'avait pas encore regardé autour de lui. Tournant la tête, il vit son ami affalé sur le ventre dans une position qui devait être très désagréable. Fronçant les sourcils en essayant de comprendre les raisons de leur présence ici,il ne reconnaissait rien.

Ce n'était pas logique, quelques instants auparavant, ils étaient dans une cave humide et poussiéreuse poursuivie par des hommes aux allures dangereuses. Et, maintenant, il y avait ce sol entièrement lisse, cette lumière et ces...

Bartholomé prit soudain conscience d'une chose fondamentale. Il se voyait, ainsi que Liam sans même avoir à tourner la tête. Se frottant les yeux comme pour se réveiller d'un mauvais rêve, celui-ci comprit soudain avec étonnement qu'ils se trouvaient devant un immense miroir. Deux fois plus grand que lui, il avait au moins la largeur d'une charrette de foin. Accroché sur son fronton, on pouvait voir un grand écriteau à l'écriture travaillée : « Fort Castle ».

Dans le reflet, Bartholomé pouvait distinguer son ami qui, derrière lui, avait fini par ouvrir les yeux. Bouche bée, tous deux regardaient leur double sans rien comprendre.

— On est où ? murmura Liam sous le choc.

En tournant le regard, les deux amis purent voir qu'ils se trouvaient dans un immense couloir éclairé à outrance par un moyen inconnu. Il n'y avait pas de fenêtre, comment était-ce possible ?

Ébahis, ils comprirent soudain que la lumière du jour se reflétait à l'infini grâce à une multitude de miroirs, tous semblables à celui devant lequel ils se trouvaient. Chacun d'eux renvoyait un rai de lumière vers un autre, qui en faisait de même et ceci à l'infini. La beauté de ce chemin étincelant fit se relever Liam tout à fait.

— On est dans... ?

— Un carrefour ? suggéra Liam. Comment on...

— ...est arrivé là ?

Sans prendre plus le temps de réfléchir, Liam commença lentement à marcher dans le sillage du chemin de lumière. Chaque miroir était espacé d'environ deux mètres, mais leurs tailles variaient de celle d'un chien à jusqu'à quelque chose de beaucoup beaucoup plus grand. Quelques pas derrière lui, Bartholomé récitait les noms inscrits sur les écriteaux d'une voix surexcitée.

— Lémia-ville, Théraphim, Malecho, C'est incroyable, je n'en ai jamais entendu parler !

— Si seulement j'avais un papier et un crayon, je pourrais cartographier tout ça, s'extasia Liam. Je pourrai ainsi devenir le professeur de géographie le plus heureux du monde.

Les déchusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant